samedi 22 février 2014

GASPILLER NOTRE ARGENT...

Nous sommes au seuil d'une (autre) campagne électorale, qui sera décidée par la seule première ministre Pauline Marois. Sans qu'on s'en émeuve, elle va commettre un abus de pouvoir, et la plante verte, qu'on appelle aussi notre lieutenant-gouverneur, va obtempérer obséquieusement à la demande de Madame Marois de dissoudre le Parlement.

Madame Marois va faire cela sans tenir compte de la Loi sur les élections à date fixe adoptée par son gouvernement il n'y a pas deux ans. Et elle va le faire impunément: la loi sur les élections à date fixe ne comporte aucune sanction pour quiconque la violerait. Cette loi ne vaut donc pas le papier sur lequel elle est imprimée, et elle demeure un voeu pieux hypocrite. 

Si cette loi prévoyait l'inhabilité à siéger durant deux mandats successifs pour tout parlementaire qui la violerait de façon délibérée - je vise ici la personne qui est premier ministre, on pourrait la prendre au sérieux. Mais non, cette loi, c'est de la poudre aux yeux politicienne du plus bas étage.

Si notre lieutenant-gouverneur se redécouvrait une colonne vertébrale et ayant reçu la démission du gouvernement minoritaire de Madame Marois, il décidait, comme le prévoit la constitution et les usages parlementaires, d'offrir au chef du deuxième parti comptant le plus grand nombre de députés, de tenter de former à son tour un gouvernement, nous épargnerions les dizaines de millions de dollars que coûtera l'élection hâtive qui s'en vient.

Cette solution n'est pas très excitante pour les médias et pour l'industrie de l'information instantanée, mais elle générerait moins de cynisme populaire additionnel envers toute la classe politique. Il est temps de songer à reconstruire petit à petit le respect perdu des citoyens pour les hommes et femmes politiques et pour les institutions qui les gouvernent. Pour cela, il n'y a pas de petits gestes.

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lundi 3 février 2014

QUÉBEC : DES DISSONANCES…

Depuis 2008, la Ville de Québec, stimulée par le succès des fêtes de son 400 ème anniversaire de fondation et l'enthousiasme de son nouveau maire, a vécu dans une climat positif et joyeux presque constant. Il y a bien eu quelques esprits chagrins (dont le mien) pour critiquer la mentalité de "du pain et des jeux" de ce climat, mais il reste que notre ville, avec le plein emploi, une succession d'événements plutôt spectaculaires et la venue régulières de grandes vedettes internationales sur ses Plaines, a projeté depuis une image plus dynamique, plus festive, disons-le, plus jeune.

Cependant, certains indices laissent croire que cette façade commence à craquer, que l'élan des festivités s'essouffle, que la fête achève, que l'humeur change. Chaque indice, pris isolément, n'est pas dramatique, mais ensemble, ils créent un tableau moins positif et harmonieux de notre ville. Quels indices ?

Un Festival d'été essoufflé ?

Personne ne l'a crié sur les toits, mais la venue de Céline Dion et de Paul McCartney sur les Plaines d'Abraham l'été dernier n'a pas été le succès bœuf espéré. Dans les deux occasions, les spectateurs n'ont pas rempli les Plaines, malgré qu'à la dernière minute les organisateurs aient littéralement donné les billets d'admission. Fatigue du public ? Sentiment de déjà vu, cinq ans seulement après leur visite de 2008 ? Les motifs de cette relative désaffection du public sont sûrement nombreux, mais désaffection il y a bel et bien eu. On nous promet Lady Gaga pour 2014. Disons que comme élément de rassemblement d'un public large et diversifié sur les Plaines, on a vu mieux, nettement mieux.

L'usure du temps

Autre indice, l'année 2013 a marqué la dernière présence du Moulin à images et du Cirque du soleil gratuits. Ces spectacles, maintenus par un engagement financier sérieux de la ville depuis 2009, sont terminés. À la fin, le Moulin projetait ses images devant des quais à peu près déserts, et le Cirque du Soleil, déménagé à l'Agora du Vieux Port, n'a plus eu le succès escompté, même si à l'Agora du Vieux Port il a connu un peu plus de succès que sous les bretelles de l'autoroute. Là aussi, on peut évoquer une certaine fatigue visuelle et l'usure du temps pour expliquer la baisse de popularité de ces présentations. Ajoutons à cette nomenclature la disparition annoncée du Festival international des musiques militaires, en raison de la disparition de la subvention annuelle du gouvernement fédéral et la fin proche du contrat du "Red Bull Crashed Ice", appellation hideuse d'événement s'il en est. L'été de 2014 sera plutôt tranquille, surtout si on le compare aux étés "buzzés" depuis 2008…

Le Concorde et "les vieux"

Un autre indice s'est ajouté à cette fin d'époque : la fermeture de l'Hôtel Loews Le Concorde. Cet hôtel est un établissement hôtelier majeur situé à un emplacement stratégique de la ville, et sa forme architecturale unique fait partie du paysage urbain de Québec depuis maintes décennies. On ne parle pas ici d'un motel de banlieue. Il fallait que les affaires ne soient plus très bonnes pour que les propriétaires décident de le fermer plutôt que de le rénover.

Sa possible transformation en résidence pour personnes âgées autonomes a suscité une querelle plutôt hideuse dans la ville de Québec, où des tenanciers de bars à la mode sont montés aux barricades pour s'opposer à la venue de quelques centaines de résidents âgés à côté ou devant leurs établissements de boisson. Cette querelle se poursuit toujours en sourdine, et le maire, toujours prompt à se mettre un pied de plus dans la bouche, a cette fois fait sagement preuve d'une grande prudence tant ce débat touche à des valeurs sociétales fondamentales. Disons-le carrément : la fermeture du Concorde est un événement déprimant pour toute notre communauté urbaine.

Les "mamelons" d'Arrimage Québec

Autre incident, qui touche lui aussi à l'image de la ville et qui affecte l'humeur du temps. La compagnie Arrimage Québec, déjà renommée pour sa poussière de zinc sur Limoilou, a décidé d'ériger deux énormes silos de 45 m de hauteur le long du fleuve pour faciliter le transbordement et l'exportation de particules de bois. Malgré les protestations, l'entreprise est allée de l'avant (le premier silo - énorme - est déjà érigé et les travaux vont bon train pour le second), et a envoyé promener tous les opposants. Le maire, saisi de l'affaire, a eu une réaction molle sans lendemain, et la population est maintenant placée devant un fait accompli. Que vaut l'opinion publique contre des entrepreneurs décidés, dont la plupart sont de bonnes connaissances de notre premier magistrat ? Bien peu de chose…

Le patrimoine urbain

Sur un autre plan, voilà aussi que le ministre de la "Culture", Maka Kotto, aurait reçu, selon le quotidien Le Soleil, un avis défavorable du Conseil du patrimoine culturel à propos du projet de condos dans le boisé Woodfield des terres patrimoniales de Sillery, et qu'il semble l'avoir ignoré. La Ville de Québec rejetait pourtant le projet de Bilodeau Immobilier afin de préserver intact le boisé près du cimetière Saint-Patrick à Sillery. Mais le ministre de la Culture a donné son feu vert au projet, estimant que le promoteur s'était suffisamment engagé à préserver le boisé. Les défenseurs du patrimoine sont outrés, mais il semble bien que le projet ira malheureusement de l'avant.

Fin de la fête

Encore une fois, chacun de ces indices n'est pas, en soi, dramatique. Mais leur accumulation en relativement peu de temps crée un climat plus morose que festif. Bien sûr, il est possible que notre maire, davantage promoteur que visionnaire, ait une conception stimulante du développement à long terme de notre belle cité, même si pour l'heure on n'en voit pas les signes. En outre, il est peu loquace sur le vrai moteur du développement économique de la ville: les centres de recherches, l'université, les technologies nouvelles, etc., qui créent des emplois de haut calibre jour après jour, mais sans l'éclairage des vedettes de passage. 

Rien de tout cela ne mine  les immenses avantages de vivre à Québec. Mais notre ville devra peut-être réapprendre a accepter d'être ce qu'elle est, et non pas à toujours vouloir plus, meilleure et plus grosse que les autres, et à accumuler sans vision toutes sortes d'événements pour le plaisir de faire vibrer le bon peuple. Personne ne peut vivre "sur le party" en permanence. Il est temps que nous le réalisions à Québec. 

Il y a de plus en plus de dissonances dans le concert de notre ville.


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Image du Concorde:  Radio-Canada