mardi 28 juillet 2015

CHRONIQUER EN JUILLET…


Je n'envie pas du tout, mais pas du tout les chroniqueurs professionnels comme ceux qu'emploient les médias. Leur sort, en juillet, mérite notre pitié, vraiment.

C'est qu'en juillet, et encore pire, durant les vacances de la construction qui, chez nous, tombent toujours les deux dernières semaines de juillet, c'est donc qu'en juillet, il ne se passe… rien. Justement. Rien. Les politiciens sont en vacances. Les bouchons de circulation, sujet éternel de placotage, sont réduits à leur minimum annuel. On peut même rouler à 70 km / h sur les autoroutes Décarie ou Métropolitaine. Il ne se passe rien de notable. On s'est même habitués aux cônes oranges, c'est tout dire. C'est à peine s'ils nous font hausser les épaules.

Et pourtant, nos chroniqueurs, ceux et celles qui ne sont pas en vacances, doivent quand même avoir des opinions sur différents sujets, car le journal n'attend pas. Comble de «malheur » cette année, nous avons du beau temps, un beau temps estival qui fait que tous les gens en vacances, dont les ouvriers de la construction et leurs familles, n'ont pas à se plaindre.
Se plaindre, dénoncer, être en colère contre le gouvernement ou le maire ou les syndicats ou le système de santé, voilà qui nourrit la chronique. Mais cette année, il n'y a rien. Tout est tranquille. Même l'approche de l'élection fédérale du 19 octobre prochain n'arrive pas à soulever les passions, en ce mois de juillet splendide et tranquille. La première ministre de la Colombie britannique a osé mettre son nez dans la politique québécoise ; elle n'a pas réussi à secouer la belle léthargie qui est de mise, cet été. Nos nationalistes sont en vacances, eux aussi.

Vraiment, je plains nos chroniqueurs. Ils doivent s'inventer des sujets. Parler de leur vécu (mes vacances avec mes ados, par exemple, mon voyage dans l'arrière-pays, etc.). Le moindre fait divers incite ce qui reste de journalistes à dire ou écrire que le (écrire ici votre fait divers préféré : …………….) « relance le débat sur » (inscrire ici le sujet du fait divers indiqué précédemment).
Ainsi, un petit enfant se noie dans un fossé près de la maison de ses parents (ce qui est triste et tragique pour ces parents, bien sûr), que des chroniqueurs relancent le débat sur la sécurité des tout-petits et réclament que le gouvernement (encore lui !) impose de clôturer les terrains donnant sur des fossés. Bref, ils essaient de « relancer le débat sur », mais il n'y a pas de débat. Même chose pour les accidents de la route, les noyades dans les piscines ou les rivières, les incendies, etc.

Évidemment, il n'y a pas de débat parce que des faits divers, des accidents bêtes surviennent toujours. Mais quand la politique et les chicanes habituelles reviendront à compter de la mi-août, ces faits divers reprendront leur juste place dans les médias, sauf pour Québecor, dont c'est le pain et le beurre quotidiens en page Une.
Plus grave encore pour nos opinants professionnels, le nombre de noyades accidentelles est en baisse, cet été. Quand on en est rendu là, il n'y a plus grand chose à dénoncer. Il n'y a pas, non plus, grand chose d'intelligent à écrire. Et pourtant, il le faut. Misère.

Faites comme moi : ayez une pensée sympathique pour ces tâcherons de l'opinion condamnés à écrire leurs chroniques. Je me répète, je ne les envie pas du tout.
Sur ce, je vais prendre l'air sur mon balcon. Il fait très beau.
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samedi 4 juillet 2015

LE COURAGE DE GILLES DUCEPPE

Mes proches savent que je n'appartiens pas à la famille souverainiste. Je n'appartiens pas non plus à la famille fédéraliste, même si je considère que le Québec a été plutôt bien servi par son appartenance canadienne. Je suis avant tout un observateur intéressé de la chose politique. Mes opinions politiques personnelles, pour ce qu'elles valent, n'ont rien à voir ici avec mon propos.

Cela dit, il faut reconnaître les beaux gestes qui surviennent de temps à autre dans le monde politique, surtout que les médias et les commentateurs s'attachent surtout à ce qui n'est pas très honorable et alimentent ainsi le cynisme ambiant vis-à-vis le monde politique.
 
À cet égard, qu'on soit d'accord ou non avec son option politique, on se rappellera de Monsieur Parizeau qui, en 1995 en pleine campagne référendaire, laissa la première place dans l'équipe du 'Oui' à Lucien Bouchard pour tenter de favoriser davantage son option. Il lui fallût du courage et, oui, de l'abnégation pour prendre une pareille décision.

Le geste récent de Mario Beaulieu est analogue. Devant les difficultés qu'il a perçues dans son leadership du Bloc, Mario Beaulieu a consenti à s'effacer et demandé à Gilles Duceppe de reprendre la direction du parti. Le geste de Mario Beaulieu est digne et respectable, et il lui a fallu démonter, lui aussi, pas mal d'humilité et d'abnégation pour le poser. Il faut le souligner. Ces comportements assez peu fréquents sont empreints de dignité. Je ne veux même pas chercher à distinguer les différents motifs qu'on a tenté d'imputer à ces gestes. Je considère les gestes en eux-mêmes.

Le courage de Gilles Duceppe est évident et mérite d'être souligné. D'abord, en tout respect, Gilles Duceppe n'est plus un jeune homme. Dans la soixantaine avancée, il a, comme on dit, déjà largement donné à la patrie. Il aurait pu continuer à jouir de sa retraite, en bloguant par ci, en opinant par là, notamment dans le Journal de Montréal, bref à continuer d'être un elder stateman respecté, loin des empoignades quotidiennes de la lutte politique sur le terrain.

Malgré un contexte difficile, le Bloc n'ayant plus que deux députés à la Chambre des Communes, Gilles Duceppe a accepté le défi de remplacer Mario Beaulieu à pied levé, au seuil des élections fédérales d'octobre prochain. Comme on dit en Québécois, « ça prend du guts ». Parce que rien n'est garanti pour Gilles Duceppe dans cette aventure.

Il peut tout aussi bien retourner aux Communes avec cinq ou dix députés bloquistes comme il peut être défait et voir le Bloc complètement balayé de la scène politique fédérale. Les luttes à trois ou quatre qui s'annoncent dans beaucoup de comtés fédéraux au Québec à l'automne rendent pratiquement impossible toute prédiction un tant soit peu sérieuse.
 
Les quelques sondages publiés depuis l'annonce de son retour révèlent des mouvements d'opinion qui sont au mieux timides. De plus, ces mouvements d'opinion ont été ponctuellement encouragés par un plus large contexte.
 

QUELQUES MOIS FASTES POUR LES SOUVERAINISTES

Ce contexte élargi, tout le monde le connaît. D'abord, il y a eu la longue course à la direction du Parti québécois, ses différentes péripéties et l'élection de Pierre-Karl Péladeau qui occupe maintenant le poste de Chef de l'Opposition à l'Assemblée nationale. Puis, Monsieur Parizeau, véritable géant de l'histoire du Québec des cinquante ou soixante dernières années, est décédé. Ensuite, à la surprise générale, Gilles Duceppe a annoncé qu'il reprenait la barre du Bloc québécois.

Ces événements ont tous eu une très large couverture médiatique au Québec et même au-delà et ils ont influencé l'opinion publique. Jusqu'ici, toutefois, cette influence ne semble pas renverser les tendances lourdes déjà perçues au sein de la population québécoise (voir, entre autre, le site de three hundred and eight à cet égard).

Dans l'opinion publique, le PQ demeure, à quelques points de pourcentages près, là où il était avant tous ces événements. De façon étonnante, le Parti libéral a même vu l'approbation de l'action gouvernementale s'accroître légèrement malgré une évidente grogne dans les groupes syndicaux et autres.

Au fédéral, l'annonce du retour de Gilles Duceppe a donné quelques points de plus au Bloc, mais rien pour lui permettre aujourd'hui d'espérer engranger des récoltes semblables aux belles années du BQ. Pire encore pour ce parti, beaucoup de citoyens ouvertement partisans du Bloc hésitent à ce jour entre appuyer leur parti et tout faire pour se débarrasser du gouvernement Harper, ce qui implique pour nombre d'entre eux ou elles de voter plutôt NPD qu'autre chose dans le contexte présent.

Bref, dans une situation où, structurellement, rien ne semble vraiment changé de façon significative et profonde dans l'opinion publique québécoise, le geste posé par Gilles Duceppe est un geste politique courageux qu'il faut saluer.

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Image : La Presse