jeudi 31 mai 2018

OÙ SONT DONC PASSÉS LES ÉTÉS D'ANTAN…

Quand les décennies s'ajoutent à son compteur personnel, quand le temps semble filer plus vite qu’auparavant, quand les chefs d’état et de gouvernement sont plus jeunes que soi, la réminiscence de ce qui fût est inévitable, sauf pour les malheureux qui ont perdu leur mémoire. C'est parce qu'on vit encore et qu'on a vécu que l'on se rappelle le chemin parcouru, et pas nécessairement pour vivre dans le passé ou dans la nostalgie. Le « vécu » est loin d'être toujours intéressant. À preuve ces ennuyeuses émissions de téléréalité, dont le nom même est un mensonge, ou encore certains contenus de Facebook. Dans mon cas, face aux saisons estivales de nos temps modernes, je me demande souvent où sont passés les étés d'antan. Je vous explique pourquoi.

Mon enfance s’est déroulée, pour l'essentiel, entre 1950 et 1960. Né en 1944, j'ai eu 6 ans en 1950. Mes souvenirs ne sont pas très précis pour toute cette décennie, mais je me rappelle surtout que l'été, c'était la fin des classes, la liberté de jouer dans la cour de la maison ou au parc tout près, et un certain silence, un certain calme. Après dix mois de discipline scolaire, de devoirs, de leçons, la fête de la Saint-Jean représentait la liberté estivale, le farniente, même si on ne connaissait pas ce mot. Bien sûr, il subsistait une certaine discipline à la maison, mais c'était davantage pour notre bien et notre sécurité que pour nous opprimer.

J'ai passé cette enfance à Montréal-Nord, sur la rue Sainte-Gertrude. De temps à autre, un vieil autobus brinquebalant y passait. Il n'y avait pas beaucoup de circulation automobile. Au début, le laitier venait nous porter nos nombreuses pintes de lait dans sa voiture à cheval. Quand il faisait particulièrement chaud, il nous donnait des éclats tombés des gros cubes de glace qui gardaient au frais ses produits laitiers dans sa voiture. Un jour, il est arrivé avec un camion tout neuf. Fini la glace. Moi, j'ai été déçu de ne plus voir et même sentir son cheval, et de ne plus avoir de morceau de glace à sucer tranquillement à l'ombre. Dans ces années-là, voir passer un avion dans le ciel était un événement qui nous fascinait. Je me rappelle d'avions avec trois gouvernails : c'était des Super Constellations. On n'arrêtait pas le progrès.

Au Parc Léonard, niché entre le Boulevard Gouin et la Rivière des Prairies, on s'amusait pendant que les plus grands jouaient dans un coin du parc à la balle molle ou au baseball. On avait des balançoires, des carrés de sable pour les « bébés », comme on disait du haut de nos huit ou neuf ans… Une fois par été, si je ne m'abuse, il y avait une tombola au parc. Des jeux, des kiosques étaient érigés et une atmosphère festive, avec de la musique, des spectacles et des guirlandes de lumière nous remplissait les yeux d'émerveillement. Si on avait quelques sous, on se payait la traite : un petit sac de chips Maple Leaf et un Coke en bouteille faisaient de notre journée un succès… La tombola durait, je ne sais plus, quelques jours ou même une semaine. Puis, le parc retrouvait son calme habituel. Mis à part les éclats de voix des enfants, le parc était plutôt silencieux.

Moi, j'étais un « liseux ». J'aimais lire. Dès que j'ai eu neuf ou dix ans, on m'amena en tramway à une bibliothèque municipale au coin de Lajeunesse et Gouin. La bibliothèque était logée en haut d'un poste de pompier. Pour y accéder, il fallait grimper un long escalier en métal qui résonnait sans bon sens. J'empruntais trois livres et je revenais à la maison, toujours en tramway. Généralement, j'avais lu mes trois romans en une journée. Le lendemain, je recommençais. J'ai dû faire cela un ou deux étés à Montréal-Nord. Puis, mes parents ont déménagé à Rosemont. J'avais quelques années de plus, et mon père m'avait acheté une bicyclette à un encan de la police. La bécane avait deux barres et devait peser trente livres, mais c'était ma bicyclette. Rapidement, l'été, j'ai poursuivi mon manège de lecteur vorace en me rendant à bicyclette à la bibliothèque municipale au coin de Bellechasse et de la 8e avenue. Le manège des trois livres lus en une journée se poursuivait. Mais je ne faisais pas cela sept jours par semaine.

J'allais aussi au parc où j'ai vu la Roulotte de Paul Buissonneau, et le comédien lui-même nous présenter des comédies. On jouait aussi à différentes sortes de jeux sur le gazon.  D'autres jours, je devenais explorateur de Montréal. Je partais en bicyclette sans but précis, pour connaître la ville. Ma mère s'inquiétait un peu et me disait d'être prudent. Souvent je revenais pour le repas du midi et je passais mon après-midi à lire en grignotant des carottes… L’été, c’était tranquille.

Aujourd’hui, pareil régime de calme et de tranquillité est impensable. L’été, maintenant, rime avec party. Les festivals de n’importe quoi se succèdent les uns aux autres. On ferme les rues. Les haut-parleurs sont omniprésents. On a des feux d’artifices pour avoir des feux d’artifices. On s’invente des anniversaires pour fêter bruyamment encore plus, même si ces anniversaires sont plus ou moins bidons, comme le 375e de Montréal ou le 150e du Canada, pourtant découvert en 1534 par Jacques Cartier. J’ai entendu dire que le maire Coderre voulait préparer activement les fêtes du 380e de Montréal… Disons que le 400e de la fondation de Québec en 2008, c’était un réel anniversaire.

Cette pléthore de fêtes n’est pas l’apanage de Montréal, de Québec ou du Québec. C’est partout. Les entreprises créatrices d’événements – oui, oui, ça existe et on les subventionne grassement – se multiplient et font preuve d’une imagination sans limites pour distraire les citoyens et ça, du plus petit hameau à la plus grande ville.

Dites, est-ce que les gens s’ennuient tant que cela ? Je pense qu’en général, oui, les gens s’ennuient. Sinon, comment expliquer les foules qui se bousculent au moindre événement festif, au moindre festival de l’épingle à linge? Peut-être que c’est la platitude sidérante de la télévision en été qui explique un peu cela. Après tout, à quoi serviraient les étés si on n’en profitait pas pour s’envoyer en l’air.

Ah… le monde moderne. Je vais aller faire une sieste...



lundi 21 mai 2018

PQ : RIEN NE VA PLUS

Ça ne va pas bien pour le PQ de Jean-François Lisée. Après avoir proposé de stopper les travaux du REM, rien de moins, voilà que les médias dévoilent que la candidate péquiste dans Maskinongé, Muguette Paillé, au cours des dernière semaines, a « formulé ou cautionné une série de commentaires agressifs dans ces forums de discussion, notamment au sujet de l'Islam. Mme Paillé a « aimé » un commentaire qui présente l'Islam comme une « idéalogie (sic) démoniaque totalitaire ». Elle a aussi « aimé » qu'un internaute propose de « castrer avec une lame de rasoir » les musulmans pour « les empêcher de violer les femmes et les petites filles ». Elle a également qualifié le premier ministre Justin Trudeau d’« antinationaliste », de « voleur» et de «menteur», et présenté Philippe Couillard comme un « cheikh ». »

Cela, C’était rapporté dans La Presse du 15 mai 2018. Madame Paillé, bien évidemment, a retiré sa candidature.

Alors que le Bloc québécois s’effondre, un de ses visages les plus emblématiques, Michel Gauthier, prend sa carte de membre du Parti conservateur du Canada et rigole avec Andrew Scheer.

Alexandre Taillefer, « techniquement » membre du PQ, présidera la campagne libérale de Philippe Couillard après avoir été approché deux fois par… la CAQ pour être candidat. Il ne semble pas que le PQ ait tenté de recruter un des hommes d’affaires les plus en vue au Québec. Quelqu’un au PQ dormait au gaz. Faudrait lui rappeler que l’élection est le premier octobre 2018, pas 2019.
Pendant ce temps…
Pendant ce temps, les sondages se suivent… et se ressemblent. La CAQ est en tête des intentions de vote, suivie du PLQ. Assez loin derrière, vient le PQ au plus bas des intentions de vote depuis sa fondation, suivi enfin de QS.

Comme les diverses firmes (Ipsos, Léger Marketing, etc.) présentent à peu près toutes le même tableau sondage après sondage, quelque chose s’est passé dans la tête des Québécois et des Québécoises qui n’a plus rien à voir avec l’idéal de l’indépendance politique de la province. Le monde a beaucoup changé entre 1970 et 2018. Le PQ, à part changer la couleur et l’orientation de la barre dans la lettre Q de son sigle, n’a pas vu ou compris ce changement.
Voilà aussi qu’un chroniqueur généralement assez sympathique au nationalisme québécois, Claude Villeneuve, écrit dans le Journal de Montréal (et de Québec)[1] : « Serait-il possible que le PQ cesse d’écrire lui-même l’argumentaire de ses adversaires ? Sa position est compliquée, mais elle est légitime, voire nécessaire. Éviter de la discréditer d’emblée serait salutaire. »

Un autre chroniqueur dans ce même média[2], Rémi Nadeau, écrit à propos de Québec solidaire : « À voir et entendre Gabriel Nadeau-Dubois, il se dégage une impression qu’à l’exception de la question identitaire, les péquistes pourraient trouver bien des terrains d’entente avec lui. Si les sondages disent vrai, ce n’est pas seulement une simple défaite que risque de subir le parti de Jean-François Lisée le 1er octobre, mais une dégelée. La poussière retombée, peut-être Véronique Hivon sera-t-elle tentée de reprendre des pourparlers avec Nadeau-Dubois... »
Qu’est-ce que ne va plus dans le Parti québécois, naguère porteur d’espoir et d’idéalisme ? Même s’il abandonnait l’article un de son programme (sur l’accession à la souveraineté du Québec), l’impression subsiste que ce parti n’a plus sa place dans notre société. Malgré des erreurs tactiques et stratégiques, son chef et sa co-chef sont actifs, mettent de l’avant des propositions, critiquent le gouvernement, comme c’est leur devoir, mais comme on dit au casino, rien ne va plus.

On assiste possiblement à la fin de ce qui fut un grand parti, comme on a assisté en 1973, à la fin de l’Union nationale. Ce spectacle est désolant. Il l’est toujours.



[1] Journal de Montréal, 16 mai 2018.
[2] Ibid.