jeudi 10 décembre 2015

NOS PREMIERS RÉFUGIÉS SYRIENS ET NOS MÉDIAS


Les premiers réfugiés syriens devraient arriver à Toronto demain et à Montréal samedi. À tous ces réfugiés qui fuient un pays engagé dans une guerre horrible, je dis : soyez les bienvenus au Canada et au Québec. J'espère que vous trouverez ici un pays accueillant, pacifique et humain qui saura vous aider à reprendre parmi nous une vie normale et, je vous le souhaite, la plus heureuse possible.

Je suis convaincu que les représentants consulaires canadiens qui vous ont rencontrés en Turquie, en Jordanie ou au Liban vous ont fourni d'amples explications sur le pays où vous arrivez. Je ne veux pas ajouter à leurs descriptions. Quand vous arriverez au Québec, samedi, j'aimerais vous dire un mot de nos médias. Notez que ce ne sera pas mieux à Toronto, mais je parle ici de Montréal.

Vous allez voir ces médias électronique arriver en groupes compacts, toutes lumières de caméras allumées. D'abord, sachez qu'ILS NE SONT PAS DANGEREUX. 
 
Ils ne vous frapperont pas. Vous demeurez libre de ne pas leur répondre. Ces médias seront là, à vous attendre avec caméras, lumières et micros. Ce sont les plus dangereux, et en même temps, les plus inoffensifs. Dès qu'ils auront une chance de s'approcher de vous, ils vont vous demander des questions très, très profondes et très, très réfléchies.
 
Question profondes...

Première question profonde : « Comment vous sentez-vous en arrivant ici ? »

Réponse suggérée : « Je suis content(e), mais un peu fatigué(e). » (Vous serez déjà très apprécié(e).)
 
Deuxième question profonde : « Que pensez-vous du Canada ? »

(Bien sûr, à l'aéroport, vous n'avez encore rien vu du Canada, du Québec, de Montréal, puisque vous serez encore à l'aéroport. Ou si peu.)

Réponse (suggérée) à la deuxième question profonde : « Je suis très heureux (se) d'être enfin arrivé dans votre beau pays. »

Ces « journalistes » seront alors enchantés, hors d'eux-mêmes. Il se peut même que quelques vedettes de la télévision ne pensent pas momentanément à leur coiffure et négligent une fraction de leur apparence. C'est vous dire l'effet de vos mots, même s'ils sont peu nombreux.

N'oubliez pas, chers réfugiés, de répéter qu'après un vol de neuf heures, vous êtes (e) content(e), mais un peu fatigué(e). Cela ajoutera une touche de « human  interest » au reportage du journaliste de la télé. Il risque d'y avoir une troisième question (de la part des plus intellectuels de ces journalistes de la télé, ceux qui vivent sur le Plateau - on vous expliquera cela plus tard, car ce n'est pas très important).

Troisième question profonde : « Qu'allez-vous faire demain, et où allez-vous vous installer ? »

À cela, je vous conseille de répondre au journaliste de poser sa question aux gens et aux organismes qui s'occupent de votre accueil. IL NE VOUS EN VOUDRA PAS.  Il aura eu sa « clip sonore ». Ça lui suffit.

Si un journaliste de la presse écrite souhaite échanger avec vous, n'hésitez pas : il veut faire de l'information, pas donner un spectacle. Vous le reconnaîtrez à sa tenue vestimentaire négligée, et au fait qu'il est seul, sans caméra de télévision.

Un dernier mot. Vous êtes arrivés dans un pays de liberté, et cette liberté vous permet de ne pas parler à la presse si vous n'en avez pas le goût ou l'envie. Rappelez-vous-en. J'espère que cette petite leçon sur nos médias vous sera utile, si vous la lisez.

À nouveau, bienvenue dans ce havre de liberté qu'est le Canada. Je vous souhaite le mieux pour la suite de votre vie et celle de votre famille ici.

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Crédits image :
Réfugié syrien : ONU
Médias : ABC
 

 

 

 

 

 

 

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