jeudi 10 avril 2014

« MANE, THECEL, PHARES »

« MANE, THECEL, PHARES »[1]

Dans le Livre biblique de Daniel, le dernier roi de Babylone, Balthazar, assiégé par Cyrus dans sa capitale, se livre à une orgie avec ses courtisans ; dans une forfanterie d'impiété, il fait servir sur les tables les vases sacrés que Nabuchodonosor avait autrefois enlevés au Temple de Jérusalem. Cette profanation à peine commise, le monarque voit avec épouvante une main qui trace sur la muraille, en traits de flamme, ces mots mystérieux : « Mane, Thecel, Phares », soit « compté, pesé, divisé » que le prophète Daniel, consulté, interprète ainsi : « Tes jours sont comptés ; tu as été trouvé trop léger dans la balance ; ton royaume sera partagé ». Dans la même nuit, en effet, la ville est prise. Balthazar est mis à mort et la Babylonie partagée entre les Perses et les Mèdes. 
Je ne veux pas écrire ici, avec le confort et la vue a posteriori parfaite  des entraîneurs sportifs du lundi matin, que la défaite amère du Parti québécois à l'élection du 7 avril 2014, était écrite sur les murs du Parlement de Québec.
Mais cette défaite, analysée avec des perspectives historiques, sociologiques et démographiques, n'aurait pas dû nous surprendre et nous étonner autant. Ce gouvernement fut médiocre et il a mené une campagne purement tactique, sans dessein stratégique clair.


Au plan historique
Le Parti québécois se dirige, depuis près de vingt ans, vers un cul-de-sac électoral. Andrew Coyne, ce commentateur politique que les nationalistes québécois aiment détester en se levant le matin, a écrit avec justesse : «In the eight elections from 1970 to 1998, the PQ averaged almost 43% of the vote. In the five elections since then they have averaged barely 30%.[2]» Il n'est pas le seul commentateur, loin de là, à avoir fait ce constat.
Le 7 avril dernier, le PQ a obtenu 25 % des voix exprimées. La tendance vers le bas se maintient pour le parti.

Au plan sociologique
Il y a plus grave. Les chiffres de l'élection du 7 avril montrent que les jeunes, les 18 - 34 ans, ont déserté le Parti Québécois. Les enjeux liés à la souveraineté politique du Québec ne les intéressent pas, ne les motivent pas. L'article Un du programme du Parti québécois les laisse de glace. Ces jeunes sont maintenant ailleurs. Mais le PQ demeure le parti politique favori des 55 - 64 ans, les baby-boomers
Ce n'est pas très prometteur pour l'avenir.
Par ailleurs, l'ex-ministre Jean-François Lisée en fait lui-même le constat, «Le fait majeur de l'élection est donc le déplacement du vote francophone, dans tout le territoire, du PQ vers le PLQ. Un signal extrêmement fort.[3] »

Le Parti québécois a donc perdu l'appui de la très forte majorité de Québécois francophones qui lui était fidèle jusqu'à maintenant. Le PLQ a ramené dans son giron des électeurs péquistes déçus ou désabusés. 

Je ne parle pas des avancées de la CAQ et de Québec solidaire (en termes de nombre de comtés), qui démontrent encore une fois la poursuite de l'implosion de la coalition du parti fondé par René Lévesque il y a plus de 40 ans.
Enfin, le Parti québécois a perdu son emprise sur le "450", c'est-à-dire sur les couronnes Nord et Sud de Montréal, qui se sont réparties entre la CAQ et le Parti libéral. 

Tout cela représente un changement social et politique majeur dans l'histoire de ce parti et du Québec.

Un gouvernement médiocre
Un autre facteur doit être considéré dans cette analyse postélectorale. Pendant son séjour au pouvoir, le gouvernement du Parti québécois, entre septembre 2012 et juin 2013, a accumulé erreur par-dessus erreur, gaffe par-dessus gaffe.
Le drame de Lac-Mégantic en juillet 2013 est venu en quelque sorte 'réchapper' le gouvernement de Madame Marois. L'empathie bien réelle de la première ministre dans ces circonstances éprouvantes et l'action énergique et, enfin, coordonnée de ses ministres et ministères, tout cela est venu rassurer les Québécois : ils avaient enfin un gouvernement sérieux à la barre du navire.
Au lieu de poursuivre sur cette lancée, voilà que ce même gouvernement organise une fuite médiatique sur son projet de charte, dépose plus tard ce dernier et entreprend une opération de wedge politics, de politique de division entre Québécois comme on n'en avait pas vue depuis la crise de la conscription en 1942.
Ce faisant, le Parti québécois s'aliénait non seulement les néo-Québécois et les Anglo-Québécois, mais aussi et surtout une bonne partie des Québécois francophones pure laine incapables d'accepter cette vision du Québec. 

De plus, il jetait aux poubelles de l'histoire plus de trente années d'efforts sincères de rapprochements avec les minorités sur son territoire, efforts entrepris par Gérald Godin et Jacques Couture à la fin des années 1970. Pire encore, le gouvernement péquiste, sur ce projet de charte, refusait tous les compromis honorables qui lui étaient proposés. Minoritaire, il a adopté la ligne dure d'un gouvernement majoritaire.
Au total, malgré quelques très bons projets de loi rassembleurs, le gouvernement du PQ n'a pas été un très bon gouvernement. Il ne méritait pas d'être réélu, et c'est ce que les Québécois semblent bien avoir décidé, le 7 avril dernier.

Une campagne tactique
Un dernier mot sur la campagne déclenchée le 5 mars dernier. Au moment d'écrire ces lignes, on ne sait pas encore très bien pourquoi Madame Marois a décidé d'aller en élection.
Sa seule explication, c'est qu'elle désirait avoir « tous les pouvoirs » pour faire adopter ses projets de loi et faire progresser le Québec. C'est vrai que l'opposition a bloqué quelques projets de loi, mais c'est tout aussi vrai qu'elle a voté en faveur d'autres projets de loi. L'opposition à l'Assemblée nationale n'a pas fait de blocage systématique envers les projets gouvernementaux. Bien sûr, l'opposition avait annoncé son intention de voter contre le budget Marceau tel que présenté. Mais il n'y a pas eu de vote. Madame Marois a plutôt choisi d'aller en élection.
Ce faisant, elle s'imposait un très lourd fardeau de la preuve: son gouvernement ne faisait face à aucune motion de non-confiance; son gouvernement n'avait pas été renversé en Chambre; de plus, en déclenchant les élections, elle violait sa propre loi sur les élections à date fixe, pensant profiter de sondages favorables. Sa loi devait prévenir précisément ce genre de comportement de la part d'un chef de gouvernement.

Sur ces fondations problématiques, la campagne du PQ a pris un difficile envol. Madame Marois a boudé les journalistes - comme Monsieur Harper, le jour du déclenchement de l'élection. 

Est arrivé ensuite Monsieur Péladeau, le poing en l'air pour "le pays". Le reste de la campagne fut dédié au rattrapage sans succès d'un plan de match électoral sans dessein stratégique clair. On connaît la fin de l'exercice.

Et la suite…
Nous sommes maintenant entrés dans la saison des examens de conscience chez les membres du Parti québécois. Ce qu'on entend jusqu'ici à ce propos, sauf rarissimes exceptions, n'est guère encourageant pour l'avenir de cette formation politique. 

C'est "more of the same"... Personne n'ose vraiment remettre en question l'article Un du programme, alors qu'il constitue de façon de plus en plus évidente le cœur du problème fondamental du PQ. Mais cet article est aussi le ciment qui tient ensemble ce qui reste de ce parti politique. L'avenir s'annonce difficile.
Le PQ va tenir une course à sa chefferie, mais en regard de sa place dans l'évolution politique du Québec et de son propre cheminement comme organisation, cette course risque d'être aussi anecdotique, ultimement, que celle qui a fait de Gabriel Loubier le chef de l'Union nationale en 1971, ou de Daniel Paillé le chef du Bloc québécois plus récemment.
Le prochain chef du PQ risque fort d'être le dernier leader significatif de cette formation politique. 
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Images: Le Devoir, Radio-Canada, Internet

vendredi 4 avril 2014

LA RÉGION DE QUÉBEC : UNE CHAMPIONNE !

Pendant que l'ensemble du Québec affiche un taux de chômage moyen de 7,8 % en février, à Québec, le marché de l'emploi connaît un début d'année fracassant. Le mois dernier, le taux de chômage dans la région qui couvre les villes de Québec et Lévis est à 4,1 %. 

Selon Statistique Canada, Québec est la région où le chômage est le plus bas au pays. Québec connaît le plein emploi. Cette réussite est le résultat de la vision des leaders de la région depuis les années 1980.
À l’époque, l’industrie manufacturière déclinait rapidement. Le gouvernement du Québec, après l’explosion de la fonction publique des années 1970 et 1980, faisait une pause dans l’embauche, et le secteur touristique avait atteint en bonne part son plafond de création d’emplois. Les leaders de la région de Québec, parmi lesquels figuraient les maires Jean Pelletier et Jean-Paul L’Allier, et les recteurs Jean-Guy Pâquet et Michel Gervais, ont convenu que l’avenir économique de la région, pour se diversifier, devait reposer sur les industries de haute technologie appliquant les résultats de la recherche universitaire dans tous les domaines. 
 
Concrètement, cette orientation a mené à la création du Parc technologique du Québec métropolitain, classé maintenant parmi les meilleurs au monde dans sa catégorie. L’action énergique de Jean-Guy Pâquet a entraîné la création à Québec de l’Institut national d’optique (INO), avec les retombées concrètes que sont des entreprises spécialisées comme Exfo ingéniérie et bien d'autres. Cela a aussi permis de créer des centres de recherches biomédicaux dont la réputation dépasse largement nos frontières.
Les années 1990 ont permis deux développements spectaculaires à Québec. D’abord, l’arrivée du monde numérique et les nouvelles technologies de l’information et des communications ont ouvert une porte fascinante sur le 21e siècle. Puis, Jean-Paul L’Allier, ignorant les moqueries dont il faisait l’objet, a entrepris de revitaliser le centre-ville de Québec, le quartier Saint-Roch.
Cela a permis d’en faire aujourd’hui un foyer de création unique de jeux vidéos et d’innovations de toutes sortes. Les entreprises qui y sont installées, dont Ubisoft, recherchent constamment des employés qualifiés. Depuis la fin des années 1980, la région de Québec est donc sortie de sa torpeur et a cessé d’être le « gros » village dont on aimait se moquer.
Tout cela n’est pas le fruit du hasard. De la vision, de la détermination, voilà ce qui a fait qu’en 2014, Québec – la région - est le lieu au Canada où le chômage est le plus bas. Depuis le tournant de l’an 2000, le taux de chômage de la région de Québec a TOUJOURS été le plus bas au Québec et TOUJOURS parmi les plus bas du Canada. C’est une réussite qu’il faut reconnaître en saluant les visionnaires qui l’ont rendue possible.
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mardi 1 avril 2014

MAIS POURQUOI SOMMES-NOUS EN ÉLECTIONS ?

On approche, enfin, de la fin de cette campagne électorale plutôt pénible. Alors que la majorité se prépare à aller voter, lundi, il m'est revenu la désagréable idée que je ne sais pas pourquoi nous sommes en élections, au Québec.

J'ai consulté les journaux et j'ai trouvé ceci, en date du 5 mars dernier, dans La Presse (ça aurait pu être n'importe quel autre journal: ils ont tous rapporté la même chose). Donc, j'ai trouvé : « Pauline Marois veut que les Québécois lui «donnent les moyens d'agir». Devant le refus prévisible des partis d'opposition d'appuyer le récent budget, elle a déclenché des élections générales pour le 7 avril prochain.»

C'est donc devant le refus 'prévisible' des partis d'opposition du budget de M,. Marceau. Mais il n'y a eu, au Parlement, aucune discussion sur ce fameux budget. L'Opposition s'est opposée par principe dès le dépôt, mais si elle en avait eu le temps, peut-être aurait-elle pu trouver des moyens acceptables au gouvernement pour que ce budget soit adopté, même légèrement modifié. 

C'est donc cousu de fil blanc, comme prétexte, pour lancer le Québec en élection. Si le budget avait été effectivement rejeté par un vote au parlement, je comprendrais, mais on ne s'est même pas rendu là.

Pourquoi sommes-nous en élection ?

Le gouvernement Marois a fait adopter une loi sur les élections à date fixe, précisément pour éviter que le premier ministre décide seul de la date des élections par pur intérêt ou calcul électoraliste. Mais Madame Marois a fait précisément cela : elle a provoqué des élections sans que rien ne justifie objectivement qu'elle le fasse. Son gouvernement n'a pas été renversé en Chambre, l'opposition a permis l'adoption d'un certain nombre de lois, mais pas de toutes, comme il sied en démocratie. Elle avait les moyens de continuer à agir encore pour un bon moment.

Alors, pourquoi somme-nous en élections ? Au fond, il n'y a aucune raison valable pour que nous soyons, depuis le 5 mars, plongé dans cette frénésie électorale peu ragoûtante. C'est de la politique très politicienne, la pire qui soit.

Voilà qui n'aide pas à dissiper le cynisme de la population envers nos élus et nos institutions.


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