mercredi 3 avril 2019

LE VOCABULAIRE MODERNE…

Nous vivons quand même une belle époque. On devrait bientôt retourner sur la lune pour préparer le débarquement sur mars en 2033. Le pot est légalisé et le gouvernement du Québec, contrairement au petit pusher de la cour d’école, ne réussit pas à fournir à la demande dans ses succursales de vente du cannabis. Bientôt, ce sera notre auto autonome qui nous ramènera, ivres, à la maison en toute sécurité. Plus besoin de Nez Rouge. Signe de progrès, notre vocabulaire évolue lui aussi. Par exemple, nous sommes arrivés dans une ère où il n’y a plus de problèmes. Non, les problèmes ont été remplacés par des problématiques. Oui Monsieur ! Des problématiques, c’est pas mal plus sérieux que de simples problèmes.

Autre changement signe évident de progrès. Dans la plupart des pays francophones, un lieu où on accueille des personnes âgées et démunies, cela s’appelle, en bon français, un hospice. Ici, au Québec, c’est un 'céhacheaileessedé' ou, si vous préférez, un CHSLD. Nous sommes d’ailleurs au royaume des acronymes, dans notre belle province. Ainsi, nous avions des CSSS. Après quatre années de sévères 'barrettitudes', voilà que nous avons des CISSS et des CIUSSS. Ça, mes amis, c’est du progrès.

Ce progrès dans le vocabulaire se veut également positif. On fait disparaître des termes présumés négatifs pour les remplacer par du vocabulaire à l’allure plus jovialiste. Par exemple, savez-vous qu’il n’y a plus d’aveugles au Québec. Nous n’avons que des non-voyants. Idem pour les sourds. Ils ont tous et toutes été remplacés par des malentendants. Les infirmes de mon enfance ? Envolés en fumée, remplacés par des handicapés, qui peuvent avoir des infirmités, pardons, des handicaps de différentes natures. C’est quand même émouvant, le progrès. On accepte sans cligner des yeux des néologismes souvent un peu barbares.

Ainsi, on ne dira plus que ce sentier peut être dangereux à certains endroits. On va plutôt évoquer la « dangerosité » du dit sentier. Ça fait tellement plus… dangereux ! Et on se sent bien. Plus encore, on se sent mieux. Signe de liberté, aujourd’hui, on s’affranchit des règles jugées désuètes de la grammaire française. Comme disait un animateur de télévision bien connu, « tout cela fait partie des sujets que je veux vous parler ce soir ». Bon. Il a oublié d’ajouter le « de ». Pour être fidèle à son anglicisme, il aurait dû dire « tout cela fait partie des sujets que je veux vous parler ce soir de ». Un autre chroniqueur (que je ne nommerai pas) écrivait à propos des « bagages que la vedette X aura besoin dans sa tournée ». Même oubli de ce pauvre « de ». Décidément, le dont a mauvaise presse.

Je ne m’étendrai pas sur l’utilisation de mots anglais chez nos très, très lointains cousins français, ceux de la France. Nous le subissons régulièrement et nous tentons de demeurer stoïques. Après tout, le parking du drugstore est toujours vide pendant le ‘ouiquenne’ (week-end). Si vous êtes jeunes, vous trouverez ça « cool ». La coolitude est un concept difficile à comprendre et plus encore à décrire. Le mot signifie tellement de choses qu’on s’y perd. On peut être cool ou pas. Mais généralement les vieux comme moi ne sont pas réputés cools. Les jeunes, eux, bien sûr, le sont. Par exemple, pour certains Catherine Dorion est cool, mais pas François Legault ou Pierre Arcand, pour utiliser des modèles politique. Justin Trudeau est réputé cool, mais pas Donald Trump ou Doug Ford. Eux, ils ne sont vraiment pas cools. Vraiment pas.

Autre chose. Quand j’étais jeune, disons en 1950 ou 1955, échapper un sacre était insultant et vulgaire pour ceux ou celles qui l’entendaient, même si c'était un coup de marteau sur un pouce qui l'avait provoqué. En général, les parents réprimaient ce genre de langage chez leurs enfants. Signe de progrès manifeste, aujourd’hui le sacre est devenu un outil accepté d’expression de soi et ce, au point qu’on entend sacrer non seulement sur la rue mais, tenez-vous bien, à la télévision, à la radio et même sur Facebook. J’ai même un ancien confrère de collège devenu vedette du rock québécois dont on m’a rapporté qu’il avait sacré sur scène, oui Madame, et plus d’une fois. C’est pour dire, le progrès n’attend pas ! Oui, les ‘sties, c*lices, les t*barn…, les cib*ires, les cr’sses, c’est maintenant versé dans le langage courant du Québec, de même que le f*ck, le sh*t, etc. On progresse, c'est clair et net.

Il n’y a pas à dire, mais depuis un demi-siècle, nous avons avancé. Nous nous sommes libérés de plein d’autres vieilles affaires et nous sommes devenus modernes et cools. Oh oui, nous vivons une bien belle époque…
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