mardi 3 décembre 2013

VOIES RÉSERVÉES : MÊMES RÉACTIONS, 20 ANS PLUS TARD

Les travaux de réfection de l'intersection des autoroutes Charest et Robert-Bourassa dans la ville de Québec étant enfin terminée, les automobilistes ont eu la surprise de découvrir sur l'autoroute Robert-Bourassa des voies réservées aux autobus aux heures de pointe du matin et de l'après-midi. Pourtant, ces voies n'étaient pas une surprise: elles étaient annoncées depuis le début des travaux. Mais il n'y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.


Dès la mise en oeuvre de ces voies réservées, cris, outrages, doigts d'honneur au conducteurs d'autobus, même quelques manoeuvres risquées de la part d'automobilistes en proie à une certaine rage du volant, on a eu de tout...pendant quelques jours. Ces comportements étaient bien sûr encouragés par nos radios populaires (que les méchantes langues appellent les radios poubelles). Finalement, la rage n'est peut-être pas disparue, mais le calme est revenu.

IL Y A 20 ANS

Tout cela était très prévisible. Lorsque le Réseau de transport de la capitale (RTC), il y  a une vingtaine d'années, a introduit les circuits express de Métrobus 800 et 801 et que les premières voies réservées sont apparues, nous avons eu droit au même genre de réactions outrées que celles d'il y a deux semaines avec les nouvelles voies réservée sur l'autoroute Robert-Bourassa. Je m'étonne que les journalistes n'aient pas, à ma connaissance, fait le lien et rappelé cela.

Chaque fois que les autorités voudront "tasser" quelque peu les autos pour faire un peu plus de place à un transport en commun plus efficace, nous allons vivre ce genre de pseudo psychodrame. On sait tous que l'avenir du transport des personnes dans les villes ne peut passer par davantage de routes, d'autos et de stationnement. L'avenir de nos cités impose plutôt des compromis en faveur de transports en commun plus efficaces et plus rapides.  Je n'invente rien. On l'expliquait et le comprenait très clairement déjà dans les années 1940...

S'il n'y a pas de pire sourd qui ne veut pas entendre, il n'y a pas de pire automobiliste que celui qui ne veut pas comprendre...

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mercredi 2 octobre 2013

ABOLIR LES COMMISSIONS SCOLAIRES

Bon, c'est reparti. Québec (entendre le gouvernement) brandit à nouveau la menace de l'abolition des commissions scolaires.

C'est vrai que celles-ci ont fait ce que le gouvernement leur a dit de faire. Le gouvernement leur a coupé les vivres, et il a dit aux commission scolaires d'occuper leur espace fiscal. Ce que les commissions scolaires ont fait.

Mais comme ça chiâle dans certaines chaumières, le gouvernement est outré. Et il sort à nouveau la menace de l'abolition.

Moi, je veux bien abolir les commissions scolaires. Bien. Mais on les remplace par quoi ? Par des employés de l'incompétent Ministère de l'Éducation disséminés à la grandeur du territoire pour gérer les transports scolaires, les cafétérias des écoles, les affectations des professeurs, le recrutement et l'affectation quotidienne des professeurs suppléants, de la maternelle au Secondaire V ? 

Je veux bien abolir les commissions scolaire, mais qui fera leur travail quotidien au ras des pâquerettes et proche des enfants, des professeurs et des parents ? 

Préférons-nous des fonctionnaires non imputables relevant de patrons anonymes dans une tour à Québec ? La question mérite d'être posée. Non ?

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jeudi 19 septembre 2013

LA CHARTE DES VALEURS: POUR QU'ON DISCUTE DE LA MÊME CHOSE

Le débat est lancé depuis deux semaines sur le projet de Charte des valeurs du Gouvernement du Québec. Ce débat est sain et nécessaire, même s'il est parfois acrimonieux.

Le Gouvernement a publié son projet qu'on peut retrouver à l'adresse: 
http://www.nosvaleurs.gouv.qc.ca/fr

Pour apporter mon concours au débat, je me suis dit que le texte intégral, sans les fioritures des graphistes et sans les vidéos ennuyantes du ministre Bernard Drainville, serait la chose utile à publier sur mon blogue. 

Voici donc le texte intégral des cinq éléments de la proposition gouvernementale:



1) MODIFIER LA CHARTE QUÉBÉCOISE DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE
1re PROPOSITION :
Inscrire, dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, les valeurs de la société québécoise, dont la neutralité de l’État et le caractère laïque des institutions publiques, et y baliser les demandes d’accommodement religieux
Les mesures proposées dans cette première orientation visent à assurer la laïcité de l’État et à renforcer le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Elles prévoiraient également des balises pour encadrer les demandes d’accommodement religieux. Ces modifications auraient des effets directs et concrets sur les rapports entre l’État québécois et la population.
QUI SERAIT VISÉ ?
Cette orientation toucherait toutes les personnes, puisque la Charte régit les rapports entre l’État et la population ainsi que les rapports privés entre les individus.
1.A INSCRIRE FORMELLEMENT, POUR LA PREMIÈRE FOIS DANS LA CHARTE QUÉBÉCOISE DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE, LA RÈGLE DE NEUTRALITÉ DE L’ÉTAT SUR LE PLAN RELIGIEUX ET LE CARACTÈRE LAÏQUE DE SES INSTITUTIONS
À ce jour, la neutralité de l’État québécois et le caractère laïque de ses institutions demeurent implicites. Afin de bien marquer l’importance de ces principes, le gouvernement propose que soient affirmés dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne :
·        la séparation des religions et de l’État ;
·        le principe de neutralité de l’État ;
·        le caractère laïque des institutions de l’État québécois.

Il est également proposé d’énoncer que les droits et libertés consacrés dans la Charte s’exercent dans le respect de ces valeurs.
De plus, l’orientation prévoit d’énoncer que la Charte doit prendre en compte l’existence des éléments emblématiques et toponymiques du patrimoine culturel du Québec, qui témoignent de son parcours historique.
DES EFFETS CONCRETS
Ces modifications permettraient de donner une reconnaissance juridique explicite au concept de laïcité. En effet, la Charte a préséance sur les autres lois du Québec et elle s’applique aux actes posés par toute personne, incluant l’État.
Un message clair, qui n’est pas sans valeur pédagogique, serait ainsi envoyé à l’ensemble des Québécoises et Québécois, selon lequel la laïcité, la séparation des religions et de l’État et la neutralité religieuse des institutions publiques constituent des valeurs fondamentales structurantes de la nation québécoise.
Le devoir de neutralité de l’État serait ainsi établi de façon explicite dans notre droit comme condition à l’égalité des personnes et à l’égalité de traitement de toutes les croyances, religieuses ou autres, en plus de spécifier que la neutralité religieuse devrait guider l’action des pouvoirs publics.
L’affirmation officielle, dans la Charte, des composantes essentielles de la laïcité assurerait qu’elles soient prises en compte par les tribunaux dans l’interprétation des droits et des libertés reconnus par cette charte, en plus de guider le travail des agentes et agents de l’État dans le cadre de leurs fonctions. Cela favoriserait l’équilibre entre les droits collectifs et individuels et contribuerait à renforcer la cohésion sociale.
En outre, les modifications permettraient de tenir compte des éléments emblématiques et toponymiques du patrimoine culturel du Québec, qui témoignent de son parcours historique. L’affirmation de la laïcité ne devrait pas avoir pour effet de supprimer tout référent historique qui a une connotation religieuse et une valeur patrimoniale.
1.B DÉFINIR LES CONCEPTS D’ACCOMMODEMENT ET DE CONTRAINTE EXCESSIVE DANS LA CHARTE QUÉBÉCOISE DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE, DE FAÇON À ENCADRER LES DEMANDES D’ACCOMMODEMENT RELIGIEUX ET À RENFORCER L’ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
Le gouvernement propose de définir dans la Charte ce qu’est un accommodement et d’y inscrire explicitement les conditions suivant lesquelles un accommodement religieux ou autre pourrait être accordé.
UNE DÉFINITION DE L’ACCOMMODEMENT
Une définition de l’accommodement serait donnée afin d’établir que celui-ci constitue un aménagement d’une norme ou d’une pratique d’application générale, fait en vue d’accorder un traitement différent à une personne qui, autrement, subirait des effets préjudiciables en raison de l’application de cette norme ou de cette pratique.
Ainsi, le gouvernement viendrait préciser que seules les demandes reposant sur une discrimination et entraînant un préjudice sont des demandes d’accommodement recevables et doivent être traitées comme telles.
DES ACCOMMODEMENTS QUI RESPECTERAIENT LES VALEURS COMMUNES
1.     Un accommodement ne pourrait être consenti que s’il respecte d’abord le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes.
2.     En outre, l’accommodement devrait être raisonnable, c’est-à-dire qu’il ne devrait pas imposer de contrainte excessive, eu égard entre autres :
o   au respect des droits d’autrui ;
o   à la santé et la sécurité des personnes ;
o   au bon fonctionnement de l’organisme ou de l’institution ;
o   ainsi qu’aux coûts qui s’y rattachent.
3.     Une demande d’accommodement qui s’adresse à une institution publique ne pourrait compromettre sa neutralité religieuse, son caractère laïque et la séparation des religions et de l’État.
UNE PREMIÈRE
Ce cadre définirait pour la première fois l’accommodement raisonnable et les règles régissant la contrainte excessive. Les demandes d’accommodement se trouveraient ainsi balisées en considération des valeurs collectives fondamentales que sont notamment l’égalité entre les sexes et la laïcité.
Ces propositions fourniraient un cadre et des balises pour les tribunaux, les gestionnaires, le personnel de l’État et le public.




2) ÉNONCER UN DEVOIR DE RÉSERVE ET DE NEUTRALITÉ POUR LE PERSONNEL DE L’ÉTAT
2e PROPOSITION :
Établir dans la loi un devoir de réserve et de neutralité en matière religieuse de la part des membres du personnel de l’État dans l’exercice de leurs fonctions
Afin de refléter la séparation des religions et de l’État et la neutralité de celui-ci, le gouvernement considère que ses employées et employés devraient, dans l’exercice de leur travail, faire preuve de neutralité religieuse ainsi que de réserve dans l’expression de leurs croyances religieuses.
QUI SERAIT VISÉ ?
Actuellement, les fonctionnaires, au sens de la Loi sur la fonction publique, sont déjà assujettis à un devoir de neutralité et de réserve à l’égard de leurs opinions politiques. Ce devoir est aussi énoncé dans plusieurs lois et règlements qui s’appliquent aux représentantes et représentants de l’État. Le gouvernement propose que le devoir de neutralité et de réserve s’applique en matière religieuse aux fonctionnaires, d’une part, et qu’il s’étende, d’autre part, à l’ensemble du personnel de l’État au sens large, c'est-à-dire les ministères et organismes gouvernementaux, les réseaux publics de santé, de services sociaux et d’éducation ainsi que les municipalités, en y ajoutant les personnes qui exercent une fonction juridictionnelle, nommées par le Québec1.
LA PORTÉE DU DEVOIR
L’obligation de neutralité et de réserve en matière religieuse comprendrait deux aspects :
·        que les membres du personnel de l’État accomplissent leurs tâches avec toute l’objectivité nécessaire, indépendamment de leurs opinions et croyances en matière religieuse ;
·        qu’ils s’abstiennent de tout prosélytisme dans le cadre de leurs fonctions.
REFLÉTER LA NEUTRALITÉ DE L’ÉTAT
Ces mesures refléteraient le fait que le personnel de l’État se trouve dans une situation différente de celle des autres citoyennes et citoyens ; il incarne l’État et il est au service des personnes de toutes origines et de toutes croyances. À ce titre, les fonctions du personnel de l’État comportent également des responsabilités et des devoirs à l’égard de la mission de l’institution pour laquelle il œuvre.
1.     Seraient notamment visés les membres du personnel au sein des entités suivantes :
·        les ministères et organismes du gouvernement dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F 3.1.1) ;
·        les organismes budgétaires, les organismes autres que budgétaires ainsi que les entreprises du gouvernement (voir les annexes 1, 2 et 3 de la Loi sur l’administration financière [chapitre A 6.001]) ;
·        les organismes gouvernementaux mentionnés à l’annexe C de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs publics et parapublics (chapitre R-8.2) ;
·        les personnes désignées par l’Assemblée nationale pour exercer une fonction qui en relève, ou tout organisme dont l’Assemblée nationale ou l’une de ses commissions nomme la majorité des membres. On pense aux personnes suivantes : Vérificateur général, Protecteur du citoyen, Directeur général des élections, Commissaire au lobbyisme, Commissaire à l’éthique et à la déontologie, membres de la Commission d’accès à l’information, membres de la Commission de la fonction publique ;
·        l’ensemble du réseau public de la santé et des services sociaux (les agences de la santé et des services sociaux ainsi que les établissements publics visés par la Loi sur les services de santé et les services sociaux [chapitre S 4.2]) ;
·        l’ensemble du réseau public d’éducation (commissions scolaires, collèges d’enseignement général et professionnel, établissements universitaires au sens des par. 1o à 11o de la Loi sur les établissements d’enseignement de niveau universitaire [chapitre E 14.1]) ;
·        les municipalités, y compris les arrondissements, les sociétés de transport en commun, les communautés métropolitaines et les régies intermunicipales ;
·        les centres de la petite enfance (CPE), les garderies privées subventionnées et les bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial, établis en vertu de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance (chapitre S 4.1.1) ;
·        les services policiers municipaux et la Sûreté du Québec ;
·        les services correctionnels québécois ;
·        le système de justice provincial (juges nommés par le Québec, procureurs aux poursuites criminelles et pénales).





3) ENCADRER LE PORT DES SIGNES RELIGIEUX OSTENTATOIRES
3e ORIENTATION :
Interdire le port de signes religieux ostentatoires par le personnel de l’État dans l’exercice de ses fonctions, avec un droit de retrait dans certains secteurs
POUR EN SAVOIR PLUS
UN PERSONNEL NEUTRE AU SERVICE DE TOUS
Exemples de signes non ostentatoires qui seraient permis au personnel de l’État.
        

Exemples de signes ostentatoires qui ne seraient pas permis au personnel de l’État.

 

   
Dans la foulée du devoir de réserve et de neutralité en matière religieuse, le gouvernement propose d’interdire le port de signes religieux ostentatoires aux membres du personnel de l’État dans l’exercice de leurs fonctions.
 QUI SERAIT VISÉ ?
Le personnel travaillant au sein de ces institutions et organismes serait visé par cette mesure :
·        le personnel des ministères et organismes du gouvernement, qui est nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique ;
·        le personnel des organismes budgétaires, des organismes non budgétaires et des entreprises du gouvernement ;
·        les organismes gouvernementaux mentionnés à l’annexe C de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs publics et parapublics ;
·        les personnes désignées par l’Assemblée nationale pour exercer une fonction qui en relève, ou tout organisme dont l’Assemblée nationale ou l’une de ses commissions nomme la majorité des membres2 ;
·        le système de justice provincial (juges nommés par le Québec, procureures et procureurs aux poursuites criminelles et pénales) ;
·        les services policiers municipaux et la Sûreté du Québec ;
·        les services correctionnels québécois ;
·        le personnel des commissions scolaires (notamment des écoles primaires et secondaires publiques) ;
·        le personnel des centres de la petite enfance (CPE), des garderies privées subventionnées et des bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial.
Serait également visé le personnel travaillant dans ces institutions et organismes :
·        les municipalités, y compris les arrondissements, les sociétés de transports, les communautés métropolitaines et les régies intermunicipales ;
·        le réseau public de la santé et des services sociaux (les agences de la santé et des services sociaux et les établissements publics) ;
·        les collèges d’enseignement général et professionnel et les établissements universitaires.
Toutefois, une municipalité, y compris les arrondissements3, un établissement du réseau public de la santé et des services sociaux, un collège d’enseignement général et professionnel et un établissement universitaire pourraient se prévaloir d’un droit de retrait valable pour une période de cinq ans renouvelable. Cette décision devrait être prise par un vote majoritaire du conseil municipal, du conseil de l’arrondissement ou du conseil d’administration des établissements visés.
Enfin, il importe de souligner que le personnel de ces institutions et organismes ne serait pas visé par cette mesure :
·        les écoles privées et les collèges privés ;
·        les personnes travaillant dans les garderies privées non subventionnées et les personnes reconnues à titre de responsables d’un service de garde en milieu familial subventionné en vertu de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance.
LA PORTÉE DE LA MESURE
Dans le cadre de leurs fonctions, les membres du personnel de l’État devraient veiller à ne pas porter de signes très apparents tels un couvre-chef, un vêtement, une parure ou un accessoire ayant un caractère démonstratif important, porté de façon facilement visible et qui véhicule une signification d’appartenance religieuse. Il est entendu que les signes discrets, par exemple une petite épinglette ou un petit pendentif, ne seraient pas visés par cette mesure.
Exemples de signes interdits :
·        la croix chrétienne ou la double croix orthodoxe de grande dimension, la kippa, le hijab, le niqab, la burqa, le turban.
Exemples de signes autorisés :
·        la croix, l’étoile de David ou le croissant étoilé, de petites dimensions.
PROJETER UNE IMAGE DE NEUTRALITÉ
Le port de signes ostentatoires revêt en soi un aspect de prosélytisme passif ou silencieux qui apparaît incompatible avec la neutralité de l’État, le bon fonctionnement de ses institutions et leur caractère laïque. Indépendamment du comportement de la personne, un tel signe à caractère religieux est susceptible de soulever un doute sur le fait que l’État est neutre et apparaît neutre.
Cette exigence ne remettrait nullement en cause les aptitudes et le professionnalisme du personnel, mais témoigne simplement du fait que cela est incompatible avec la nature de sa fonction au sein du service public.
L’État est neutre et il doit apparaître comme tel à toutes et à tous. Son personnel est considéré par la population comme représentant l’État. Il doit donc projeter à tous égards, tant vis-à-vis de la population en général que des autres membres du personnel, une image de réelle neutralité sur le plan religieux.
Des obligations de ce type existent déjà dans diverses lois, dont la Loi sur la fonction publique, en ce qui a trait à la manifestation des opinions politiques des fonctionnaires.
L’interdiction qui est proposée, pour une employée ou un employé de l’État, de manifester des croyances religieuses durant les heures de travail n'entraînerait pas la négation des croyances. L’aménagement envisagé correspondrait plutôt aux exigences de neutralité de l'État.
En outre, il faut préciser que les personnes qui obtiennent des services de l’État, tels les élèves, demeureraient libres d’afficher leurs croyances dans le respect des droits d’autrui et du bien-être général. Elles ne seraient pas visées par cette proposition, qui toucherait uniquement le personnel de l’État. Toutefois, si les bénéficiaires des services publics formulaient une demande d’accommodement, ils seraient assujettis, comme l’ensemble des Québécoises et des Québécois, aux nouvelles balises exposées dans le document d’orientation.
Le gouvernement du Québec croit qu’en tant que collectivité, il faut choisir de se rassembler autour du pôle de la neutralité religieuse de l’État. Comme d’autres démocraties l’ont fait, le Québec enverrait ainsi un message très clair : tout signe ostentatoire manifestant une croyance religieuse est un choix personnel qui n’a pas à être cautionné par l’État. En son sein, les différences religieuses s’estompent au profit du lien civique.
LE DOMAINE SCOLAIRE
En ce qui a trait au domaine scolaire, cette mesure s’inscrirait en droite ligne avec le parachèvement de la laïcisation de ces institutions. Depuis peu, les écoles publiques sont déconfessionnalisées et il va de soi que leurs représentantes et représentants devraient refléter cette neutralité. D’autant que leur position d’autorité leur confère un réel pouvoir d’influence sur les élèves, notamment sur le plan de leurs croyances.
Il faut rappeler que dans les années 60, au Québec, beaucoup de religieuses et de religieux qui œuvraient dans les établissements d’enseignement ont volontairement abandonné leurs uniformes religieux pour travailler dans ces institutions qui passaient aux mains de l'État. Cinquante ans plus tard, il importe de ne pas réintroduire un caractère religieux en permettant au personnel qui travaille au sein du réseau scolaire public de porter des signes démonstratifs facilement visibles.
LES JEUNES ENFANTS
Il est important que le personnel des CPE, des garderies privées subventionnées ainsi que des bureaux coordonnateurs reflètent la neutralité de l’État, puisque les jeunes enfants sous leur responsabilité n’ont pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d’appartenance religieuse.
LE DROIT DE RETRAIT
Ce mécanisme introduirait un élément de flexibilité auprès de certains organismes et institutions de l’État dont la nature requiert une plus grande souplesse. Toutefois, il ne pourrait viser l’obligation d’avoir le visage découvert, prévue à la quatrième orientation.
Afin de respecter l’autonomie des municipalités et des arrondissements, ainsi que celle de leurs élues et élus, ces organismes pourraient choisir d’assujettir ou non les membres de leur personnel (sauf les policières et policiers, ainsi que les pompières et pompiers) à l’interdiction de porter des signes religieux ostentatoires. Une résolution à cet effet serait valable pour une durée déterminée n’excédant pas cinq ans et pourrait être renouvelée. Chaque municipalité pourrait donc être appelée à se saisir de cette question, à en débattre en tenant compte de sa situation particulière et, le cas échéant, à se justifier auprès de l’opinion publique si elle choisissait de se soustraire à la mesure.
Un régime semblable serait également applicable dans le réseau public de la santé et des services sociaux afin qu’il puisse s’adapter à la variété des situations présentes dans ce réseau, particulièrement à Montréal où des établissements sont historiquement liés à certaines communautés.
Cette approche serait aussi applicable dans les collèges d’enseignement général et professionnel ainsi que dans les établissements universitaires. Cela permettrait de respecter l’autonomie de ces institutions postsecondaires ainsi que de tenir compte du fait que, dans celles-ci, il existe parfois des départements ou des facultés de théologie ou de sciences religieuses.
2.     On pense aux personnes suivantes : Vérificateur général, Protecteur du citoyen, Directeur général des élections, Commissaire au lobbyisme, Commissaire à l’éthique et à la déontologie, membres de la Commission d’accès à l’information, membres de la Commission de la fonction publique.
3.     À l’exclusion des policières et policiers, ainsi que des pompières et pompiers.




4) RENDRE OBLIGATOIRE LE VISAGE À DÉCOUVERT LORSQU’ON DONNE OU REÇOIT UN SERVICE DE L’ÉTAT
4e PROPOSITION :
Prévoir dans la loi que les services de l’État doivent être donnés et reçus à visage découvert
Le gouvernement propose d’établir la règle générale selon laquelle les services de l’État seraient fournis et reçus à visage découvert. Cette règle viserait à faire en sorte que lorsqu’il y aura interaction entre un membre du personnel de l’État et une personne dans le cadre de la prestation d’un service, le visage de ces personnes devrait être découvert.
Cette orientation s’inscrit dans le prolongement des modifications apportées aux lois électorales québécoises en 2007 afin de prévoir que l’identification de chaque électrice et chaque électeur, avant le vote, doit s’effectuer à visage découvert. Également, la Société d’assurance automobile du Québec prévoit que la prise de photo pour l’obtention du permis de conduire s’effectue à visage découvert.
QUI SERAIT VISÉ ?
Le personnel de l’État au sens large, c’est-à-dire les ministères et organismes gouvernementaux, les réseaux publics de santé, de services sociaux et d’éducation, et les municipalités4, serait visé par cette mesure.
Également, les usagères et les usagers, dans leurs relations avec ces ministères, organismes et établissements lors de la prestation d’un service, y seraient assujettis.
LA PORTÉE DE CETTE MESURE
La pièce de vêtement, le masque ou tout autre objet couvrant le visage devrait être retiré lors de la prestation de services afin qu’il soit possible de voir facilement le visage de la personne qui dispense ou reçoit des services de l’État dans les ministères, organismes et établissements visés. Il en irait ainsi, par exemple, dans les écoles publiques, les collèges d’enseignement général et professionnel et les établissements universitaires entre les élèves, les enseignantes et les enseignants pour la prestation des services éducatifs.
En revanche, dans le cas, par exemple, d’une personne malade, accidentée ou défigurée, un aménagement à cette règle serait accordé.
Toutefois, compte tenu du contexte, un aménagement devrait être refusé lorsque des motifs portant sur la sécurité, l’identification ou le niveau de communication requis le justifient.
Par exemple, un aménagement ne pourrait être accordé dans ces cas :
·        nécessité de vérifier qu’une personne ne représente pas un risque pour autrui ;
·        nécessité d’émettre une carte de sécurité avec photo pour donner accès à des locaux à une personne qui y a véritablement droit ;
·        nécessité de voir le visage d’une ou un élève pour s’assurer de sa compréhension et favoriser l’échange pédagogique ;
·        nécessité de s’assurer que la personne qui reçoit le service est bien celle qui est visée.
4.     Voir la note 1 de l’orientation 2. À cette liste, il faut ajouter les personnes reconnues à titre de responsables d’un service de garde en milieu familial subventionné en vertu de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance.



5) ÉTABLIR UNE POLITIQUE DE MISE EN ŒUVRE POUR LES ORGANISMES DE L’ÉTAT
5e PROPOSITION :
Baliser les demandes d’accommodement religieux et prévoir une obligation pour les ministères, organismes et établissements de se doter de politiques de mise en œuvre
Le gouvernement propose de prévoir dans la loi un cadre pour traiter les demandes d’accommodement religieux par les institutions étatiques. Ainsi, des règles visant à encadrer les demandes de congé pour des fins religieuses pourraient être énoncées. Cela permettrait de favoriser l’équité de traitement chez tout le personnel.
Les ministères, organismes et établissements devraient se doter d’une politique de mise en œuvre de ce cadre ainsi que des autres obligations qui pourraient être prévues par la loi, le cas échéant. Ces politiques seraient établies en tenant compte de la mission particulière de ces entités et des caractéristiques de leur clientèle (patients, élèves, détenus, etc.).
QUI SERAIT VISÉ ?
L’ensemble de l’État au sens large, c'est-à-dire les ministères et organismes gouvernementaux, les réseaux publics de santé, de services sociaux et d’éducation ainsi que les municipalités5, serait visé par cette orientation. Toutes les demandes d’accommodement religieux reçues au sein de ces entités, qu’elles proviennent du personnel ou des usagères et usagers, seraient assujetties au cadre mis en place.
LES ÉLÉMENTS QUE POURRAIENT CONTENIR LES POLITIQUES DE MISE EN ŒUVRE
L’adoption de politiques de mise en œuvre permettrait d’incarner plus spécifiquement au sein de chaque ministère, organisme et établissement les éléments suivants, en tenant compte de leur mission et caractéristiques particulières :
·        l’obligation générale de respecter la neutralité de l’État et le caractère laïque des institutions publiques québécoises ;
·        l’obligation de leurs dirigeantes et dirigeants de la mettre en œuvre ;
·        l’obligation pour le personnel et les gestionnaires de faire preuve de réserve et de neutralité en matière religieuse dans le cadre de leur travail ;
·        la procédure pour s’assurer que les conditions entourant une demande d’accommodement sont remplies :
o   il s’agit bien d’un accommodement au sens de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne ;
o   il respecte l’égalité entre les femmes et les hommes ;
o   il est raisonnable, c'est-à-dire qu’il n’impose pas de contrainte excessive eu égard, entre autres, au respect des droits d’autrui, à la santé ou à la sécurité des personnes, à ses effets sur le bon fonctionnement de l’organisme ainsi qu’aux coûts qui s’y rattachent ;
o   il ne compromet pas la neutralité religieuse de l’organisme public et son caractère laïque ;
·        l’imputabilité du sous-ministre, du conseil d’administration et de la personne qui dirige l’organisme ou l’établissement ;
·        la reddition de comptes annuelle dans le cadre du rapport de gestion du ministère, de l’organisme ou de l’établissement. Pour les municipalités ou les organismes scolaires, l’information pourrait se retrouver sur leur site internet ;
·        la diffusion publique des règles et procédures internes des ministères, organismes ou établissements.
DES RÈGLES ADAPTÉES À CHAQUE MILIEU
Les institutions de l’État devraient donc se doter de leurs propres règles selon le cadre qui pourrait être fixé par la loi. Cela ferait en sorte, par exemple, qu’un accommodement devrait respecter la mission d’un organisme de l’État. Ainsi, dans le cas d’une école publique, il ne devrait pas compromettre par exemple :
·        le caractère laïque de l’école ;
·        l'obligation de fréquentation scolaire ;
·        le régime pédagogique établi par le gouvernement ainsi que le projet éducatif de l’école ;
·        la mission de l’école qui est d’instruire, de socialiser et de qualifier les élèves, dans le respect du principe de l’égalité des chances, tout en les rendant aptes à entreprendre et à réussir un parcours scolaire ;
·        la capacité de l’école de dispenser aux élèves les services éducatifs prévus par la loi.
Il faut mentionner également que pour des raisons de santé et d’hygiène, plusieurs centres hospitaliers disposent déjà de politiques relatives à la tenue vestimentaire et à l’apparence personnelle, qui interdisent les couvre-chefs et le port de bijoux6. De même, la Loi sur la santé et les services sociaux prévoit des règles touchant le respect des besoins spirituels des personnes7. Ces règles ne seraient pas modifiées et continueraient à faire partie des considérations devant guider la prestation des services de santé et des services sociaux. Il en serait de même pour les services d’animation spirituelle et de pastorale, notamment dans les institutions postsecondaires et les centres de détention.
UNE MESURE QUI FAVORISERAIT LA PRÉVISIBILITÉ ET L’ÉQUITÉ
L’adoption des politiques de mise en œuvre ferait en sorte que la prévisibilité des réponses aux demandes d’accommodement serait accrue et les risques de dérapages, minimisés. Lorsqu’une demande d’accommodement serait formulée, elle pourrait être évaluée en fonction du processus établi et des balises mises en place.
Chaque citoyenne ou citoyen aurait ainsi l’assurance qu’à la base, les institutions de l’État édictent des règles qui confirment le fait qu’elles ont un caractère laïque, qu’elles sont neutres à l’égard de toutes les croyances ou non-croyances et respectueuses de l’égalité entre les sexes.
COORDINATION ET SOUTIEN
Le Secrétariat aux institutions démocratiques et de la participation citoyenne ainsi que les ministères responsables de divers réseaux (municipalités, santé et services sociaux, éducation, famille) pourraient accompagner et soutenir les organismes et les établissements dans l’élaboration de leurs propres règles. Ces politiques pourraient d’ailleurs s’inspirer de celles adoptées par les ministères dont ils relèvent, ou encore de celles d’autres organismes ou établissements de leur secteur.
En vue de faciliter la mise en œuvre et d’uniformiser les pratiques dans les réseaux, des politiques types de mise en œuvre pourraient être élaborées de concert avec divers partenaires, par exemple : l’Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) ; l’Union des municipalités du Québec (UMQ) ; la Fédération Québécoise des Municipalités (FQM).
5.     Seraient notamment visés par l’obligation d’adopter une politique de mise en œuvre :
·        les ministères et les organismes du gouvernement dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F 3.1.1) ;
·        les organismes budgétaires, les organismes autres que budgétaires ainsi que les entreprises du gouvernement, y compris les personnes nommées ou désignées par le gouvernement ou un ministre (voir les annexes 1, 2 et 3 de la Loi sur l’administration financière [chapitre A 6.001]) ;
·        les personnes désignées par l’Assemblée nationale pour exercer une fonction qui en relève, ou tout organisme dont l’Assemblée nationale ou l’une de ses commissions nomme la majorité des membres. On pense aux personnes suivantes : Vérificateur général, Protecteur du citoyen, Directeur général des élections, Commissaire au lobbyisme, Commissaire à l’éthique et à la déontologie, membres de la Commission d’accès à l’information, membres de la Commission de la fonction publique ;
·        l’ensemble du réseau public de la santé et des services sociaux (les agences de la santé et des services sociaux ainsi que les établissements publics visés par la Loi sur les services de santé et les services sociaux [chapitre S 4.2]) ;
·        l’ensemble du réseau public d’éducation (commissions scolaires, collèges d’enseignement général et professionnel, établissements universitaires au sens des par. 1o à 11o de la Loi sur les établissements d’enseignement de niveau universitaire [chapitre E 14.1]) ;
·        les municipalités, y compris les arrondissements, les communautés métropolitaines, les sociétés de transport en commun et les régies intermunicipales ;
·        les centres de la petite enfance (CPE), les garderies privées subventionnées et les bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial en vertu de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance (chapitre S 4.1.1) ;
·        les services policiers municipaux et la Sûreté du Québec ;
·        les services correctionnels québécois.
6.     Voir à ce propos : ORDRE DES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS DU QUÉBEC. La tenue vestimentaire des infirmières, p. 9 ; HÔPITAL LAVAL. Politique relative à la tenue vestimentaire et à l’apparence personnelle, DRH-504, 27 mai 2008 ; CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE QUÉBEC (CHUQ). Politique-cadre sur la tenue générale et vestimentaire au CHUQ, politique n 04-1344, 14 juin 2010.
7.     Voir notamment l’article 100 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2).


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Dans le projet de  Charte des valeurs québécoises, c'est évidemment la proposition numéro 3 qui crée problème, c'est-à-dire l'encadrement des signes religieux ostentatoires pour les fonctionnaires définis au sens large.

Moi-même, mon opinion n'est pas faite là-dessus. Mais il reste que si nous acceptons que l'État soit neutre et laïc, cela entraîne des conséquences concrètes pour tous ceux et celles qui acceptent d'y travailler.


De la même façon, nul n'accepterait qu'au nom de sa religion, un policier ou une policière décide de ne pas porter l'uniforme. Le problème vient aussi, en ce qui concerne les vêtements des employés de l'État, du laisser-aller général de la tenue vestimentaire un peu partout, aux niveaux inférieurs des organisations. C'est vrai chez nous et ailleurs.


Notre société a perdu, à cet égard, un peu de ce qu'on appelait autrefois le "respect humain", le "self-respect" de nos amis anglophones. Comme les gens s'habillent un peu n'importe comment et en toute occasion, il va de soi que quelqu'un qui s'astreint à un habillement plus strict détonne et surprend. Une femme portant un foulard, derrière un guichet d'hôpital ou de la SAAQ, surprend. Pour beaucoup, elle dérange.


On peut bien rêver du jour où personne n'y fera plus attention, mais dans la réalité, nous n'en sommes pas là, même à Montréal. D'où la discussion sur le troisième élément de la proposition du gouvernement.


Je continue de réfléchir à tout cela. Mais au moins, je vous ai fourni, chers lecteurs de ce blogue, le texte de la proposition et quelques éléments de réflexion.

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