Cela dit, il faut reconnaître les beaux gestes qui
surviennent de temps à autre dans le monde politique, surtout que les médias et les commentateurs s'attachent surtout à ce qui n'est pas très honorable et alimentent ainsi le cynisme ambiant vis-à-vis le monde politique.
À cet égard, qu'on soit d'accord ou non avec son option politique, on se rappellera de
Monsieur Parizeau qui, en 1995 en pleine campagne référendaire, laissa la
première place dans l'équipe du 'Oui' à Lucien Bouchard pour tenter de favoriser davantage son option.
Il lui fallût du courage et, oui, de l'abnégation pour prendre une pareille
décision.
Le geste récent de Mario Beaulieu est analogue. Devant les
difficultés qu'il a perçues dans son leadership du Bloc, Mario Beaulieu a
consenti à s'effacer et demandé à Gilles Duceppe de reprendre la direction du
parti. Le geste de Mario Beaulieu est digne et respectable, et il lui a fallu
démonter, lui aussi, pas mal d'humilité et d'abnégation pour le poser. Il faut
le souligner. Ces comportements assez peu fréquents sont empreints de dignité.
Je ne veux même pas chercher à distinguer les différents motifs qu'on a tenté d'imputer à ces gestes.
Je considère les gestes en eux-mêmes.
Le courage de Gilles Duceppe est évident et mérite d'être souligné. D'abord, en
tout respect, Gilles Duceppe n'est plus un jeune homme. Dans la soixantaine avancée, il a, comme on dit,
déjà largement donné à la patrie. Il aurait pu continuer à jouir de sa
retraite, en bloguant par ci, en opinant par là, notamment dans le Journal de Montréal, bref à continuer
d'être un elder stateman respecté,
loin des empoignades quotidiennes de la lutte politique sur le terrain.
Malgré un contexte difficile, le Bloc n'ayant plus que deux
députés à la Chambre des Communes, Gilles Duceppe a accepté le défi de
remplacer Mario Beaulieu à pied levé, au seuil des élections fédérales
d'octobre prochain. Comme on dit en Québécois, « ça prend du guts ». Parce que rien n'est
garanti pour Gilles Duceppe dans cette aventure.
Il peut tout aussi bien retourner aux Communes avec cinq ou
dix députés bloquistes comme il peut être défait et voir le Bloc complètement
balayé de la scène politique fédérale. Les luttes à trois ou quatre qui s'annoncent dans beaucoup de comtés fédéraux au Québec à l'automne rendent pratiquement impossible toute prédiction un tant soit peu sérieuse.
Les quelques sondages publiés depuis
l'annonce de son retour révèlent des mouvements d'opinion qui sont au mieux timides. De
plus, ces mouvements d'opinion ont été ponctuellement encouragés par un plus
large contexte.
QUELQUES MOIS FASTES
POUR LES SOUVERAINISTES
Ce contexte élargi, tout le monde le connaît. D'abord, il y
a eu la longue course à la direction du Parti québécois, ses différentes
péripéties et l'élection de Pierre-Karl Péladeau qui occupe maintenant le poste
de Chef de l'Opposition à l'Assemblée nationale. Puis, Monsieur Parizeau,
véritable géant de l'histoire du Québec des cinquante ou soixante dernières
années, est décédé. Ensuite, à la surprise générale, Gilles Duceppe a annoncé
qu'il reprenait la barre du Bloc québécois.
Ces événements ont tous eu une très large couverture
médiatique au Québec et même au-delà et ils ont influencé l'opinion publique. Jusqu'ici,
toutefois, cette influence ne semble pas renverser les tendances lourdes déjà perçues
au sein de la population québécoise (voir, entre autre, le site de three hundred and eight à cet égard).
Dans l'opinion publique, le PQ demeure, à quelques points de pourcentages près,
là où il était avant tous ces événements. De façon étonnante, le Parti libéral
a même vu l'approbation de l'action gouvernementale s'accroître légèrement malgré
une évidente grogne dans les groupes syndicaux et autres.
Au fédéral, l'annonce du retour de Gilles Duceppe a donné
quelques points de plus au Bloc, mais rien pour lui permettre aujourd'hui
d'espérer engranger des récoltes semblables aux belles années du BQ. Pire
encore pour ce parti, beaucoup de citoyens ouvertement partisans du Bloc hésitent à ce jour entre
appuyer leur parti et tout faire pour se débarrasser du gouvernement Harper, ce
qui implique pour nombre d'entre eux ou elles de voter plutôt NPD qu'autre
chose dans le contexte présent.
Bref, dans une situation où, structurellement, rien ne
semble vraiment changé de façon significative et profonde dans l'opinion
publique québécoise, le geste posé par Gilles Duceppe est un geste politique courageux
qu'il faut saluer.
______________________________________
Image : La Presse
Aucun commentaire:
Publier un commentaire