mardi 28 février 2017

CES TECHNOLOGIES QUI NOUS ASSERVISSENT

Les nouvelles technologies de l'information, en principe, doivent libérer l'humain de plusieurs tâches répétitives, tout en accélérant presqu'à la vitesse de la lumière l'échange d'information d'un bout à l'autre du globe. Bel idéal. En échange, nous avons, plus ou moins consciemment accepté que de plus en plus de tâches soient faites par les nouvelles machines et ainsi de devenir assujettis aux nouvelles technologies de l'information.
 
D’abord, il y a eu la radio, et surtout la télévision qui ont modifié les habitudes de vie de nos parents ; la télévision est devenu la vraie reine du foyer et a remplacé la danse, les parties de cartes, les discussions en famille, le chapelet en famille, etc. La télévision a contribué puissamment à tuer le dialogue.
 
Puis, les nouvelles technologies sont arrivées et celles-ci, maintenant, régulent et mènent nos vies. Très peu de nos actions quotidiennes sont effectuées sans le recours à ces technologies et à Internet. Acheter un pain au dépanneur, vérifier la météo, payer une facture, commander du poulet ou de la pizza, emprunter une hypothèque pour acheter une maison, consulter les petites annonces, réserver des billets pour un spectacle, lire un journal, tout cela et bien davantage se fait grâce à Internet et à ses applications.
 
L'automobile est de plus en plus bourrée de toutes sortes d'éléments informatiques et dans laquelle le jugement du conducteur sera de plus en plus qu'un vague souvenir; automobile le mot le dit : auto et mobile; c'est comme automatique dans transmission automatique; on fait de moins en moins d'efforts, on pense de moins en moins, on est de plus en plus en pâmoison devant toutes ces réussites technologiques, comme au temps du Titanic. Tout pour nous rendre supposément la vie plus facile agréable. On embarque les  yeux fermés en chantant « tout le monde le fait, fais le donc... »
 
S'il fallait que les technologies fassent défaut toutes ensemble, notre société serait totalement paralysée. Plus un véhicule ne roulerait. Plus aucun avion ne pourrait voler. Aucun guichet automatique ne pourrait vous fournir de l'argent, et le dépôt des salaires ou des pensions directement dans votre compte bancaire cesserait. Les cartes de crédit ou de débit deviendraient d'inutiles morceaux de plastique. Les cellulaires comme les GPS deviendraient inopérants et donc inutiles. Ordinateurs, tablettes, tableaux interactifs, tout cela serait à jeter aux poubelles ou à la récupération. Fini les jeux vidéo ou la télévision. Dans les hôpitaux, bien des malades maintenus en vie grâce aux appareils de haute technologie décèderaient, tout comme ceux ou celles dont la vie dépend d'un stimulateur cardiaque (pacemaker).
 
À force de succomber aux stratégies des vendeurs de technologie, nous sommes donc devenus totalement dépendants de ces mêmes technologies. Notre société, dorénavant, dépend d'elles pour son fonctionnement le plus ordinaire, le plus banal. Cela devrait nous interpeler. Cela devrait même nous inquiéter. Pourtant, on continue à se moquer de personnes plus âgées éprouvant de la difficulté à manœuvrer avec les appareils technologiques quotidiens comme le cellulaire ou le guichet automatique. On traite ces gens de dinosaures. Mais ce faisant, les rieurs oublient que leur univers a les pieds bien fragiles, qu'il est à la merci d'une panne prolongée d'électricité, voir d'une éruption solaire un peu plus violente et apte à griller les milliards d'appareils de haute technologie sur le globe.
 
 
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Un autre aspect de cette question mérite d’être évoqué. L'évolution des nouvelles technologies va beaucoup plus loin que le seul fait de changer nos habitudes de vie : elles sont en soi des «systèmes de pensée» qui nous sont imposés. Pensez aux algorithmes et à l'évolution de l'intelligence artificielle. En fait, on pense à notre place, on prend des décisions à notre place sur des questions fondamentales : la finance, la consommation, la sécurité, la gestion, etc. Aujourd'hui, les analystes de Wall Street fondent leurs actions à partir de décisions prises par des algorithmes.
 
Or, l'évolution rapide des technologies de l'information, y compris le téléphone dit intelligent (Confusion: il n'est pas intelligent, il est multifonctions), conditionne nos vies. C’est donc dire que par leur convivialité, ces technologies développent dans nos rapports à la vie, à la santé, à la maladie, etc., une dépendance qui contient une part importante d'inadaptation. 
 
 
Par exemple, Alain Deneault dans «Gouvernance, le management totalitaire» souligne qu'il est possible aujourd'hui de «dialoguer» avec des fous et des criminels simplement avec son téléphone ou sur Facebook, etc. C’est donc à la portée de n'importe quelle entreprise (politique, commerciale) «d'anesthésier quiconque est sujet à la dissonance cognitive». Les nouvelles technologies contribuent fortement à la croissance observée en plusieurs sociétés de l’individualisme, de l’égocentrisme au détriment du collectif, de la solidarité et ultimement de la justice sociale.
 
On oublie trop facilement que le Titanic était réputé insubmersible. Pourtant, il a fallu d'un seul iceberg mal placé pour que l'orgueilleux navire, à l'époque à l'avant-garde de la technologie, se retrouve au fond de l'Atlantique. Notre esclavage bien réel face aux technologies de l'information et de la communication ne doit jamais nous faire oublier son inhérente fragilité.
 
 
(Ce texte a été rédigé avec la collaboration de mes vieux complices Normand Chatigny, Denys Larose et Jean-Noël Tremblay, tous trois de Québec).
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