Lorsque comme nous, on a plusieurs décennies d’observation de la politique derrière la cravate, un certain sentiment de résignation nous envahit. « Pas encore cela », nous disons-nous, « c’est toujours la même chose » … Bien sûr, les bouilles des chefs et des candidats changent. Des vieux s’en vont. Des jeunes arrivent. Chose heureuse, les femmes sont maintenant nombreuses à entrer dans la joute politique. Mais finalement, c’est toujours la même chose.
Comment se fait-il que cette campagne de 2018 ne soit pas si
différente, disons, de la dernière campagne de Maurice Duplessis en 1956 ? Mis
à part les technologies de l’information et les inutiles nouvelles en continu,
on dirait que rien n’a changé. On accroche des pancartes aux poteaux
électriques ou aux lampadaires, on fait du pointage pour savoir si vous penchez
un peu par ci ou un peu par là, on nous lance des sondages dans les médias et
les sondages, le ridicule ne tuant plus personne, deviennent de la nouvelle.
Les candidats font du porte à porte, toujours escortés par un assistant. Les
débats des chefs se préparent, tout comme ceux des candidats dans certains
comtés.
En somme, on refait l’exercice d’élire des députés et de
choisir un gouvernement toujours de la même façon, campagne après campagne. Si
vous percevez un peu de nouveauté dans la présente campagne, nous vous saurons
gré de nous en informer. En effet, campagne après campagne, c’est comme si on
avait remisé l’imagination au vestiaire.
FAIRE AUTREMENT ?
Serait-il possible de désigner nos députés autrement ?
Est-il même pensable de vouloir réformer les scrutins ? C’est probablement
impossible sans sans remettre en cause
notre système et nos modes démocratiques. Déjà, et depuis un bon moment,
des partis politiques réclament le scrutin proportionnel pour que notre
parlement reflète mieux
la composition diverse de la population. Mais ceux ou celles qui réclament ce
type de scrutin ne répondent jamais à la question de la stabilité et de
l’efficacité d’un parlement et d’un gouvernement durant un mandat.
On a vu, lorsque le Parti québécois a fait entrer sept
députés à l’Assemblée nationale en avril 1970 à quel point une petite poignée de
députés peut paralyser le processus législatif. On a revu ce phénomène plus
récemment avec Mario Dumont et un peu plus tard, l’arrivée de Québec solidaire.
Cela dit, la représentativité en politique est un exercice délicat et
périlleux. Le fait pour chaque citoyen et chaque citoyenne de voter pour
envoyer un député le ou la représenter au parlement est la base même de la
démocratie ; altérer la portée de ce geste aurait de sérieuses conséquences,
pas toutes positives. Ainsi, envoyer au Parlement des députés qui n’ont pas été directement
élus constituerait un geste nocif, au plan démocratique.
Par ailleurs, d’autres ont avancé l’idée d’inclure des corps
intermédiaires au sein de nos représentants élus. Ces corps intermédiaires
seraient les syndicats réunis en centrales, les chambres de commerce, les
mouvements sociaux, etc. Les proposeurs de cette idée se sont appuyés sur le
fait que dans la majorité des mouvements et des organisations, les dirigeants
sont élus, ce qui justifierait qu’on reconnaisse le caractère « démocratique »
de leur présence parmi les députés qui n’ont, selon ces proposeurs, qu’une
représentation « géographique » de la population.
Cette idée est, au mieux, farfelue. Ne serait-ce pas là permettre
à des lobbys de faire leurs représentations directement sur le parquet de
l’Assemblée nationale ou de la Chambre des Communes ? Déjà on déplore la
multiplication invraisemblable des lobbyistes autour des gouvernements et des
députés. Nos deux niveaux de gouvernements ont même créé le poste de
Commissaire au lobbyisme pour tenter de réguler cette activité intense de
représentation d’intérêts particuliers. Les loups sont déjà à la porte de la
bergerie. Inutile de leur ouvrir toute grande cette porte.
Puis, parmi d’autres voies de changement, certains
proposent que les députés soient élus à la majorité absolue, même si cela
pourrait entrainer un deuxième tour avec les coûts conséquents, la légitimité
du député ainsi élu serait renforcée et incontestable.
En définitive, peut-être serait-il possible de faire
autrement nos élections notamment en introduisant avec prudence les technologies de l'information, mais l’enjeu est trop important pour qu’on
« s’amuse » avec cela. La représentativité en politique est un
exercice délicat et périlleux. Le fait pour chaque citoyen et chaque citoyenne
de voter pour envoyer un député nous représenter au parlement est la base même
de la démocratie ; altérer la portée de ce geste est affaire sérieuse.
Dans chaque vote exprimé, même si l’électeur n’y
pense pas, il y a l’intérêt supérieur de la collectivité, le bien commun de toute la population. De plus, et on a tendance à l’oublier, aucun député élu n’a
de patron, si ce n’est la population de son comté. Son mandat, il le tient de
ses électeurs et aucune autorité ne peut le démettre.
La campagne électorale
actuelle est peut-être ennuyante et répétitive, mais pour paraphraser Winston
Churchill, elle est aussi le moins mauvais moyen pour offrir à la population un
gouvernement représentatif.
______________________________________
Photo : Le Devoir* Un grand merci à mes collègues de Québec, Denys Larose, Normand Chatigny et Jean-Noël Tremblay, pour leur suggestions pour améliorer ce texte.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire