mardi 17 novembre 2015

ATTENTATS DE PARIS : DÉSESPÉRER ?

Tout et son contraire a été dit et écrit sur les attentats de Paris jusqu'ici. L'éventail des sentiments s'est étalé dans les images, dans les textes et sur les visages des gens, au premier chef bien sûr des trop nombreuses personnes directement touchées par cette tragédie innommable. Beaucoup de colère, d'incompréhension, de révolte et surtout, de tristesse, une profonde tristesse.

Les acteurs politiques ont tenu leurs propos habituels en pareille circonstances. Devant les parlementaires, le Président de la République française a été particulièrement agressif face aux actes de l'ÉI, énonçant des phrases qu'on pourrait qualifier, si on ose créer ce néologisme, de « bushiennes ». M. Hollande a parlé de « l'armée de terroristes » qu'il faut non pas défaire, mais bien éradiquer. Ce n'est pas rien. Joignant le geste aux paroles, la France a déjà intensifié ses attaques aériennes contre des cibles en territoire contrôlé par l'ÉI.

Par delà l'horreur compréhensible suscitée par les assassinats gratuits de vendredi soir, il ne faut jamais oublier que le président français est aussi en campagne électorale pour les élections régionales du 6 et 13 décembre et qu'il doit décider s'il sera candidat à un second mandat à la présidence de l'État français. Cela aussi fait partie de la réalité.

Pour notre part, notre jeune premier ministre a refusé de tomber dans l'enflure verbale ambiante. Il a eu raison. Bien sûr, les chroniqueurs le lui reprochent sévèrement. Un premier ministre canadien qui se retient de lancer des déclarations enflammées, ce n'est pas très excitant… On lui reproche même de vouloir s'en tenir à ses engagements électoraux (retrait des six F 18 au Moyen-Orient, accueil de 25 000 réfugiés syriens au Canada d'ici la fin de l'année) et on lui conseille d'un côté, d'être plus guerrier et de l'autre, moins accueillant. Certes, il va de soi que les mêmes chroniqueurs et commentateurs sont fins prêts à le crucifier s'il ne respecte pas ses promesses électorales…

Tout cela est de la politique. Nos politiques reflètent aussi une inquiétude profonde chez les citoyens en France, certes, mais aussi ailleurs dans le monde, incluant le monde musulman qui est le monde ayant le plus souffert jusqu'à maintenant de ces gestes barbares. En passant, de ce côté-ci de l'Atlantique, qui s'était vraiment soucié du double attentat à la bombe, la semaine dernière, dans un quartier du sud de Beyrouth, qui a fait au moins 43 morts et 239 blessés, selon le dernier bilan officiel ?* Poser la question, c'est y répondre.
Les actes terroristes sont conçus justement pour créer un sentiment permanent de terreur au sein des sociétés. Ce sentiment est corrosif, et s'attaque à la cohésion sociale sans laquelle vivre de façon civilisée n'est pas possible. Cette terreur mène aussi au désespoir et au découragement. Ce sont ces sentiments que les terroristes veulent créer, et c'est à cela qu'il ne faut surtout pas succomber.

Toutes les communautés qui, d'Oklahoma City à New-York, de Mumbai à Madrid, de Beyrouth à Paris et en combien d'autres endroits, toutes les communautés qui se sont reprises en main, ont nettoyé les lieux, pleuré leurs morts et blessés et repris le travail quotidien, toutes ces communautés nous ont donné une leçon non seulement de courage, mais aussi de civilité et de civilisation. Reprenant une vie normale malgré la douleur, ces communautés ont fait mentir et continuent de faire mentir les terroristes qui ont cherché à les paralyser. Elle continuent également de faire mentir les nombreux prophètes de malheur qui s'agitent dans trop de médias complaisants. C'est ce que Paris fait ces jours-ci.

Notre monde n'est pas parfait, certes, mais il démontre à tous les jours que la civilisation l'emportera toujours sur la barbarie, la force de caractère sur la terreur, les plaisirs simples de tous les jours sur les idéologies totalitaires, théologiques ou non.
 
 
Image : The Guardian (via Internet)
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