mardi 2 juin 2015

JACQUES PARIZEAU, EN QUELQUES LIGNES


N'écrire que quelques lignes sur Jacques Parizeau est difficile, car il y a beaucoup à dire. L'homme qu'il fût était, dans tous les sens du terme, formidable. Une présence physique imposante, une intelligence exceptionnelle, une foi inébranlable dans l'avenir d'un Québec souverain, une audace dans la réflexion et le propos, mais  toujours exprimée, sauf une malheureuse fois, dans le plus grand respect. Monsieur Parizeau était tout cela, et plus encore. J'ai eu l'immense privilège, de décembre 1976 à mai 1978, de travailler à ses côtés comme secrétaire de presse et conseiller politique.

Ma première découverte, c'est qu'il n'y avait qu'un seul Jacques Parizeau. Dans le secret des conversations du cabinet politique ou en public, Jacques Parizeau tenait le même discours. Chez lui, la double langue et la langue de bois n'existaient pas. Comme disent les Américains, « what you saw is what you got. »

Un autre trait profond chez Jacques Parizeau : sa loyauté absolue envers le chef du Parti québécois de l'époque, René Lévesque. Monsieur Parizeau lui était d'une fidélité à toute épreuve, et Dieu sait s'il y en a eu, des épreuves. Malgré les désaccords sur certaines idées fondamentales, dont l'étapisme et le libellé de la question du référendum de 1980, malgré le refus du « beau risque » de 1984 et la démission subséquente du conseil des ministres avec plusieurs collègues, Monsieur Parizeau est demeuré un proche de Monsieur Lévesque.
Le soir du décès de René Lévesque, c'est Monsieur Parizeau qui est arrivé un des premiers au domicile de l'ancien premier ministre à l'Île-des-Sœurs le 1er novembre 1987. Monsieur Parizeau et Monsieur Lévesque ne se sont jamais tutoyés, même en privé. J'en suis témoin.
J'ai aussi découvert, chez Jacques Parizeau, le sens du mot dignité. Monsieur Parizeau était un homme digne. Il était de son temps certes, mais il ne perdait jamais cette dignité dans son comportement, dans ses relations avec les autres, y inclus les adversaires politiques ou les simples citoyens. Ce n'était pas affectation de sa part, c'était sa nature profonde.

Enfin, je dis un mot de son engagement. Jacques Parizeau, d'abord et avant tout, a été un grand, un très grand serviteur de l'état québécois et de ses concitoyens. L'évolution de sa pensée constitutionnelle, que des plus compétents que moi vont analyser encore longtemps, provient essentiellement de sa volonté de mieux servir encore le Québec et sa population. Optant publiquement pour l'indépendance politique de Québec en 1967, il s'est fermé d'innombrables portes, mais il en a ouvert bien d'autres. Il savait pertinemment que les élites du Canada anglais ne le comprenaient pas.
Au printemps 1978, délégué à Toronto pour représenter le ministre des finances du Québec au budget du ministre ontarien des finances, j'ai eu de longues discussions avec diverses personnes après le discours à Queen's Park. Je me souviens, entre autres, de John Robarts, l'ancien premier ministre ontarien, me dire en toute franchise : « Jacques can't be a separatist: he's one of us! » Ce qui fit bien rire Monsieur Parizeau, à mon retour à Québec.

Le Québec vient de perdre un de ses grands hommes. Nous n'en avons pas beaucoup. Nous le regrettons déjà.
À son épouse Lisette Lapointe, à ses enfants et à tous ses autres proches, j'exprime mes condoléances les plus sincères. Votre perte est aussi la nôtre.

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