mardi 18 septembre 2018

ÉLECTION : ÇA SE RESSERRE

Il n’y a pas à dire. La campagne « plate et ennuyeuse » commence à être plus captivante, au fur et à mesure qu’on s’approche du 1er octobre. Les débats (et il reste celui de jeudi à TVA à venir) ont eu, semble-t-il, un effet perceptible sur les intentions de vote. Si on se fie à Québec125, la CAQ, donnée gagnante majoritaire depuis des mois, serait maintenant presque en zone minoritaire, au plan des sièges. Les quelques cafouillages de François Legault sur la question de l’immigration ont été la faille au travers de laquelle ses adversaires se sont engouffrés pour le faire trébucher.

Pour son plus grand malheur, François Legault n’a probablement jamais appris aux HEC que « De minimis non curat praetor », ce qui veut dire que le grand chef ne s’occupe pas des détails. Il lui aurait suffi de répéter ad nauseam le principe de son engagement : réduire le total de l’immigration pour mieux intégrer ceux que nous accueillons. Pour son plus grand malheur, il s’est pris les pieds dans les détails et on assiste au résultat.  
Le PQ, fouetté par son chef Jean-François Lisée, aurait gagné quelques points qui lui permettraient peut-être de conserver son statut de parti reconnu au parlement québécois avec entre 10 et 15 sièges. Quant à Philippe Couillard, il se bat avec l’énergie du désespoir pour tenter de gagner un autre mandat pour les libéraux. Il a beau dire qu’il demande un « second » mandat, les électeurs et les électrices ne sont pas vraiment dupes. Il reste Québec solidaire, qui promet monts et merveilles, avec la lune en prime, grâce aux fortunes récupérées fiscalement auprès de nos très nombreux richissimes Québécois. Là encore, il ne semble pas que la majorité de la population soit vraiment impressionnée.

Le resserrement des intentions

J’écris beaucoup au conditionnel. C’est que l’avenir est toujours difficile à prévoir. Le recul relatif de la CAQ, par exemple, était prévisible : c’est le sort de tous les partis donnés gagnants en début de course. À mes yeux, jusqu’à maintenant, la CAQ a assez bien résisté aux coups de boutoir de ses adversaires, et il reste douze jours de campagne. Est-ce que François Legault va passer à l’attaque avec des éléments nouveaux et insoupçonnés ? Ce sera peut-être nécessaire pour frapper l’électorat avant le 1er octobre.
Le PQ semblait voué à une quasi-disparition avant le départ de la course électorale. Mais grâce à l’énergie admirable et incessante de son chef Jean-François Lisée, le parti résiste et gagne même quelques points. La question demeure : le parti va-t-il suivre son chef jusqu’à la fin dans cette frénésie ? Lisée a-t-il encore beaucoup de « trucs » - comme le détour à Ottawa - pour frapper l’imagination et obtenir de belles images pour les médias ? Peut-être, mais des médias, ça se lasse rapidement.

Du côté de Philippe Couillard, je m’attends au maintien du rythme actuel de sa campagne. Comme le Parti Québécois, le Parti libéral du Québec peut compter sur une solide organisation dans les comtés, ce qui augmente les chances de succès.
Quant aux promesses, il semble que celles-ci ne dérangent et n’impressionnent plus personne, sauf quelques groupes d’intérêt. Depuis le 23 août, il y a eu tellement de promesses de toutes sortes, allant du sandwich aux soins dentaires, en passant par des moyens de transport structurant et des bouts de routes et surtout d’autoroutes, que la population ne semble plus en faire de cas. Manifestement, nos leaders politiques ont abusé de ce truc et des finances publiques. Même les cadres financiers des partis se sont éloignés du rapport pré-électoral de la Vérificatrice générale du Québec. C’est dire…

Et alors ?...

À moins d’un événement dramatique ou totalement imprévu, il semble que les jeux soient presque faits dans cette élection. La CAQ va former le prochain gouvernement, majoritaire ou minoritaire à quelques sièges près. Le PLQ va former l’Opposition officielle avec 35 ou 40 députés. Il reste à voir si Philippe Couillard va remporter son comté de Roberval.

De son côté, le PQ sera la deuxième opposition avec autour d’une douzaine de députés. Là aussi, la réélection du chef Lisée dans Rosemont n’est pas encore assurée. Enfin, Québec Solidaire aura entre trois et cinq députés, dont peut-être une première députée à Québec dans le comté de Taschereau.
 
Enfin, au total, il y aura un aspect fort stimulant dans ce vote du 1er octobre prochain. Jamais autant de femmes n’ont été candidates, et il faut espérer que jamais autant de femmes ne seront députées à l’Assemblée nationale.


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vendredi 7 septembre 2018

CAMPAGNE ÉLECTORALE : ENCORE, ENCORE ET ENCORE… *

Depuis plusieurs jours, la campagne électorale bat son plein au Québec. La surenchère des promesses et des engagements est bien amorcée. Les candidatures dites vedettes ont presque toutes été annoncées, non sans quelques difficultés ici et là. Les chefs se promènent en autobus nolisé et patrouillent le Québec, surtout là où ils escomptent faire des percées. Bref, le rituel habituel est en marche.

Lorsque comme nous, on a plusieurs décennies d’observation de la politique derrière la cravate, un certain sentiment de résignation nous envahit. « Pas encore cela », nous disons-nous, « c’est toujours la même chose » … Bien sûr, les bouilles des chefs et des candidats changent. Des vieux s’en vont. Des jeunes arrivent. Chose heureuse, les femmes sont maintenant nombreuses à entrer dans la joute politique. Mais finalement, c’est toujours la même chose.

Comment se fait-il que cette campagne de 2018 ne soit pas si différente, disons, de la dernière campagne de Maurice Duplessis en 1956 ? Mis à part les technologies de l’information et les inutiles nouvelles en continu, on dirait que rien n’a changé. On accroche des pancartes aux poteaux électriques ou aux lampadaires, on fait du pointage pour savoir si vous penchez un peu par ci ou un peu par là, on nous lance des sondages dans les médias et les sondages, le ridicule ne tuant plus personne, deviennent de la nouvelle. Les candidats font du porte à porte, toujours escortés par un assistant. Les débats des chefs se préparent, tout comme ceux des candidats dans certains comtés.
En somme, on refait l’exercice d’élire des députés et de choisir un gouvernement toujours de la même façon, campagne après campagne. Si vous percevez un peu de nouveauté dans la présente campagne, nous vous saurons gré de nous en informer. En effet, campagne après campagne, c’est comme si on avait remisé l’imagination au vestiaire.

FAIRE AUTREMENT ?            
Serait-il possible de désigner nos députés autrement ? Est-il même pensable de vouloir réformer les scrutins ? C’est probablement impossible sans sans remettre en cause notre système et nos modes démocratiques. Déjà, et depuis un bon moment, des partis politiques réclament le scrutin proportionnel pour que notre parlement reflète mieux la composition diverse de la population. Mais ceux ou celles qui réclament ce type de scrutin ne répondent jamais à la question de la stabilité et de l’efficacité d’un parlement et d’un gouvernement durant un mandat.

On a vu, lorsque le Parti québécois a fait entrer sept députés à l’Assemblée nationale en avril 1970 à quel point une petite poignée de députés peut paralyser le processus législatif. On a revu ce phénomène plus récemment avec Mario Dumont et un peu plus tard, l’arrivée de Québec solidaire. Cela dit, la représentativité en politique est un exercice délicat et périlleux. Le fait pour chaque citoyen et chaque citoyenne de voter pour envoyer un député le ou la représenter au parlement est la base même de la démocratie ; altérer la portée de ce geste aurait de sérieuses conséquences, pas toutes positives. Ainsi, envoyer au Parlement des députés qui n’ont pas été directement élus constituerait un geste nocif, au plan démocratique.
Par ailleurs, d’autres ont avancé l’idée d’inclure des corps intermédiaires au sein de nos représentants élus. Ces corps intermédiaires seraient les syndicats réunis en centrales, les chambres de commerce, les mouvements sociaux, etc. Les proposeurs de cette idée se sont appuyés sur le fait que dans la majorité des mouvements et des organisations, les dirigeants sont élus, ce qui justifierait qu’on reconnaisse le caractère « démocratique » de leur présence parmi les députés qui n’ont, selon ces proposeurs, qu’une représentation « géographique » de la population.

Cette idée est, au mieux, farfelue. Ne serait-ce pas là permettre à des lobbys de faire leurs représentations directement sur le parquet de l’Assemblée nationale ou de la Chambre des Communes ? Déjà on déplore la multiplication invraisemblable des lobbyistes autour des gouvernements et des députés. Nos deux niveaux de gouvernements ont même créé le poste de Commissaire au lobbyisme pour tenter de réguler cette activité intense de représentation d’intérêts particuliers. Les loups sont déjà à la porte de la bergerie. Inutile de leur ouvrir toute grande cette porte.
Puis, parmi d’autres voies de changement, certains proposent que les députés soient élus à la majorité absolue, même si cela pourrait entrainer un deuxième tour avec les coûts conséquents, la légitimité du député ainsi élu serait renforcée et incontestable.

En définitive, peut-être serait-il possible de faire autrement nos élections notamment en introduisant avec prudence les technologies de l'information, mais l’enjeu est trop important pour qu’on « s’amuse » avec cela. La représentativité en politique est un exercice délicat et périlleux. Le fait pour chaque citoyen et chaque citoyenne de voter pour envoyer un député nous représenter au parlement est la base même de la démocratie ; altérer la portée de ce geste est affaire sérieuse.
Dans chaque vote exprimé, même si l’électeur n’y pense pas, il y a l’intérêt supérieur de la collectivité, le bien commun de toute la population. De plus, et on a tendance à l’oublier, aucun député élu n’a de patron, si ce n’est la population de son comté. Son mandat, il le tient de ses électeurs et aucune autorité ne peut le démettre.

La campagne électorale actuelle est peut-être ennuyante et répétitive, mais pour paraphraser Winston Churchill, elle est aussi le moins mauvais moyen pour offrir à la population un gouvernement représentatif.
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Photo : Le Devoir

* Un grand merci à mes collègues de Québec, Denys Larose, Normand Chatigny et Jean-Noël Tremblay, pour leur suggestions pour améliorer ce texte.