mardi 18 septembre 2018

ÉLECTION : ÇA SE RESSERRE

Il n’y a pas à dire. La campagne « plate et ennuyeuse » commence à être plus captivante, au fur et à mesure qu’on s’approche du 1er octobre. Les débats (et il reste celui de jeudi à TVA à venir) ont eu, semble-t-il, un effet perceptible sur les intentions de vote. Si on se fie à Québec125, la CAQ, donnée gagnante majoritaire depuis des mois, serait maintenant presque en zone minoritaire, au plan des sièges. Les quelques cafouillages de François Legault sur la question de l’immigration ont été la faille au travers de laquelle ses adversaires se sont engouffrés pour le faire trébucher.

Pour son plus grand malheur, François Legault n’a probablement jamais appris aux HEC que « De minimis non curat praetor », ce qui veut dire que le grand chef ne s’occupe pas des détails. Il lui aurait suffi de répéter ad nauseam le principe de son engagement : réduire le total de l’immigration pour mieux intégrer ceux que nous accueillons. Pour son plus grand malheur, il s’est pris les pieds dans les détails et on assiste au résultat.  
Le PQ, fouetté par son chef Jean-François Lisée, aurait gagné quelques points qui lui permettraient peut-être de conserver son statut de parti reconnu au parlement québécois avec entre 10 et 15 sièges. Quant à Philippe Couillard, il se bat avec l’énergie du désespoir pour tenter de gagner un autre mandat pour les libéraux. Il a beau dire qu’il demande un « second » mandat, les électeurs et les électrices ne sont pas vraiment dupes. Il reste Québec solidaire, qui promet monts et merveilles, avec la lune en prime, grâce aux fortunes récupérées fiscalement auprès de nos très nombreux richissimes Québécois. Là encore, il ne semble pas que la majorité de la population soit vraiment impressionnée.

Le resserrement des intentions

J’écris beaucoup au conditionnel. C’est que l’avenir est toujours difficile à prévoir. Le recul relatif de la CAQ, par exemple, était prévisible : c’est le sort de tous les partis donnés gagnants en début de course. À mes yeux, jusqu’à maintenant, la CAQ a assez bien résisté aux coups de boutoir de ses adversaires, et il reste douze jours de campagne. Est-ce que François Legault va passer à l’attaque avec des éléments nouveaux et insoupçonnés ? Ce sera peut-être nécessaire pour frapper l’électorat avant le 1er octobre.
Le PQ semblait voué à une quasi-disparition avant le départ de la course électorale. Mais grâce à l’énergie admirable et incessante de son chef Jean-François Lisée, le parti résiste et gagne même quelques points. La question demeure : le parti va-t-il suivre son chef jusqu’à la fin dans cette frénésie ? Lisée a-t-il encore beaucoup de « trucs » - comme le détour à Ottawa - pour frapper l’imagination et obtenir de belles images pour les médias ? Peut-être, mais des médias, ça se lasse rapidement.

Du côté de Philippe Couillard, je m’attends au maintien du rythme actuel de sa campagne. Comme le Parti Québécois, le Parti libéral du Québec peut compter sur une solide organisation dans les comtés, ce qui augmente les chances de succès.
Quant aux promesses, il semble que celles-ci ne dérangent et n’impressionnent plus personne, sauf quelques groupes d’intérêt. Depuis le 23 août, il y a eu tellement de promesses de toutes sortes, allant du sandwich aux soins dentaires, en passant par des moyens de transport structurant et des bouts de routes et surtout d’autoroutes, que la population ne semble plus en faire de cas. Manifestement, nos leaders politiques ont abusé de ce truc et des finances publiques. Même les cadres financiers des partis se sont éloignés du rapport pré-électoral de la Vérificatrice générale du Québec. C’est dire…

Et alors ?...

À moins d’un événement dramatique ou totalement imprévu, il semble que les jeux soient presque faits dans cette élection. La CAQ va former le prochain gouvernement, majoritaire ou minoritaire à quelques sièges près. Le PLQ va former l’Opposition officielle avec 35 ou 40 députés. Il reste à voir si Philippe Couillard va remporter son comté de Roberval.

De son côté, le PQ sera la deuxième opposition avec autour d’une douzaine de députés. Là aussi, la réélection du chef Lisée dans Rosemont n’est pas encore assurée. Enfin, Québec Solidaire aura entre trois et cinq députés, dont peut-être une première députée à Québec dans le comté de Taschereau.
 
Enfin, au total, il y aura un aspect fort stimulant dans ce vote du 1er octobre prochain. Jamais autant de femmes n’ont été candidates, et il faut espérer que jamais autant de femmes ne seront députées à l’Assemblée nationale.


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vendredi 7 septembre 2018

CAMPAGNE ÉLECTORALE : ENCORE, ENCORE ET ENCORE… *

Depuis plusieurs jours, la campagne électorale bat son plein au Québec. La surenchère des promesses et des engagements est bien amorcée. Les candidatures dites vedettes ont presque toutes été annoncées, non sans quelques difficultés ici et là. Les chefs se promènent en autobus nolisé et patrouillent le Québec, surtout là où ils escomptent faire des percées. Bref, le rituel habituel est en marche.

Lorsque comme nous, on a plusieurs décennies d’observation de la politique derrière la cravate, un certain sentiment de résignation nous envahit. « Pas encore cela », nous disons-nous, « c’est toujours la même chose » … Bien sûr, les bouilles des chefs et des candidats changent. Des vieux s’en vont. Des jeunes arrivent. Chose heureuse, les femmes sont maintenant nombreuses à entrer dans la joute politique. Mais finalement, c’est toujours la même chose.

Comment se fait-il que cette campagne de 2018 ne soit pas si différente, disons, de la dernière campagne de Maurice Duplessis en 1956 ? Mis à part les technologies de l’information et les inutiles nouvelles en continu, on dirait que rien n’a changé. On accroche des pancartes aux poteaux électriques ou aux lampadaires, on fait du pointage pour savoir si vous penchez un peu par ci ou un peu par là, on nous lance des sondages dans les médias et les sondages, le ridicule ne tuant plus personne, deviennent de la nouvelle. Les candidats font du porte à porte, toujours escortés par un assistant. Les débats des chefs se préparent, tout comme ceux des candidats dans certains comtés.
En somme, on refait l’exercice d’élire des députés et de choisir un gouvernement toujours de la même façon, campagne après campagne. Si vous percevez un peu de nouveauté dans la présente campagne, nous vous saurons gré de nous en informer. En effet, campagne après campagne, c’est comme si on avait remisé l’imagination au vestiaire.

FAIRE AUTREMENT ?            
Serait-il possible de désigner nos députés autrement ? Est-il même pensable de vouloir réformer les scrutins ? C’est probablement impossible sans sans remettre en cause notre système et nos modes démocratiques. Déjà, et depuis un bon moment, des partis politiques réclament le scrutin proportionnel pour que notre parlement reflète mieux la composition diverse de la population. Mais ceux ou celles qui réclament ce type de scrutin ne répondent jamais à la question de la stabilité et de l’efficacité d’un parlement et d’un gouvernement durant un mandat.

On a vu, lorsque le Parti québécois a fait entrer sept députés à l’Assemblée nationale en avril 1970 à quel point une petite poignée de députés peut paralyser le processus législatif. On a revu ce phénomène plus récemment avec Mario Dumont et un peu plus tard, l’arrivée de Québec solidaire. Cela dit, la représentativité en politique est un exercice délicat et périlleux. Le fait pour chaque citoyen et chaque citoyenne de voter pour envoyer un député le ou la représenter au parlement est la base même de la démocratie ; altérer la portée de ce geste aurait de sérieuses conséquences, pas toutes positives. Ainsi, envoyer au Parlement des députés qui n’ont pas été directement élus constituerait un geste nocif, au plan démocratique.
Par ailleurs, d’autres ont avancé l’idée d’inclure des corps intermédiaires au sein de nos représentants élus. Ces corps intermédiaires seraient les syndicats réunis en centrales, les chambres de commerce, les mouvements sociaux, etc. Les proposeurs de cette idée se sont appuyés sur le fait que dans la majorité des mouvements et des organisations, les dirigeants sont élus, ce qui justifierait qu’on reconnaisse le caractère « démocratique » de leur présence parmi les députés qui n’ont, selon ces proposeurs, qu’une représentation « géographique » de la population.

Cette idée est, au mieux, farfelue. Ne serait-ce pas là permettre à des lobbys de faire leurs représentations directement sur le parquet de l’Assemblée nationale ou de la Chambre des Communes ? Déjà on déplore la multiplication invraisemblable des lobbyistes autour des gouvernements et des députés. Nos deux niveaux de gouvernements ont même créé le poste de Commissaire au lobbyisme pour tenter de réguler cette activité intense de représentation d’intérêts particuliers. Les loups sont déjà à la porte de la bergerie. Inutile de leur ouvrir toute grande cette porte.
Puis, parmi d’autres voies de changement, certains proposent que les députés soient élus à la majorité absolue, même si cela pourrait entrainer un deuxième tour avec les coûts conséquents, la légitimité du député ainsi élu serait renforcée et incontestable.

En définitive, peut-être serait-il possible de faire autrement nos élections notamment en introduisant avec prudence les technologies de l'information, mais l’enjeu est trop important pour qu’on « s’amuse » avec cela. La représentativité en politique est un exercice délicat et périlleux. Le fait pour chaque citoyen et chaque citoyenne de voter pour envoyer un député nous représenter au parlement est la base même de la démocratie ; altérer la portée de ce geste est affaire sérieuse.
Dans chaque vote exprimé, même si l’électeur n’y pense pas, il y a l’intérêt supérieur de la collectivité, le bien commun de toute la population. De plus, et on a tendance à l’oublier, aucun député élu n’a de patron, si ce n’est la population de son comté. Son mandat, il le tient de ses électeurs et aucune autorité ne peut le démettre.

La campagne électorale actuelle est peut-être ennuyante et répétitive, mais pour paraphraser Winston Churchill, elle est aussi le moins mauvais moyen pour offrir à la population un gouvernement représentatif.
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Photo : Le Devoir

* Un grand merci à mes collègues de Québec, Denys Larose, Normand Chatigny et Jean-Noël Tremblay, pour leur suggestions pour améliorer ce texte.

samedi 14 juillet 2018

IGNORANCE, MENSONGE, IRRESPECT...

Il y a des jours où trop, c’est trop. Il y a des jours où la moutarde nous monte au nez. Ces temps-ci, ça m’arrive trop souvent.  
Les poilus

L’irrespect, d’abord. Radio-Canada a décidé de baptiser une émission estivale sur les animaux de compagnie « Les poilus ». Quand on est ignorant, on trouve que c’est une bonne idée. Quand on est ignorant, on trouve même cela rigolo. Lors de la première Guerre mondiale (la guerre 14-18, pour les ignorants), la France a perdu 1 397 800 militaires, et 4 277 000 autres de ses soldats ont été blessés. Quand on est ignorant comme les producteurs d’émissions de télévision, on ne sait pas que ces soldats français, pendant ce conflit de 1914-1918, s’appelaient « les poilus ».

Ce surnom est apparu parce que les soldats faisaient la guerre essentiellement dans des tranchées. Ils y passaient typiquement sept jours avant d’être relevés. Dans les tranchées, pas question de se laver et de se raser alors que les soldats pataugeaient dans la boue et les déchets de toutes sortes jusqu’aux genoux, sous des bombardements quasi constants de l’artillerie ennemie et la menace permanente des tireurs d’élite. Lorsque les soldats sortaient des tranchées pour aller se reposer à l’arrière du front, leur allure hirsute leur a valu ce surnom de « poilus ». Ce surnom ne fut pas et n’a jamais été péjoratif, bien au contraire. C’est même devenu un titre de gloire que d’avoir été un des poilus français de la Grande Guerre.


Donner le nom de « Les poilus » à une émission de télévision simplette, c’est démontrer son ignorance de l’histoire, et pour une télévision de langue française ici au Québec, c’est faire preuve d’un manque flagrant de respect et de sensibilité historique. Il y a des mémoires courtes qui n’ont simplement pas le droit d’exister.


Bon, je l’ai écrit et oui, ça m’a fait du bien. Je continue.

Désastres maritimes

Jusqu’à récemment à Radio-Canada toujours, on a fait la promotion d’un documentaire qui a été télévisé le 14 juillet. Le documentaire porte sur le naufrage du paquebot de luxe italien Costa Concordia en 2012. La narratrice de cette promotion dit qu’il s’est agi « d’une des plus grandes catastrophes maritimes de l’histoire ».  Bien sûr, c’est totalement faux. Trente-deux personnes ont perdu la vie dans ce naufrage. Trente-deux. De dire que ce naufrage est un des plus grandes catastrophes maritimes de l’histoire est un mensonge éhonté.


Pour mémoire, le Titanic a coulé le 14 avril 1912 au large de Terre-Neuve. Entre mille quatre-cent-quatre-vingt-dix et mille cinq-cent-vingt personnes ont alors perdu la vie. En mai 1914, l’Empress of Ireland a fait naufrage dans le fleuve Saint-Laurent face à Pointe-au-Père près de Rimouski. Mille vingt-sept personnes ont alors perdu la vie. Face à ces vraies tragédies, les trente-deux personnes du Costa Concordia ne pèsent pas lourd. Ces accidents tragiques ont eu lieu en temps de paix.


En temps de guerre, de véritables désastres maritimes ont également eu lieu. Le Lusitania, torpillé en mai 1915, a vu mille deux cents de ses passagers – incluant 94 enfants - et membres de l’équipage périr. En janvier 1945, le Wilhelm Gustloff a été torpillé par un sous-marin soviétique alors qu’il transportait vers l’ouest des soldats blessés et des réfugiés de la Prusse orientale. Neuf mille trois cents personnes ont alors perdu la vie dans les eaux de la Baltique. Est-ce que ça vaut la peine encore de mentionner la bataille maritime du Jutland en mai-juin 1916 ? Wikipedia nous apprend que « les Britanniques ont perdu quatorze navires contre onze allemands mis hors de combat. Du fait que trois de ceux-ci étaient des croiseurs de bataille, leurs pertes humaines sont aussi plus élevées, 6 094 marins anglais contre 2 551 Allemands... »

Alors, entendre une lectrice de Radio-Canada s’exciter à propos d’une « des plus grandes catastrophes maritimes de l’histoire » - le Costa Concordia - quand c’est carrément faux, ça dépasse l’ignorance. C’est un signe d’incompétence crasse dans la tour du boulevard René-Lévesque à Montréal.


Personnellement, je suis passionné de l’histoire et je reconnais que ce n’est pas le lot de tout le monde. Il y a cependant des dates évidentes, des faits majeurs de l’histoire qui ne devraient jamais être oubliés, surtout pas par des gens qui travaillent en information dans un média.


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jeudi 31 mai 2018

OÙ SONT DONC PASSÉS LES ÉTÉS D'ANTAN…

Quand les décennies s'ajoutent à son compteur personnel, quand le temps semble filer plus vite qu’auparavant, quand les chefs d’état et de gouvernement sont plus jeunes que soi, la réminiscence de ce qui fût est inévitable, sauf pour les malheureux qui ont perdu leur mémoire. C'est parce qu'on vit encore et qu'on a vécu que l'on se rappelle le chemin parcouru, et pas nécessairement pour vivre dans le passé ou dans la nostalgie. Le « vécu » est loin d'être toujours intéressant. À preuve ces ennuyeuses émissions de téléréalité, dont le nom même est un mensonge, ou encore certains contenus de Facebook. Dans mon cas, face aux saisons estivales de nos temps modernes, je me demande souvent où sont passés les étés d'antan. Je vous explique pourquoi.

Mon enfance s’est déroulée, pour l'essentiel, entre 1950 et 1960. Né en 1944, j'ai eu 6 ans en 1950. Mes souvenirs ne sont pas très précis pour toute cette décennie, mais je me rappelle surtout que l'été, c'était la fin des classes, la liberté de jouer dans la cour de la maison ou au parc tout près, et un certain silence, un certain calme. Après dix mois de discipline scolaire, de devoirs, de leçons, la fête de la Saint-Jean représentait la liberté estivale, le farniente, même si on ne connaissait pas ce mot. Bien sûr, il subsistait une certaine discipline à la maison, mais c'était davantage pour notre bien et notre sécurité que pour nous opprimer.

J'ai passé cette enfance à Montréal-Nord, sur la rue Sainte-Gertrude. De temps à autre, un vieil autobus brinquebalant y passait. Il n'y avait pas beaucoup de circulation automobile. Au début, le laitier venait nous porter nos nombreuses pintes de lait dans sa voiture à cheval. Quand il faisait particulièrement chaud, il nous donnait des éclats tombés des gros cubes de glace qui gardaient au frais ses produits laitiers dans sa voiture. Un jour, il est arrivé avec un camion tout neuf. Fini la glace. Moi, j'ai été déçu de ne plus voir et même sentir son cheval, et de ne plus avoir de morceau de glace à sucer tranquillement à l'ombre. Dans ces années-là, voir passer un avion dans le ciel était un événement qui nous fascinait. Je me rappelle d'avions avec trois gouvernails : c'était des Super Constellations. On n'arrêtait pas le progrès.

Au Parc Léonard, niché entre le Boulevard Gouin et la Rivière des Prairies, on s'amusait pendant que les plus grands jouaient dans un coin du parc à la balle molle ou au baseball. On avait des balançoires, des carrés de sable pour les « bébés », comme on disait du haut de nos huit ou neuf ans… Une fois par été, si je ne m'abuse, il y avait une tombola au parc. Des jeux, des kiosques étaient érigés et une atmosphère festive, avec de la musique, des spectacles et des guirlandes de lumière nous remplissait les yeux d'émerveillement. Si on avait quelques sous, on se payait la traite : un petit sac de chips Maple Leaf et un Coke en bouteille faisaient de notre journée un succès… La tombola durait, je ne sais plus, quelques jours ou même une semaine. Puis, le parc retrouvait son calme habituel. Mis à part les éclats de voix des enfants, le parc était plutôt silencieux.

Moi, j'étais un « liseux ». J'aimais lire. Dès que j'ai eu neuf ou dix ans, on m'amena en tramway à une bibliothèque municipale au coin de Lajeunesse et Gouin. La bibliothèque était logée en haut d'un poste de pompier. Pour y accéder, il fallait grimper un long escalier en métal qui résonnait sans bon sens. J'empruntais trois livres et je revenais à la maison, toujours en tramway. Généralement, j'avais lu mes trois romans en une journée. Le lendemain, je recommençais. J'ai dû faire cela un ou deux étés à Montréal-Nord. Puis, mes parents ont déménagé à Rosemont. J'avais quelques années de plus, et mon père m'avait acheté une bicyclette à un encan de la police. La bécane avait deux barres et devait peser trente livres, mais c'était ma bicyclette. Rapidement, l'été, j'ai poursuivi mon manège de lecteur vorace en me rendant à bicyclette à la bibliothèque municipale au coin de Bellechasse et de la 8e avenue. Le manège des trois livres lus en une journée se poursuivait. Mais je ne faisais pas cela sept jours par semaine.

J'allais aussi au parc où j'ai vu la Roulotte de Paul Buissonneau, et le comédien lui-même nous présenter des comédies. On jouait aussi à différentes sortes de jeux sur le gazon.  D'autres jours, je devenais explorateur de Montréal. Je partais en bicyclette sans but précis, pour connaître la ville. Ma mère s'inquiétait un peu et me disait d'être prudent. Souvent je revenais pour le repas du midi et je passais mon après-midi à lire en grignotant des carottes… L’été, c’était tranquille.

Aujourd’hui, pareil régime de calme et de tranquillité est impensable. L’été, maintenant, rime avec party. Les festivals de n’importe quoi se succèdent les uns aux autres. On ferme les rues. Les haut-parleurs sont omniprésents. On a des feux d’artifices pour avoir des feux d’artifices. On s’invente des anniversaires pour fêter bruyamment encore plus, même si ces anniversaires sont plus ou moins bidons, comme le 375e de Montréal ou le 150e du Canada, pourtant découvert en 1534 par Jacques Cartier. J’ai entendu dire que le maire Coderre voulait préparer activement les fêtes du 380e de Montréal… Disons que le 400e de la fondation de Québec en 2008, c’était un réel anniversaire.

Cette pléthore de fêtes n’est pas l’apanage de Montréal, de Québec ou du Québec. C’est partout. Les entreprises créatrices d’événements – oui, oui, ça existe et on les subventionne grassement – se multiplient et font preuve d’une imagination sans limites pour distraire les citoyens et ça, du plus petit hameau à la plus grande ville.

Dites, est-ce que les gens s’ennuient tant que cela ? Je pense qu’en général, oui, les gens s’ennuient. Sinon, comment expliquer les foules qui se bousculent au moindre événement festif, au moindre festival de l’épingle à linge? Peut-être que c’est la platitude sidérante de la télévision en été qui explique un peu cela. Après tout, à quoi serviraient les étés si on n’en profitait pas pour s’envoyer en l’air.

Ah… le monde moderne. Je vais aller faire une sieste...



lundi 21 mai 2018

PQ : RIEN NE VA PLUS

Ça ne va pas bien pour le PQ de Jean-François Lisée. Après avoir proposé de stopper les travaux du REM, rien de moins, voilà que les médias dévoilent que la candidate péquiste dans Maskinongé, Muguette Paillé, au cours des dernière semaines, a « formulé ou cautionné une série de commentaires agressifs dans ces forums de discussion, notamment au sujet de l'Islam. Mme Paillé a « aimé » un commentaire qui présente l'Islam comme une « idéalogie (sic) démoniaque totalitaire ». Elle a aussi « aimé » qu'un internaute propose de « castrer avec une lame de rasoir » les musulmans pour « les empêcher de violer les femmes et les petites filles ». Elle a également qualifié le premier ministre Justin Trudeau d’« antinationaliste », de « voleur» et de «menteur», et présenté Philippe Couillard comme un « cheikh ». »

Cela, C’était rapporté dans La Presse du 15 mai 2018. Madame Paillé, bien évidemment, a retiré sa candidature.

Alors que le Bloc québécois s’effondre, un de ses visages les plus emblématiques, Michel Gauthier, prend sa carte de membre du Parti conservateur du Canada et rigole avec Andrew Scheer.

Alexandre Taillefer, « techniquement » membre du PQ, présidera la campagne libérale de Philippe Couillard après avoir été approché deux fois par… la CAQ pour être candidat. Il ne semble pas que le PQ ait tenté de recruter un des hommes d’affaires les plus en vue au Québec. Quelqu’un au PQ dormait au gaz. Faudrait lui rappeler que l’élection est le premier octobre 2018, pas 2019.
Pendant ce temps…
Pendant ce temps, les sondages se suivent… et se ressemblent. La CAQ est en tête des intentions de vote, suivie du PLQ. Assez loin derrière, vient le PQ au plus bas des intentions de vote depuis sa fondation, suivi enfin de QS.

Comme les diverses firmes (Ipsos, Léger Marketing, etc.) présentent à peu près toutes le même tableau sondage après sondage, quelque chose s’est passé dans la tête des Québécois et des Québécoises qui n’a plus rien à voir avec l’idéal de l’indépendance politique de la province. Le monde a beaucoup changé entre 1970 et 2018. Le PQ, à part changer la couleur et l’orientation de la barre dans la lettre Q de son sigle, n’a pas vu ou compris ce changement.
Voilà aussi qu’un chroniqueur généralement assez sympathique au nationalisme québécois, Claude Villeneuve, écrit dans le Journal de Montréal (et de Québec)[1] : « Serait-il possible que le PQ cesse d’écrire lui-même l’argumentaire de ses adversaires ? Sa position est compliquée, mais elle est légitime, voire nécessaire. Éviter de la discréditer d’emblée serait salutaire. »

Un autre chroniqueur dans ce même média[2], Rémi Nadeau, écrit à propos de Québec solidaire : « À voir et entendre Gabriel Nadeau-Dubois, il se dégage une impression qu’à l’exception de la question identitaire, les péquistes pourraient trouver bien des terrains d’entente avec lui. Si les sondages disent vrai, ce n’est pas seulement une simple défaite que risque de subir le parti de Jean-François Lisée le 1er octobre, mais une dégelée. La poussière retombée, peut-être Véronique Hivon sera-t-elle tentée de reprendre des pourparlers avec Nadeau-Dubois... »
Qu’est-ce que ne va plus dans le Parti québécois, naguère porteur d’espoir et d’idéalisme ? Même s’il abandonnait l’article un de son programme (sur l’accession à la souveraineté du Québec), l’impression subsiste que ce parti n’a plus sa place dans notre société. Malgré des erreurs tactiques et stratégiques, son chef et sa co-chef sont actifs, mettent de l’avant des propositions, critiquent le gouvernement, comme c’est leur devoir, mais comme on dit au casino, rien ne va plus.

On assiste possiblement à la fin de ce qui fut un grand parti, comme on a assisté en 1973, à la fin de l’Union nationale. Ce spectacle est désolant. Il l’est toujours.



[1] Journal de Montréal, 16 mai 2018.
[2] Ibid.

mercredi 21 mars 2018

DES ROULETTES, DES MILLIERS DE ROULETTES…

Ces récentes semaines, j’ai encore une fois dû me résigner à fréquenter notre système de santé. Il le fallait bien, car je n’étais pas bien de ma personne. Pour diverses raisons, je suis allé dans trois hôpitaux : une fois pour un ami, une autre fois pour mon épouse et puis pour un de mes frères hélas décédé depuis, et enfin deux fois pour moi-même. J’y ai été bien traité, par tout le monde. Des préposés aux médecins, je n’ai pas de plainte à formuler, bien au contraire. J’ai été reçu, écouté et diagnostiqué de façon extrêmement compétente et humaine. Malgré tous ses efforts, notre ministère centralisateur de la santé n’a pas réussi à déshumaniser notre système car trop de gens, dévoués et compétents, y exercent leur profession.

 Cependant, il y a un facteur auquel le ministre de la santé, notre incontournable Gaétan Barette, n’a pas porté attention. Je parle ici des roulettes. C’est fou ce qu’il y a comme roulettes dans un hôpital, et des roulettes de toutes les tailles et de toutes les qualités, semble-t-il.

Que ce soient les poteaux à solutés, les chariots des technicien(ne)s en ECG, les chariots pour les repas, les roulettes des seaux pour le ménage, les roulettes des civières ou des lits, les petits chariots pour transporter des masses imposantes de documents ou de fichiers, tout roule, dans un hôpital. Quand le véhicule électrique circule en tirant un wagon rempli de linge, mieux vaut se tasser. Tout cela, me direz-vous, est bien normal, et je suis d’accord.

Ce qui est moins normal, cependant, c’est le bruit. Je suis assez âgé pour me rappeler les panneaux de circulation demandant le « SILENCE SVP » autour des hôpitaux, il y a de cela plusieurs décennies. Aujourd’hui, c’est à l’intérieur des hôpitaux que règne le bruit. Une source importante de ce bruit, ce sont les damnées roulettes des innombrables objets en mouvement. Pour un seul ensemble de roulettes plutôt silencieux, vous en aurez neuf qui émettent du vacarme à des divers degrés de décibels.
Qui donc, dans l’immense bureaucratie ministérielle, a reçu le mandat d’approuver non pas les nécessaires roulettes, mais le bruit ambiant qu’elles génèrent ? Comment se fait-il que les administrations hospitalières ne fassent rien pour limiter le plus possible le bruit ambiant, tant aux urgences que sur les étages ? Ce bruit presque constant est contraire au calme et au repos qui devrait être la norme dans nos hôpitaux.

Dans certains cas, j’ai constaté que certains chariots s’approchant de là où j’étais étendu donnaient l’impression très nette qu’une rame de métro me passerait devant, tant le bruit était semblable. Dans d’autres cas, je me pensais chez un ferrailleur : il s’agissait d’une préposée tirant et poussant plusieurs poteaux de solutés. Ou encore, j’ai davantage entendu que vu des chariots construits en grilles de métal, un peu comme des paniers d’épicerie, être trimbalés à gauche et à droite. Quand ils sont pleins, ça peut aller. Mais quand ils sont vides, vous serez réveillés, que vous le vouliez ou non. Le bruit de ces chariots est difficile à supporter, comme si quelqu’un faisait grincer ses ongles sur un tableau.

Certains me diront que c’est le prix de la modernité et qu’on n’est plus à l’époque des panneaux demandant le « SILENCE » autour des hôpitaux.
De fait, je crois sincèrement que ces panneaux devraient être partout à l’intérieur des hôpitaux, car trop de gens, le personnel de la santé comme les visiteurs, oublient qu’ils sont dans un environnement qui doit favoriser le calme pour tout mettre en œuvre afin que les malades guérissent. Il y a autre chose.

Quand les services d’approvisionnement de nos hôpitaux achètent du matériel mobile, font-ils un effort pour vérifier si les roulettes de ce matériel sont suffisamment silencieuses ? Essaient-ils au moins de s’assurer que tous ces chariots n’ajouteront pas aux bruits ambiants déjà présents ? Permettez-moi d’en douter. À voir l’indifférence générale à l’égard du bruit dans les établissements hospitaliers, j’ai le sentiment qu’à cet égard, on a lancé la serviette et qu’on est passé à d’autre choses.

Alors, Monsieur Barrette, est-ce que ce problème est digne de votre attention ? Enfin, sous peu, je reviendrai sur cette autre calamité dans les hôpitaux que sont les téléphones cellulaires.

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samedi 10 février 2018

PQ : ÉCHEC ET DÉTRESSE

La décision surprise du chef péquiste Jean-François Lisée de faire de la députée Véronique Hivon la « vice-cheffe » du Parti québécois fût la surprise de la dernière rencontre des instances de ce parti.

Lisée a « sorti » cette idée de son chapeau. Puis, sans qu’aucune résolution formelle n’ait été présentée, débattue et adoptée, Mme Hivon est devenue la première « vice-cheffe » de ce parti qui n’en avait jamais connu depuis sa fondation.

Peu d’analyses en profondeur ont été faites sur ce geste de Lisée. On peut expliquer cela probablement par le fait que Véronique Hivon est une des personnes les plus respectées à l’Assemblée nationale. Son parcours politique est éloquent et elle est une femme brillante à l’empathie très développée. Elle est capable d’écoute attentive. Qu’elle ait été choisie par son chef, après la surprise de l’annonce, n’a frustré personne au sein de son parti. C’est tout à son honneur.

Un geste révélateur

Cela dit, le geste lui-même mérite qu’on s’y attarde. En ayant recours à ce ‘truc’, cette entourloupette, Jean-François Lisée a implicitement fait une étonnante reconnaissance de l’échec de son leadership. Dans les faits, il a reconnu qu’il ne pouvait, tout seul, être « l’homme de la situation », pour reprendre une expression surutilisée. La descente lente mais implacable du Parti québécois dans les sondages s’est poursuivie sous sa gouverne.

L’indifférence mesurée des Québécois pour le concept même de l’indépendance politique du Québec n’a pas été modifiée parce que Jean-François Lisée est devenu le chef du parti fondé par René Lévesque. Fondamentalement, Jean-François Lisée a gagné la dernière course à la chefferie du PQ, et rien n’a vraiment changé pour son parti. Pire encore, la CAQ a poursuivi sa montée dans les intentions de vote des Québécois au point d’être maintenant en tête dans les sondages.

Lisée est un homme intelligent, tout le monde le sait. Il est capable de faire d’excellentes lectures de l’état des lieux politiques au Québec en ce début de 2018. Il a réalisé comme bien d’autres que le mouvement des plaques tectoniques politiques chez nous était impossible à arrêter. Le déclin de son parti, inscrit dans les résultats électoraux depuis 20 ans, semble impossible à être renversé. Aussi, faute de vision stratégique, Jean-François Lisée a eu recours, encore une fois, à une tactique, à un truc pour qu’on parle de son parti.

Son truc a fonctionné. Brièvement. On a parlé du PQ et de l’arrivée de sa vice-cheffe dans les médias pendant… quelques jours. Puis l’actualité a poursuivi son chemin. Lisée a voulu que sa vice-cheffe pose en Chambre des questions au premier ministre qui a tout simplement délégué son ministre des transports pour répondre à la question de Véronique Hivon. Mis à part les journalistes et les mordus de la politique, cet incident n’a pas réellement entraîné de batailles à coups de poing dans les autobus des villes québécoises ou dans le métro de Montréal… Bref, on peut penser que la décision surprise de Jean-François Lisée aura été un coup d’épée dans l’eau.

En même temps, cette décision a constitué un aveu sidérant de la faiblesse et de l’incapacité de redressement d’une situation où le PQ est de plus en plus marginalisé. Qu’on ne s’illusionne pas : le statut d’Opposition officielle dont jouit présentement le PQ ne voudra rien dire lorsque les Québécois mettront leur bulletin dans l’urne le 1er octobre prochain. En 1973, l’Union nationale était l’Opposition officielle. Après l’élection d’octobre de cette année-là, l’Union nationale n’avait plus un seul député à l’Assemblée nationale.

Un cul-de-sac

Le PQ fait face à un cul-de-sac existentiel. Tous les analystes en conviennent. Les instances péquistes le savent aussi. Le PQ n’existe, au fond, que pour réaliser la souveraineté politique du Québec, ce dont les Québécois, de plus en plus majoritairement, ne veulent même plus entendre parler. Si le PQ mettait de côté l’article un de son programme, il imploserait. Si le PQ conserve l’article un de son programme, il fait face à l’extinction, peut-être même plus rapidement qu’on ne le pense.

La situation de ce parti qui a fait rêver quelques générations de Québécois et de Québécoises est à proprement parler dramatique. Dommage que son chef ait pensé qu’un simple « truc » comme l’invention d’une vice-cheffe pourrait aider son parti à renverser les tendances politiques lourdes au Québec et à motiver davantage ses troupes de militants.

Le PQ, le Québec et, disons-le, Mme Véronique Hivon, méritent mieux que cela.

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