samedi 25 mars 2017

MARA M.: UNE LECTURE POUR DES GARS !


Je ne m'en cache pas : l'auteure du roman Mara M., Élyse-Andrée Héroux, est ma fille. Cette semaine, elle a publié avec ce livre un second roman dont j'ai terminé la lecture hier soir. Mara M., c'est l'histoire d'une et de plusieurs mères monoparentales qui, devenues enceintes, ont décidé de garder leur bébé et de l'élever seules, peu importe les énormes défis personnels posés par cette décision.

Le livre raconte une histoire qui s'étend sur vingt ans. J'y ai reconnu des éléments de l'histoire de ma fille, qui est la mère monoparentale de mon seul petit-fils adoré, son fiston, aujourd'hui âgé de vingt-deux ans. Mais j'ai aussi lu dans ce roman les histoires d'autres femmes qui, regroupées sous l'expérience de Mara et de ses amies monoparentales, nous font comprendre cet état de vie devenu fréquent depuis quelques décennies dans nos sociétés.

Dans ce livre, il y a la vie, le désespoir, le courage, l'entraide, la dépression, le fou rire, la recherche de soi par des femmes que le sort a fait sortir de leur groupe naturel en raison de leur grossesse et de l'arrivée du bébé. Il y a ténèbres et lumière. Il y a du quotidien assumé en tout ou en partie, il y a des rêves et de l'espérance. Il y a enfin du réalisme sur la vie de chaque jour de ces jeunes, trop jeunes mères monoparentales.

Dans le roman, Mara a eu son bébé à dix-huit ans. Disons que pour elle, le party est plutôt limité quand il faut que tu fasses boire ton bébé à deux heures du matin et que t'as personne pour t'aider. Dans ce livre plein de surprises, il y a aussi de la joie et de l'humour. Car la vie n'est pas que peine et misère sans quoi les défis ne seraient pas relevés.

En refermant ce livre hier, bien des réflexions me sont passées par la tête. D'abord, il y a une fierté bien légitime d'assister à la reconnaissance du talent de son enfant. Pour ma fille Élyse-Andrée, c'est un deuxième roman qui est publié ainsi, après Les bonheurs caducs au printemps 2015. Ce ne sont pas tous les apprentis auteurs qui vont jusqu'à une seconde publication de leurs œuvres au Québec.

En lisant son roman, j'ai mieux compris les difficultés psychologiques, affectives et matérielles de la monoparentalité, même si au travers de la vie de notre fille, mon épouse et moi en avions saisi de bons bouts. Tout en soutenant autant que possible notre fille dans son quotidien, nous n'étions pas dans sa peau, pas dans sa tête. Ce livre lève le voile sur cela sans prêchi-prêcha, sans jugements, et c'est un de ses nombreux grands mérites. Il ne veut pas donner de leçons: il raconte une histoire. En plus, il est superbement écrit, ce qui ne gâte évidemment rien.

Un livre pour les gars

Enfin, je me suis posé la question : pour qui, ce livre ? En entrevue, ma fille répondait cette semaine à cette question en disant que c'était pour les femmes, les femmes monoparentales surtout, et elle a raison, et elle ajoutait « aussi pour les hommes ». Moi, je pense que c'est peut-être un livre surtout pour les gars. Parce que les femmes monoparentales, elles n'ont pas été mises enceintes par l'opération du Saint-Esprit.

Sans vouloir le dire ou le faire, le livre met en relief l'absence de ces gars partis après la baise ou la naissance du bébé, abandonnant leur rejeton et la mère qui tente d'amener son bébé dans la vie sans trop de dommages. Peu importent les motifs, la monoparentalité est également l'histoire de l'abandon. Sur quatre gars dans cette situation, nous disent les statistiques, trois sont pratiquement disparus de la vie de leur femme.

Pour cela, ce livre concerne aussi les gars. Il est aussi l'histoire de paternités non assumées, de responsabilités évitées, de fuites ou de manques de courage. C'est probablement l'aspect qui m'a le plus obsédé, en tant qu'homme, tout au long de ma lecture.

Je recommande bien sûr ce roman: il éclaire, il fait réfléchir, il aide à comprendre, il suscite l'empathie et il fait souvent rire.

Je souhaite que, en plus des femmes, beaucoup d'hommes et de jeunes hommes - beaucoup de gars prennent le temps de lire ce bouquin. Il me semble qu'il mérite leur attention et surtout, leur réflexion.

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Pour plus d'information sur le roman:

http://www.editions-homme.com/mara-m/elyse-andree-heroux/livre/9782761947978

lundi 13 mars 2017

LA 'SACRURE' DANS NOTRE PARLURE...

Si vous n'avez pas entendu les excès langagiers de Rambo Gauthier, vous faites partie des ermites de notre société. Rambo Gauthier est ce syndicaliste robuste de la Côte Nord qui veut se lancer en politique au nom du peuple et qui n'hésite pas à sacrer souvent pour pimenter ses propos. Pourquoi sacre-t-il ainsi ? On ne le sait pas. Mais M. Gauthier n'est pas le seul.

Dans la vie de tous les jours, on entend sacrer souvent au Québec, trop souvent. De plus, ce ne sont pas seulement les adultes qui sacrent ainsi : des jeunes, des ados, gars et filles, sacrent à tout vent sans réaliser la vulgarité de cette habitude. 

Des 'veudettes' de notre télé n'hésitent pas non plus à recourir au langage sacré pour, semble-t-il, chercher à donner de la force et du poids à leurs propos. Ce faisant, ils ou elles oublient le pouvoir d'influence de ce médium. Nos humoristes, à de trop rares exceptions près, sacrent allégrement sur scène, quand ce n'est pas au petit écran. Pourquoi tout ce monde sacre-t-il, alors qu'au Québec, on a tout fait pour se débarrasser de la tutelle sociale de l'Église catholique ?

Il est bien difficile d'attribuer une seule cause à cet état de fait. Avant les années 1960, on sacrait à ses risques et périls. Les mères ne le toléraient pas et plus d'un Québécois d'un certain âge peut se rappeler une punition ou une tape derrière la tête pour avoir échappé un "gros mot", comme on disait. Les curés ne le toléraient pas non plus et sacrer en public était, pour ainsi dire, un péché de comportement. Mais voilà. Avec l'effondrement de la pratique religieuse, le péché est, lui aussi, disparu. Alors, pour démontrer qu'on est libre, on sacre tant et plus.

Il y a autre chose. Sacrer dénote un manque évident d'imagination et de vocabulaire. Cela illustre aussi un refus de raffiner et de nettoyer un tant soit peu son langage de tous les jours. Au Québec, la Révolution tranquille a eu d'immenses effets bénéfiques pour la société. Parmi les effets moins bénéfiques, la Révolution tranquille a aussi mis de l'avant un fort rejet des 'élites'. Personne n'a jamais précisé exactement qui étaient ces élites. Les riches ? Les cultivés ? Les curés ? Ce n'est pas clair. Mais ce mépris des élites a entraîné dans son sillage un refus de s'élever, de peaufiner son langage, d'en éliminer l'incitation au mieux, au plus élevé. Cela explique peut-être - en partie la 'sacrure' des vedettes et des gens qui, en principe, devraient savoir mieux parce qu'ils ont reçu de l'enseignement supérieur. Mais cette explication boîte pas mal.

En bout de ligne, c'est probablement la famille qui est à l'origine de ce détestable, commun et vulgaire comportement. Si, dans une famille, on ne sacre pas et on ne tolère pas les sacres et les jurons, il y a de fortes probabilités que les enfants, en vieillissant, tout en étant confrontés à la pression de leurs pairs au secondaire ou au cégep, ne prennent pas l'habitude de sacrer à propos de tout et de rien. 

Mais comment reprocher à un Québécois de sacrer quand, depuis sa petite enfance, il entend ses parents sacrer en permanence dans la maison ? Hélas, près de la moitié des familles chez nous éclatent ou se reconstituent tant bien que mal. L'éducation des enfants dans la bulle familiale peut en souffrir, c’est évident.

Jurer et sacrer n'est pas une affliction unique au Québec. Dans d'autres sociétés on sacre et on jure également. Ce qui nous distingue, toutefois, c'est le recours au vocabulaire religieux (hostie, tabernacle, ciboire, calice, etc.). On invoque, très en vain, le nom du Seigneur (Christ). On est devenu incapable de se trouver des expressions moins vulgaires pour exprimer ses émotions ou renforcer ses affirmations.

Nos parents, quand ils étaient très choqués, pouvaient échapper un "bâtard !" (jugé quand même vulgaire), un "Jérusalem !", un "cibolle", un "tabarnouche !" ou un "viande à chien !"... D'autres expressions colorées étaient utilisées, mais dans ces générations, en général, on ne sacrait pas comme aujourd'hui. 

Comme Québécois, nous avons là un défi à relever. Moins de 'sacrure' fera peut-être que notre 'parlure' sera plus acceptable et mieux acceptée…


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Avec l'aimable collaboration de mes vieux complices de Québec Normand Chatigny, Denys Larose et Jean-Noël Tremblay.

Image : Les Affaires