dimanche 10 décembre 2017

Charles Caron, prêtre (1933-2017)

Hier avaient lieu à l'église Notre-Dame-des-Neiges à Montréal les funérailles de l'abbé Charles Caron, décédé plus tôt ce mois-ci à l'âge de 84 ans. J'en parle parce qu'en 1963-1964, il fût mon professeur de philosophie au Collège Saint-Paul, établissement qui est devenu aujourd'hui le Cégep Bois-de-Boulogne.

J'avais fait antérieurement la connaissance de l'abbé Caron au camp de vacances Les Grèves, à Contrecœur. Dans le contexte du collège et de l'époque, cependant, la mode n'était pas au tutoiement de nos professeurs. En outre, l'attitude réservée de l'abbé Caron éloignait promptement toute tentation de familiarité déplacée avec ce grand ecclésiastique maigre comme un clou. 

Ce prêtre consciencieux était un bon professeur. À notre endroit, il était exigeant, strict même. Mais nous savions instinctivement qu'il devait être tout aussi exigeant avec lui-même.

Avec mes confrères de classe en Philo un, l'abbé Caron m'a initié à la philosophie. Il était un aristotélicien et son enseignement n'était pas vraiment religieux. Il aimait pratiquer l'art de la question, du genre de question qui vous pousse à raisonner le mieux possible. Car le mérite d'étudier la philosophie, c'est qu'elle nous aide à penser, à réfléchir aux grandes questions de l'humanité qui sont aussi les questions de chacun.

Qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous ? Évidemment, on ne passe pas ses journées à angoisser sur ces sujets. Mais périodiquement dans notre existence, ces question, ces interrogations refont surface. Nous n'avons pas et nous n'aurons jamais de réponses parfaites et complètes à ces questions existentielles. 

Mais si chacun de nous a pu ou a su s'ouvrir l'esprit et la raison, c'est grâce à des professeurs comme l'abbé Charles Caron. L'avis de décès note que l'abbé Caron fût professeur de philosophie pendant plusieurs années au Collège André-Grasset. Dommage qu'il n'ait pas précisé qu'il avait aussi enseigné la philosophie au Collège Saint-Paul.

Cher Charles Caron, merci, et reposez en paix.
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samedi 25 novembre 2017

NOS EXTRÉMISMES QUÉBÉCOIS

Nous vivons, au Québec, une étrange époque. D'abord, nous sommes revenus à l'ère du parti unique, ou presque. Les libéraux québécois, sauf pour le bref interlude péquiste de 2012-2014, sont au pouvoir depuis bientôt 15 ans. Il faut, dans le temps, remonter jusqu'à Maurice Duplessis, premier ministre de 1944 à 1959 et décédé au pouvoir, pour trouver une longévité politique aussi prononcée.

Jusque là, rien pour écrire à sa maman au village, comme on dit. Ce qui surprend, cependant, c'est que l'élection du 1er octobre 2018 n'est pas jouée d'avance. En effet et  nonobstant les sondages qui favorisent les troupes de François Legault, il est pensable que le PLQ réussisse à conserver le pouvoir, même de façon minoritaire, dans une dizaine de mois. Cela, c'est plus qu'étrange. C'est un peu ahurissant.

Sans vouloir faire de lien solide entre les deux phénomènes, il faut aussi constater que l'excitation et la passion pour la politique en général et la politique québécoise en particulier ne sont plus très à la mode, ne sont plus au rendez-vous pour une bonne partie de la population. Oh, elle ira voter le 1er octobre prochain, dans une proportion entre 60 et 75%. Mais l'enthousiasme semble disparu de l'ambiance générale et cela, quel que soit le parti dont on parle. On note aussi que les centrales syndicales ne se précipitent plus pour appuyer implicitement ou non un parti politique. Ça contribue au défaut d'enthousiasme général. C'est comme si la politique était devenue plus ennuyante qu'autre chose. Voilà qui est inquiétant.

Les extrémismes d'ici

Pendant que la majorité des citoyens semble se désintéresser du jeu politique qu'il soit fédéral (allô les selfies) ou provincial, des extrémistes s'expriment, manifestent, agissent, s'affrontent et tentent de faire un maximum de bruit.  À droite, il y a La Meute, qui croit que le Québec est menacé par l'islamisme. Toutes les occasions lui sont bonnes pour faire aller son clapet « contre l'Islam radical ». Elle prétend avoir 25 000 membres, si on se fie à un reportage de TVA. 

De l'autre côté du spectre politique, depuis quelques années des groupes anarchistes ont vu le jour et passent même aux actes. Des restaurants ou des boutiques situées dans des quartiers populaires sont vandalisés : vitrines fracassées, peinture répandue sur le sol, les murs et le mobilier, voitures incendiées, attaques diverses, cette extrême-gauche lutte contre l'embourgeoisement de toutes les façons possibles. Elle a même pignon sur rue qui, jusqu'ici, n'a pas été vandalisé. Jusqu'ici.

Pendant des décennies, après la fin des violences du Front de Libération du Québec (FLQ) des les années '60 et au début des années '70, des groupes extrémistes comme La Meute ou les anarchistes, s'ils existaient, ne faisaient pas grand bruit. L'action au Québec, ça se passait vraiment dans les grands partis, le PLQ et le PQ. Quand on voulait s'engager dans l'action politique, c'est dans ces partis que ça se faisait. Il y avait aussi des partis de gauche plus marginaux, plus ou moins inspirés du marxisme ou d'un socialisme plus ou moins radical, mais ces partis n'attiraient pas de vote populaire digne de mention.

Puis, Québec solidaire fît son apparition à la fin des années 1990. Ce parti de gauche commença à gruger des membres et des militants dans la coalition qu'avait toujours été le Parti québécois, et il fît élire une couple de députés. Par après, en 2010, le PQ se fragmenta davantage sur un projet de loi interdisant les poursuite judiciaires dans le dossier de l'amphithéâtre du maire Labeaume à Québec. Des députés éminents quittèrent le PQ qui a vu par la suite un parti plus nationaliste ou sécessionniste que lui, Option nationale, lui enlever quelques milliers de membres supplémentaires.

Comme me l'a dit un péquiste découragé, lors de l'élection de 2012, si on avait additionné les votes de Québec solidaire et d'Option nationale à ceux du Parti québécois, ce dernier aurait formé un gouvernement majoritaire. Mais Pauline Marois fût élue minoritaire, et on connaît la suite.

La descente lente mais régulière du Parti québécois et son destin prévisible peu enviable le 1er octobre prochain font probablement partie des causes de l'espèce de spleen politique que vivent beaucoup de Québécois ces années-ci. Le PQ a tellement porté les espoirs de quelques générations de nos concitoyens depuis 1968 qu'il ne faut pas se surprendre que sa situation de déclin déprime beaucoup de monde chez nous. Cet effondrement explique peut-être aussi en partie l'émergence de groupes plus extrêmes, lassés de la « vieille » politique et désireux de brasser vigoureusement et davantage la cabane sociale et politique du Québec.

Nous vivons, au Québec, une époque étrange, écrivais-je en début de ce texte.   Mais notre époque est aussi plutôt inquiétante. Sérieusement.

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vendredi 20 octobre 2017

CONGESTION, QUAND TU NOUS TIENS…

Les débats autour de la congestion routière urbaine et sur les solutions à cette congestion sont interminables, et généralement infructueux. En bout de piste, les gouvernements optent pour l'aménagement de pistes cyclables protégées, des dos d'âne, de plus de transports en communs et de l'élargissement des routes et autoroutes pour favoriser la « fluidité » de la circulation des automobiles et des camions dans les villes. Ce qui, sur papier, devait fonctionner ne fonctionne à peu près jamais.

Malgré les milliards investis, la congestion perdure et s'aggrave dans la plupart des villes, moyenne et grandes. Quand la ville de Québec vit d'énormes problèmes de congestion, c'est que quelque chose ne va pas.

UNE LUTTE PERDUE D'AVANCE

Ce qui se passe, pourtant, est assez simple. Pendant que les gouvernements palabrent et investissent, réparent et élargissent les routes, les gens achètent en nombres de plus en plus élevés des véhicules personnels. Par exemple, comme le rapportait La Presse du 12 avril 2013, «De 2006 à 2011, la population de la région métropolitaine a connu une croissance de 5,7 %. Or, durant la même période, la Société de l'assurance automobile du Québec a enregistré une hausse de 10,9 % du nombre de véhicules.»

Le Journal de Montréal, le 12 octobre 2017, nous apprend que «de 2009 à 2014, le nombre de véhicules a progressé de 4 202 447 à 4 543 644, selon les données de la SAAQ.» C'est près de 350 000 véhicules de plus en 5 ans. La Ville de Québec a, quant à elle, connu un accroissement de 20% de son parc automobile en dix ans. Bref, les gouvernements et les administrations municipales perdent à l'avance leur lutte contre la congestion routière parce que rien ne règlemente l'augmentation incessante du nombre de véhicules sur les rues, avenues, routes et autoroutes dans nos villes. L'équation ne tient pas la route, sans jeu de mots, et les gouvernements, qui ne fonctionnent qu'à nos frais, échouent à éliminer cette congestion de plus en plus insupportable et coûteuse.

Il faut ajouter à cela un autre facteur aggravant. D'ici 15 à 20 ans, les villes du monde compteront deux milliards d'habitants de plus qu'aujourd'hui. Beaux embouteillages en perspective.

QUOI FAIRE ?
S'il y avait une ou des solutions magiques, on les aurait appliquées depuis longtemps. Des solutions magiques, il n'y en a pas. À côté de tout ce qui a été et est encore essayé aujourd'hui, il y a une proposition qui n'a jamais été mise de l'avant. Cette proposition, c'est d'enrayer l'augmentation du parc automobile dans les milieux urbains chez nous. Il faut mettre un plafond au nombre de véhicules qui circulent dans les villes. Comment ? Laissez-moi vous proposer des solutions simples et sévères, qu'aucun gouvernement n'osera jamais oser appliquer.

D'abord, il est essentiel que toutes les villes de plus d’un demi-million d’habitants instaurent des péages coûteux et dissuasifs sur toutes les routes, autoroutes, ponts ou tunnels qui leur donnent accès. Comme ça, les gens y penseront avant de s'acheter un bungalow, par exemple, à Mirabel pour venir travailler à Ville Saint-Laurent sur l'île de Montréal, contribuant ainsi à la congestion.

Deuxièmement, le gouvernement doit légiférer pour qu'aucune adresse résidentielle ne puisse dorénavant compter plus d'une voiture immatriculée. Pendant la période de transition de deux ans allouée pour que les citoyens s'adaptent à cette nouvelle réalité en se défaisant de leur seconde ou même troisième voiture, de lourdes taxes doivent être imposées sur ces seconds et troisièmes véhicules.

Troisièmement, le prix de l'essence doit rapidement être multiplié par dix. Un litre d'essence devrait coûter entre dix et quinze dollars au Québec. Bien sûr, les banlieues dortoirs les plus éloignées seront désertées. Est-ce une perte ? Non.

Il y a d'autres mesures que les gouvernements du monde devraient adopter, malgré les protestations à prévoir des milieux d'affaires. Par exemple, les nouveaux modèles annuels de voitures ou de camions ne devraient plus exister. Les manufacturiers ne pourraient apporter de changements à leurs modèles qu'à tous les trois ans. Cela signifierait que tout modèle demeurerait 'neuf' et en vente pendant trois ans.
Pour que la mesure soit équitable pour tous les manufacturiers, les gouvernements devraient ensemble l'année où commencerait ce cycle triennal. Les suppléments hebdomadaires sur l'auto dans les grands médias devraient aussi cesser d'être publiés. De plus, personne ne pourrait acheter une auto ou un camion sans une mise de fond (un comptant) équivalent à 15% de la valeur du véhicule.

Enfin, pour frapper davantage l'imagination collective, il faudrait mettre fin aux courses des automobiles mues à l'essence, notamment la F1, et ne permettre que les courses de véhicules électriques.

Je sais, je sais, tout cela est politiquement suicidaire et personne, je me répète, n'osera proposer ces mesures draconiennes. Hé, je nuirais à l'économie, à l'industrie de l'auto qui, tout en nous empoisonnant l'existence, fait rouler les affaires. Pas de F1 priverait les villes des inestimables « retombées économiques » de ces événements, inestimables parce que personne n'en fait jamais le bilan après les événements. Bref, je suis dans le champ.

Mais moi, je peux rêver… C'est encore permis. Et puis, avez-vous de meilleures idées pour contrer cette congestion devenue permanente dans les villes ? Je suis ouvert à toutes les suggestions…

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mardi 3 octobre 2017

ILS REGARDENT, MAIS ILS NE VOIENT PAS

Ce que j'ai lu dans les médias sur l'élection complémentaire de Louis-Hébert (Presse, Soleil, Devoir, Journal de Montréal) est aberrant. Tous Les chroniqueurs regardent, mais ne voient rien.

Pour ce qui est de la candidate libérale, je crois que son nom à consonnance arabe ne l'a pas aidée dans ce bastion pas mal « pure laine » qu'est Louis-Hébert. Je suis sûr que cela a joué contre elle, même si ce n'est pas « bien » de l'écrire. Les opineux et commentateux ne l'ont donc pas dit ou écrit. Je crois aussi que cette dame n'avait aucune notoriété dans le comté, même après avoir servi Sam Hamad dans le comté depuis des années.

Ce qui m'a renversé dans les commentaires, cependant, c'est la « claque » que Louis-Hébert aurait infligée à Philippe Couillard.
 
Toute une claque en effet : après 15 ans de règne libéral, sa candidate totalement inconnue du public et repêchée in extremis finit quand même deuxième dans la course, loin derrière l'élue de la CAQ qui a la majorité absolue des voix exprimées, 51%. Un doux soufflet, pas vraiment une claque...
 
LA VRAIE CLAQUE
 
La vrai claque, c'est le PQ qui l'a reçue lundi. Son candidat est arrivé troisième, derrière la candidate libérale inconnue. À 16% des voix, le candidat péquiste n'est même plus un facteur significatif dans la course. Et la deuxième vraie claque, c'est Québec Solidaire qui, à 5 ou 6% des voix, ne vaut même plus la peine qu'on s'y attarde.

Cette élection complémentaire n'est pas nécessairement annonciatrice de ce qui va se passer dans un an. Mais elle vient confirmer ENCORE UNE FOIS des tendances lourdes dans l'électorat.

Le PLQ est increvable, même après 15 ans de pouvoir presque ininterrompu. Il est évidemment mûr pour un séjour assez prolongé dans l'Opposition et peut-être un nouveau chef doté d'une réelle empathie. Mais ce parti ne disparaîtra pas.
 
Pendant que les péquistes étaient à Barcelone en fin de semaine, les caquistes, eux, travaillaient, comme toujours. La CAQ est un parti studieux, appliqué, travaillant et prévisible.
 
La CAQ, si elle ne forme pas le gouvernement, sera l'Opposition officielle après le 1er octobre 2018. Le PQ se dirigera vers les poubelles de l'histoire. Quant à QS, sa marginalité a une permanence garantie.

C'est pourtant écrit dans le ciel depuis un bon moment... Nos analystes regardent tout cela, mais il ne voient pas.
 
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vendredi 15 septembre 2017

LA COMPLAINTE DU TOURISTE PERDU

Avant que l'impitoyable actualité ne chasse l'ouragan Irma des écrans et donc de nos souvenir, il est peut-être bon de revenir sur l'étrange épisode auquel on a assisté.

Ne parlons pas ici de l'ouragan lui-même, mais des réactions qui n'ont pas manqué de voir le jour pratiquement en même temps que cette tempête.

Au Québec, on a assisté dans les médias et sur les réseaux sociaux à une recherche frénétique et immédiate des responsables, de ces coupables qui ont laissé ces pauvres touristes  abandonnés sur des îles des Caraïbes avant, pendant et après l'ouragan Irma. Les doigts se sont vite pointés : qui est responsable ? Les compagnies aériennes ? Les voyagistes ? Les gouvernements ? Qui ?

Avec la vision parfaite du gérant d'estrade après la partie, la ronde des « il aurait donc dû » a commencé. Il aurait fallu évacuer les touristes avant l'ouragan. Il aurait fallu leur porter secours pendant l'ouragan. Il aurait fallu les ramener au pays dès le lendemain du passage de l'ouragan. Le gouvernement s'est traîné les pieds. Hé que c'est facile après coup de régler le sort du monde…

Bien sûr, commentateurs et chroniqueurs n'ont pas beaucoup insisté sur les faits tels qu'ils étaient au moment de l'ouragan. Un avion, aussi gros soit il, ne peut atterrir sur un piste qui est sous trois pieds d'eau ou encombrée de débris de toutes sortes. Avec des installations aéroportuaires souvent élémentaires ou endommagées, envoyer des avions immédiatement dans la suite de l'ouragan n'aurait pas été très intelligent. L'évacuation par la mer est également déconseillée quand les vagues atteignent dix ou vingt mètres…

De plus, bien des touristes auraient refusé de quitter leur coin de paradis sous prétexte qu'une tempête approchait. Parce que voyez-vous, le « fake news » popularisé par Trump a des effets ici aussi. Contrairement à une opinion répandue, on n'est pas inoculé contre la bêtise au Québec. « Voyons donc, ça va être moins pire que ce que les médias racontent… Ils exagèrent toujours… »

Cette montée de lait un peu stupide ne va pas durer. On va vite passer à autre chose, heureusement. Il y a cependant un autre aspect de cet épisode qui devrait retenir l'attention. Les touristes qui sont allés passer du temps dans le sud en septembre l'ont fait volontairement. Personne ne les a forcés. Parmi ces touristes, combien ont pris la précaution de s'inscrire auprès de l'ambassade ou du consulat canadien le plus près, ou du ministère canadien des affaires étrangères avant de partir ? Il semble que bien peu d'entre eux l'aient fait.

Voilà qu'un ouragan survient… en pleine saison des ouragans. Quelle surprise ! « On ne pensait pas qu'il serait si fort »… Pourtant, quelques jours avant qu'Irma s'abatte sur les Antilles, les spécialistes prévenaient déjà qu'il s'agissait de la plus importante tempête à avoir surgi de l'Atlantique et ce, depuis qu'on mesure ces phénomènes météorologiques. 

On peut comprendre qu'un touriste en vacances ne veuille pas se distraire avec les nouvelles, surtout si ce touriste n'a pas déjà pris l'habitude de les écouter quand il est au pays. Mais voilà. Tu es en vacances dans le sud, là où l'eau est turquoise. On est en septembre, mois qui fait partie de la saison des ouragans depuis toujours, il faut le répéter.

Le touriste est allé dans ces paradis de plein gré. Il est le premier et seul responsable de son sort et le gouvernement n'a rien à y voir. Il y a tout de même des  limites à toujours demander à l’État, à la collectivité, d’assumer les conséquences de choix individuels librement consentis.

Note : Avec la collaboration de mes vieux complices de Québec: Normand Chatigny, Denys Larose et Jean-Noël Tremblay.

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mardi 22 août 2017

OÙ SONT DONC PASSÉS LES ÉTÉS D'ANTAN…


Quand les décennies s'ajoutent à son compteur personnel, quand le temps semble filer plus vite qu’auparavant, quand les chefs d’état et de gouvernement sont plus jeunes que soi, la réminiscence de ce qui fût est inévitable, sauf pour les malheureux qui ont perdu leur mémoire. C'est parce qu'on vit encore et qu'on a vécu que l'on se rappelle le chemin parcouru, et pas nécessairement pour vivre dans le passé ou dans la nostalgie. Le «vécu» est loin d'être toujours intéressant. À preuve ces ennuyeuses émissions de téléréalité, dont le nom même est un  mensonge, ou encore certains contenus de Facebook. . Dans mon cas, face aux saisons estivales de nos temps modernes, je me demande souvent où sont passés les étés d'antan. Je vous explique pourquoi.

* * *
Mon enfance s’est déroulée, pour l'essentiel, entre 1950 et 1960. Né en 1944, j'ai eu 6 ans en 1950. Mes souvenirs ne sont pas très précis pour toute cette décennie, mais je me rappelle surtout que l'été, c'était la fin des classes, la liberté de jouer dans la cour de la maison ou au parc tout près, et un certain silence, un certain calme. Après dix mois de discipline scolaire, de devoirs, de leçons, la fête de la Saint-Jean représentait la liberté estivale, le farniente, même si on ne connaissait pas ce mot. Bien sûr, il subsistait une certaine discipline à la maison, mais c'était davantage pour notre bien  et notre sécurité que pour nous opprimer.

J'ai passé cette enfance à Montréal-Nord, sur la rue Sainte-Gertrude. De temps à autre, un vieil autobus brinquebalant y passait. Il n'y avait pas beaucoup de circulation automobile. Au début, le laitier venait nous porter nos nombreuses pintes de lait dans sa voiture à cheval. Quand il faisait particulièrement chaud, il nous donnait des éclats tombés des gros cubes de glace qui gardaient au frais ses produits laitiers dans sa voiture. Un jour, il est arrivé avec un camion tout neuf. Fini la glace. Moi, j'ai été déçu de ne plus voir et même sentir son cheval, et de ne plus avoir de morceau de glace à sucer tranquillement à l'ombre. Dans ces années-là, voir passer un avion dans le ciel était un événement qui nous fascinait. Je me rappelle d'avions avec trois gouvernails : c'était des Super Constellations. On n'arrêtait pas le progrès.

Au Parc Léonard, niché entre le Boulevard Gouin et la Rivière des Prairies, on s'amusait pendant que les plus grands jouaient dans un coin du parc à la balle molle ou au baseball. On avait des balançoires, des carrés de sable pour les « bébés », comme on disait du haut de nos huit ou neuf ans… Une fois pas été, si je ne m'abuse, il y avait une tombola au Parc. Des jeux, des kiosques étaient érigés et une atmosphère festive, avec de la musique, des spectacles et des guirlandes de lumière nous remplissait les yeux d'émerveillement. Si on avait quelques sous, on se payait la traite : un petit sac de chips Maple Leaf et un coke en bouteille faisaient de notre journée un succès… La tombola durait, je ne sais plus, quelques jours ou même une semaine. Puis, le parc retrouvait son calme habituel. Mis à part les éclats de voix des enfants, le parc était plutôt silencieux.

Moi, j'étais un «liseux». J'aimais lire. Dès que j'ai eu neuf ou dix ans, on m'amena par tramway à une bibliothèque municipale au coin de Lajeunesse et Gouin. La bibliothèque était logée en haut d'un poste de pompier. Pour y accéder, il fallait grimper un long escalier en métal qui résonnait sans bon sens. J'empruntais trois livres et je revenais à la maison, toujours en tramway. Généralement, je lisais mes trois romans en une journée.
Le lendemain, je recommençais. J'ai dû faire cela un ou deux étés à Montréal-Nord. Puis, mes parents ont déménagé à Rosemont. J'avais quelques années de plus, et mon père m'avait acheté une bicyclette à un encan de la police. La bécane avait deux barres et devait peser trente livres, mais c'était ma bicyclette. Rapidement, l'été, j'ai poursuivi mon manège de lecteur vorace en me rendant à bicyclette à la bibliothèque municipale au coin de Bellechasse et de la 8e avenue. Le manège des trois livres lus en une journée se poursuivait. Mais je ne faisais pas cela sept jours par semaine.

J'allais aussi au parc où j'ai vu la Roulotte de Paul Buissonneau, et le comédien lui-même nous présenter des comédies. On jouait aussi à différentes sortes de jeux sur le gazon.  D'autres jours, je devenais explorateur de Montréal. Je partais en bicyclette sans but précis, pour connaître la ville. Ma mère s'inquiétait un peu et me disait d'être prudent. Souvent je revenais pour le repas du midi et je passais mon après-midi à lire en grignotant des carottes… L’été, c’était tranquille.

Aujourd’hui, pareil régime de calme et de tranquillité est impensable. L’été, maintenant, rime avec party. Les festivals de n’importe quoi se succèdent les uns aux autres. On ferme les rues. Les haut-parleurs sont omniprésents. On a des feux d’artifices pour avoir des feux d’artifices.
On s’invente des anniversaires pour fêter bruyamment encore plus, même si ces anniversaires sont plus ou moins bidons, comme le 375e de Montréal ou le 150e du Canada, pourtant découvert en 1534 par Jacques Cartier. J’ai entendu dire que le maire Coderre prépare activement les fêtes du 380e de Montréal… Disons que le 400e de la fondation de Québec en 2008, c’était un réel anniversaire.

Cette pléthore de fêtes n’est pas l’apanage de Montréal ou du Québec. C’est partout. Les entreprises créatrices d’événements – oui, oui, ça existe et on les subventionne grassement – se multiplient et font preuve d’une imagination sans limites pour distraire les citoyens du plus petit hameau à la plus grande ville.
Dites moi, est-ce que les gens s’ennuient tant que cela ? Je pense qu’en général, oui, les gens s’ennuient. Sinon, comment expliquer les foules qui se bousculent au moindre événement festif, au moindre festival de l’épingle à linge? Peut-être que c’est la platitude sidérante de la télévision en été qui explique un peu cela. Après tout, à quoi serviraient les étés si on n’en profitait pas pour s’envoyer en l’air. 


Ah… le monde  moderne. Bon, je vais aller faire une sieste.

 



 

 

lundi 24 juillet 2017

L'INDÉCENTE VALSE DES MILLIONS…

Par Normand Chatigny, Michel Héroux, Denys Larose et Jean-Noël Tremblay[1]

 
Il y a quelque temps, Connor McDavid, un jeune de 20 ans, a signé une prolongation de contrat de 8 ans et 106 millions US avec les Oilers d’Edmonton. Cette entente fait en sorte que McDavid touchera en moyenne 13,25 millions par saison. On ajoute que «McDavid vaut amplement cet investissement, tout comme il mérite d’être le joueur le mieux payé du circuit », ajoutait l'article qui nous apprenait cette «bonne» nouvelle. De son côté, Carey Price, le gardien vedette du Canadien a signé une prolongation de contrat qui lui rapportera en moyenne 10,5 millions par année pendant huit ans, pour un total de 84 millions.

Euh ?

Est-ce illusoire de trouver, dans ces deux nouvelles récentes, une autre illustration d'une certaine décadence de notre civilisation, d'une perte du sens des valeurs ? On ne sait pas combien gagne Kent Nagano avec l'Orchestre symphonique de Montréal, mais on est sûrement loin des millions de ces joueurs de hockey. On sait à peu près comment sont payés les recteurs et les professeurs d'université, nos premiers ministres et les députés élus, tout comme les enseignants du primaire et du secondaire à qui des centaines de milliers de parents confient leurs enfants la majeure partie du temps entre septembre et juin. On est loin des sommets vertigineux de rémunération de nos talentueux manipulateurs de rondelles sur la glace.
Bien sûr, il ne faut pas être naïf. C'est le capitalisme sauvage et la valse des millions qui mènent les sports professionnels. Mais de là à admirer ces joueurs et surtout à applaudir leur indécente rémunération, il y a une marge. Une grande marge. Il semble qu'on pourrait se garder une petite gêne, oser même remettre en question le niveau de ces salaires qui sont clairement hors du sens  commun et de toute raison.
Lorsque sont publiées les conditions de rémunération des dirigeants de grandes entreprises ou des banques, il y a toujours un escadron de protestataires qui dénoncer ces dirigeants qui « s'en mettent plein les poches ». Pourtant, ces dirigeants fondent et/ou dirigent des entreprises qui sont créatrices de richesses et d'emplois.
On a hurlé quand il fut appris que la présidente du Mouvement Desjardins voyait son salaire approcher les 4 millions $ par année. Mais Madame Leroux était ultimement responsable de la bonne marche et du progrès du Mouvement Desjardins auquel des millions de Québécois confient leurs épargnes et leurs économies en vue de leur retraite. Madame Leroux, tout comme son successeur, jouent un rôle objectivement et collectivement pas mal plus important que celui, tout talentueux soit-il, du gardien du Canadien. Il en va de même pour tous les autres dirigeants de banques, de sociétés de placements, d'entreprises, qu'elles soient grosses, moyennes ou petites.
Que dire aussi des médecins, des policiers, des infirmières, des préposés, des travailleurs de la construction ou des ouvriers d'usine ? Non seulement ces personnes assument une responsabilité personnelle, mais ils jouent des rôles essentiels dans la bonne marche quotidienne de la société. Non, ils ne gagnent pas 8 ou 10 millions par année.
Il n'est pas question ici de rabaisser le travail des joueurs de hockey, qui, appelons un chat un chat, ne sont que des amuseurs publics. Parmi eux, certains ont plus de talent que d'autres. On ne se scandalise pas que ces derniers soient davantage payés. Mais de là à les ensevelir sous les billets verts, il y a un pas qu'il ne faut pas franchir.
Des salaires annuels de 8 ou de 10 millions pour des joueurs de hockey, c'est tout simplement indécent, même si cela ne rejoint pas le sommet de la folie. La rémunération totale de la star du Real Madrid, Cristiano Ronaldo, a été de 87,5 millions d’euros cumulés en 2016-2017. James LeBron, au basketball, a gagné 73,2 millions de dollars US, alors que le boxeur Floyd Mayweather lui se «contentait» de 105 millions US. On pourrait faire une liste interminable de ces salaires démentiels.
Tout cela est une gifle monumentale pour tous et toutes, y compris pour leurs admirateurs les plus enthousiastes, même si ceux-ci ne s'en rendent pas compte. C'est une incongruité inacceptable et pourtant acceptée comme normale par l'ensemble des citoyens et citoyennes dans une société comme la nôtre.
En un mot comme en cent, c'est révoltant. À défaut de pouvoir faire réellement quelque chose à cet égard, laissez-nous au moins le droit de dénoncer ce scandale et de rappeler le sens des valeurs.




[1] Les auteurs sont des retraités habitant Québec et Montréal. Denys Larose et Jean-Noël Tremblay ont été directeurs généraux de collèges. Normand Chatigny fut maire de Cap rouge et Michel Héroux a œuvré en information et en communication.
 

mardi 18 avril 2017

LE SON. DE QUOI DEVENIR FOU.

L'homme a marché sur la lune. Il a inventé le grille-pain automatique et le pain tranché. Et plein d'autres choses que je ne veux pas énumérer ici. Il a aussi inventé la radio et la télévision. Puis, les cellulaires, Internet, Facebook, Instagram, etc., etc.…

Mais il n'a pas réussi à mettre au point un contrôle minimal du son à la source. Avez-vous regardé et écouté votre télévision, récemment ? Sans télécommande, c'est l'enfer. Non, non, pas pour changer de poste pendant les commerciaux ou pendant que votre blonde fait sa pause pipi. Non. Pas pour jeter un œil sur les autres chaînes non plus. La télécommande est devenue essentielle pour contrôler le son. Supposons que vous écoutez la télé de Radio-Canada, ou de TVA, ou de V, ou de Télé-Québec, ou, ou, ou… Il y a plein de chaînes. Elles souffrent toutes du même mal : un son en dents de scie et en permanence.

Prenez Radio-Canada et son téléjournal local de Montréal À 18 heures. Ce n'est pas de sa faute, mais Patrice Roy n'a pas de voix. Plutôt, il a une voix assez blanche. Pour l'entendre, on monte le son. Arrive un reportage avec un ou une reporter qui a de la voix, on baisse le son en pensant aux voisins. Ou bien, arrive une publicité. Ah là, bouchez-vous les oreilles ou…
baissez le son. D'où l'importance de la télécommande.
 
En passant, à la fin du bulletin de nouvelles, Patrice Roy placote météo avec le sympathique et compétent Pascal Yakovakis. Lui aussi n'a pas beaucoup de voix. Je vous le jure : ça me fait penser au confessionnal d'antan… Mais il faut alors monter le son !

Oublions les nouvelles. Vous écoutez un film, une série, un documentaire ou que sais-je. Là encore, un son à peu près régulier, ça n'existe pas. On comprend que le son peut et doit fluctuer pour refléter la trame dramatique d'un contenu ou d'une musique. Mais passer du murmure à 200 décibels en une demi nanoseconde, c'est trop fort trop vite.

On sait tous que les publicitaires font tout pour attirer notre attention. Longtemps, pour les pauses commerciales, le son de leurs annonces était "comprimé", ce qui fait que lors de la diffusion, les annonces étaient beaucoup plus fortes que le son de l'émission. En principe, cela n'existe plus. Mais comment expliquer les écarts de son entre deux émissions qui se suivent sur la même chaîne ? N'y a-t-il pas des standards en cette matière ? Est-ce que le technicien du son a toute latitude pour imposer ce que lui préfère ?

Il me semble qu'il y a là un sérieux problème auquel le CRTC et les diffuseurs devraient s'attaquer. Parce que voyez-vous, je suis retraité, donc j'ai des revenus fixes. Mais je crains fort de me ruiner en piles pour garder vivante ma télécommande de télévision.

S'il-vous-plaît, messieurs et mesdames les diffuseurs, ne jouez pas aux durs d'oreille et vérifiez votre son…

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dimanche 2 avril 2017

TROIS VEDETTES, UN MALAISE…

Les syndicats de l'enseignement ont grimpé dans les rideaux suite à la nomination par le ministre de l'éducation de trois «profanes» pour «repenser l’aménagement des écoles pour donner le goût aux enfants d’apprendre.» Si on met de côté les outrances verbales syndicales habituelles et l'antipathie viscérale des enseignants vis-à-vis le gouvernement libéral, leur critique n'est cependant pas sans fondements, loin s'en faut.

Qui sont ces trois profanes, ces trois vedettes ? Ce sont Ricardo Larrivée, Pierre Thibault et Pierre Lavoie. Le premier est connu pour ses talents de cuisiniers et de communicateur, le second est un architecte de renom et le troisième est connu pour encourager l'activité physique. Les trois sont des personnes estimées dans notre société. A priori, cependant, il n'y a rien qui les qualifie pour repenser l'éducation, et seul Pierre Thibault peut offrir des conseils pertinents pour repenser l'aménagement des écoles afin de donner aux enfants le goût d'apprendre. À la condition qu'il écoute les enseignants. C'est quand même une drôle de lubie que celle-là. Le ministre de l'éducation a décidé d'avoir recours à des vedettes pour se faire faire une petite Commission Parent 2.0. C'est, bien sûr, ridicule.

Au-delà des vœux pieux et des bonnes intentions et après avoir visité les écoles de pays réputés comme la Finlande, nos trois profanes ne nous diront pas grand-chose de plus que ce que nous ne connaissons pas déjà. Ils vont, sur l'école, réinventer le bouton à quatre trous. Nous savons déjà ce qu'est un bouton à quatre trous. De là provient le malaise que beaucoup éprouvent devant cette dernière trouvaille gouvernementale.

Dans tout l'énorme ministère de l'éducation comme dans toutes les universités où on forme des enseignants et dans les commissions scolaires qui assurent au jour le jour avec les enseignants le travail d'enseignement au ras des pâquerettes, dans les classes, il faut donc conclure que le gouvernement n'a pas su trouver les ressources intellectuelles et créatrices pour innover et repenser l'école québécoise.

Disons, en étant très charitables, que cette initiative spectaculaire n'est pas de nature à renforcer la confiance du monde de l'éducation en ses propres capacités. De plus, elle accrédite l'impression qu'à peu près n'importe qui peut faire n'importe quoi dans l'instruction des enfants. Ce n'est pas fort fort… C'est même insultant pour les enseignants et le milieu. La critique des syndicats n'est pas sans fondements, je le répète.

Pièce de stratégie

Pour comprendre ce geste du gouvernement, il faut d'abord se dire que nous sommes à 18 mois de la prochaine élection. Dans le budget Leitao de la semaine dernière, déjà la distribution des bonbons a commencé. Également, une solide campagne publicitaire gouvernementale est en marche. En planifiant à l'avance la prochaine campagne électorale, le gouvernement ne comptera pas sur les enseignants qui, de toute façon, vont disperser leurs votes entre plusieurs partis politiques surtout dans l'opposition. Le gouvernement, qui a encore un budget à déposer au printemps 2018, va continuer de chercher à plaire au public en général en peaufinant ses stratégies et ses informations.

Face à une opposition plus divisée que jamais, le gouvernement tablera sur un certain contentement en raison de ses investissements «judicieux» pour redonner aux Québécois une partie, sinon la totalité de ce qu'il a imposé comme restrictions aux augmentations de budget, ce que le langage courant a appelé, à tort, des coupures.

Que trois personnes respectables, connues et admirées du public aient accepté de se pencher sur l'éducation et les écoles est un geste habile de propagande politique qui a déjà sûrement marqué positivement beaucoup d'esprits au Québec, en dehors des cercles plutôt restreints des médias et de l'opposition.

Il restera au gouvernement, d'ici la fin de l'automne, à annoncer une couple de coups d'éclat de ce genre pour continuer à frapper le clou de sa bonne gouvernance. Bien sûr, ce gouvernement est fragile, au plan éthique, mais il demeure uni. L'opposition, en Chambre et dans la rue, n'a que des mots à lui opposer, et on ne sait pas très bien qui l'écoute encore.

Les trois vedettes ont aussi créé un malaise, et ce n'est pas seulement dans le monde de l'éducation.
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samedi 25 mars 2017

MARA M.: UNE LECTURE POUR DES GARS !


Je ne m'en cache pas : l'auteure du roman Mara M., Élyse-Andrée Héroux, est ma fille. Cette semaine, elle a publié avec ce livre un second roman dont j'ai terminé la lecture hier soir. Mara M., c'est l'histoire d'une et de plusieurs mères monoparentales qui, devenues enceintes, ont décidé de garder leur bébé et de l'élever seules, peu importe les énormes défis personnels posés par cette décision.

Le livre raconte une histoire qui s'étend sur vingt ans. J'y ai reconnu des éléments de l'histoire de ma fille, qui est la mère monoparentale de mon seul petit-fils adoré, son fiston, aujourd'hui âgé de vingt-deux ans. Mais j'ai aussi lu dans ce roman les histoires d'autres femmes qui, regroupées sous l'expérience de Mara et de ses amies monoparentales, nous font comprendre cet état de vie devenu fréquent depuis quelques décennies dans nos sociétés.

Dans ce livre, il y a la vie, le désespoir, le courage, l'entraide, la dépression, le fou rire, la recherche de soi par des femmes que le sort a fait sortir de leur groupe naturel en raison de leur grossesse et de l'arrivée du bébé. Il y a ténèbres et lumière. Il y a du quotidien assumé en tout ou en partie, il y a des rêves et de l'espérance. Il y a enfin du réalisme sur la vie de chaque jour de ces jeunes, trop jeunes mères monoparentales.

Dans le roman, Mara a eu son bébé à dix-huit ans. Disons que pour elle, le party est plutôt limité quand il faut que tu fasses boire ton bébé à deux heures du matin et que t'as personne pour t'aider. Dans ce livre plein de surprises, il y a aussi de la joie et de l'humour. Car la vie n'est pas que peine et misère sans quoi les défis ne seraient pas relevés.

En refermant ce livre hier, bien des réflexions me sont passées par la tête. D'abord, il y a une fierté bien légitime d'assister à la reconnaissance du talent de son enfant. Pour ma fille Élyse-Andrée, c'est un deuxième roman qui est publié ainsi, après Les bonheurs caducs au printemps 2015. Ce ne sont pas tous les apprentis auteurs qui vont jusqu'à une seconde publication de leurs œuvres au Québec.

En lisant son roman, j'ai mieux compris les difficultés psychologiques, affectives et matérielles de la monoparentalité, même si au travers de la vie de notre fille, mon épouse et moi en avions saisi de bons bouts. Tout en soutenant autant que possible notre fille dans son quotidien, nous n'étions pas dans sa peau, pas dans sa tête. Ce livre lève le voile sur cela sans prêchi-prêcha, sans jugements, et c'est un de ses nombreux grands mérites. Il ne veut pas donner de leçons: il raconte une histoire. En plus, il est superbement écrit, ce qui ne gâte évidemment rien.

Un livre pour les gars

Enfin, je me suis posé la question : pour qui, ce livre ? En entrevue, ma fille répondait cette semaine à cette question en disant que c'était pour les femmes, les femmes monoparentales surtout, et elle a raison, et elle ajoutait « aussi pour les hommes ». Moi, je pense que c'est peut-être un livre surtout pour les gars. Parce que les femmes monoparentales, elles n'ont pas été mises enceintes par l'opération du Saint-Esprit.

Sans vouloir le dire ou le faire, le livre met en relief l'absence de ces gars partis après la baise ou la naissance du bébé, abandonnant leur rejeton et la mère qui tente d'amener son bébé dans la vie sans trop de dommages. Peu importent les motifs, la monoparentalité est également l'histoire de l'abandon. Sur quatre gars dans cette situation, nous disent les statistiques, trois sont pratiquement disparus de la vie de leur femme.

Pour cela, ce livre concerne aussi les gars. Il est aussi l'histoire de paternités non assumées, de responsabilités évitées, de fuites ou de manques de courage. C'est probablement l'aspect qui m'a le plus obsédé, en tant qu'homme, tout au long de ma lecture.

Je recommande bien sûr ce roman: il éclaire, il fait réfléchir, il aide à comprendre, il suscite l'empathie et il fait souvent rire.

Je souhaite que, en plus des femmes, beaucoup d'hommes et de jeunes hommes - beaucoup de gars prennent le temps de lire ce bouquin. Il me semble qu'il mérite leur attention et surtout, leur réflexion.

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Pour plus d'information sur le roman:

http://www.editions-homme.com/mara-m/elyse-andree-heroux/livre/9782761947978

lundi 13 mars 2017

LA 'SACRURE' DANS NOTRE PARLURE...

Si vous n'avez pas entendu les excès langagiers de Rambo Gauthier, vous faites partie des ermites de notre société. Rambo Gauthier est ce syndicaliste robuste de la Côte Nord qui veut se lancer en politique au nom du peuple et qui n'hésite pas à sacrer souvent pour pimenter ses propos. Pourquoi sacre-t-il ainsi ? On ne le sait pas. Mais M. Gauthier n'est pas le seul.

Dans la vie de tous les jours, on entend sacrer souvent au Québec, trop souvent. De plus, ce ne sont pas seulement les adultes qui sacrent ainsi : des jeunes, des ados, gars et filles, sacrent à tout vent sans réaliser la vulgarité de cette habitude. 

Des 'veudettes' de notre télé n'hésitent pas non plus à recourir au langage sacré pour, semble-t-il, chercher à donner de la force et du poids à leurs propos. Ce faisant, ils ou elles oublient le pouvoir d'influence de ce médium. Nos humoristes, à de trop rares exceptions près, sacrent allégrement sur scène, quand ce n'est pas au petit écran. Pourquoi tout ce monde sacre-t-il, alors qu'au Québec, on a tout fait pour se débarrasser de la tutelle sociale de l'Église catholique ?

Il est bien difficile d'attribuer une seule cause à cet état de fait. Avant les années 1960, on sacrait à ses risques et périls. Les mères ne le toléraient pas et plus d'un Québécois d'un certain âge peut se rappeler une punition ou une tape derrière la tête pour avoir échappé un "gros mot", comme on disait. Les curés ne le toléraient pas non plus et sacrer en public était, pour ainsi dire, un péché de comportement. Mais voilà. Avec l'effondrement de la pratique religieuse, le péché est, lui aussi, disparu. Alors, pour démontrer qu'on est libre, on sacre tant et plus.

Il y a autre chose. Sacrer dénote un manque évident d'imagination et de vocabulaire. Cela illustre aussi un refus de raffiner et de nettoyer un tant soit peu son langage de tous les jours. Au Québec, la Révolution tranquille a eu d'immenses effets bénéfiques pour la société. Parmi les effets moins bénéfiques, la Révolution tranquille a aussi mis de l'avant un fort rejet des 'élites'. Personne n'a jamais précisé exactement qui étaient ces élites. Les riches ? Les cultivés ? Les curés ? Ce n'est pas clair. Mais ce mépris des élites a entraîné dans son sillage un refus de s'élever, de peaufiner son langage, d'en éliminer l'incitation au mieux, au plus élevé. Cela explique peut-être - en partie la 'sacrure' des vedettes et des gens qui, en principe, devraient savoir mieux parce qu'ils ont reçu de l'enseignement supérieur. Mais cette explication boîte pas mal.

En bout de ligne, c'est probablement la famille qui est à l'origine de ce détestable, commun et vulgaire comportement. Si, dans une famille, on ne sacre pas et on ne tolère pas les sacres et les jurons, il y a de fortes probabilités que les enfants, en vieillissant, tout en étant confrontés à la pression de leurs pairs au secondaire ou au cégep, ne prennent pas l'habitude de sacrer à propos de tout et de rien. 

Mais comment reprocher à un Québécois de sacrer quand, depuis sa petite enfance, il entend ses parents sacrer en permanence dans la maison ? Hélas, près de la moitié des familles chez nous éclatent ou se reconstituent tant bien que mal. L'éducation des enfants dans la bulle familiale peut en souffrir, c’est évident.

Jurer et sacrer n'est pas une affliction unique au Québec. Dans d'autres sociétés on sacre et on jure également. Ce qui nous distingue, toutefois, c'est le recours au vocabulaire religieux (hostie, tabernacle, ciboire, calice, etc.). On invoque, très en vain, le nom du Seigneur (Christ). On est devenu incapable de se trouver des expressions moins vulgaires pour exprimer ses émotions ou renforcer ses affirmations.

Nos parents, quand ils étaient très choqués, pouvaient échapper un "bâtard !" (jugé quand même vulgaire), un "Jérusalem !", un "cibolle", un "tabarnouche !" ou un "viande à chien !"... D'autres expressions colorées étaient utilisées, mais dans ces générations, en général, on ne sacrait pas comme aujourd'hui. 

Comme Québécois, nous avons là un défi à relever. Moins de 'sacrure' fera peut-être que notre 'parlure' sera plus acceptable et mieux acceptée…


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Avec l'aimable collaboration de mes vieux complices de Québec Normand Chatigny, Denys Larose et Jean-Noël Tremblay.

Image : Les Affaires


mardi 28 février 2017

CES TECHNOLOGIES QUI NOUS ASSERVISSENT

Les nouvelles technologies de l'information, en principe, doivent libérer l'humain de plusieurs tâches répétitives, tout en accélérant presqu'à la vitesse de la lumière l'échange d'information d'un bout à l'autre du globe. Bel idéal. En échange, nous avons, plus ou moins consciemment accepté que de plus en plus de tâches soient faites par les nouvelles machines et ainsi de devenir assujettis aux nouvelles technologies de l'information.
 
D’abord, il y a eu la radio, et surtout la télévision qui ont modifié les habitudes de vie de nos parents ; la télévision est devenu la vraie reine du foyer et a remplacé la danse, les parties de cartes, les discussions en famille, le chapelet en famille, etc. La télévision a contribué puissamment à tuer le dialogue.
 
Puis, les nouvelles technologies sont arrivées et celles-ci, maintenant, régulent et mènent nos vies. Très peu de nos actions quotidiennes sont effectuées sans le recours à ces technologies et à Internet. Acheter un pain au dépanneur, vérifier la météo, payer une facture, commander du poulet ou de la pizza, emprunter une hypothèque pour acheter une maison, consulter les petites annonces, réserver des billets pour un spectacle, lire un journal, tout cela et bien davantage se fait grâce à Internet et à ses applications.
 
L'automobile est de plus en plus bourrée de toutes sortes d'éléments informatiques et dans laquelle le jugement du conducteur sera de plus en plus qu'un vague souvenir; automobile le mot le dit : auto et mobile; c'est comme automatique dans transmission automatique; on fait de moins en moins d'efforts, on pense de moins en moins, on est de plus en plus en pâmoison devant toutes ces réussites technologiques, comme au temps du Titanic. Tout pour nous rendre supposément la vie plus facile agréable. On embarque les  yeux fermés en chantant « tout le monde le fait, fais le donc... »
 
S'il fallait que les technologies fassent défaut toutes ensemble, notre société serait totalement paralysée. Plus un véhicule ne roulerait. Plus aucun avion ne pourrait voler. Aucun guichet automatique ne pourrait vous fournir de l'argent, et le dépôt des salaires ou des pensions directement dans votre compte bancaire cesserait. Les cartes de crédit ou de débit deviendraient d'inutiles morceaux de plastique. Les cellulaires comme les GPS deviendraient inopérants et donc inutiles. Ordinateurs, tablettes, tableaux interactifs, tout cela serait à jeter aux poubelles ou à la récupération. Fini les jeux vidéo ou la télévision. Dans les hôpitaux, bien des malades maintenus en vie grâce aux appareils de haute technologie décèderaient, tout comme ceux ou celles dont la vie dépend d'un stimulateur cardiaque (pacemaker).
 
À force de succomber aux stratégies des vendeurs de technologie, nous sommes donc devenus totalement dépendants de ces mêmes technologies. Notre société, dorénavant, dépend d'elles pour son fonctionnement le plus ordinaire, le plus banal. Cela devrait nous interpeler. Cela devrait même nous inquiéter. Pourtant, on continue à se moquer de personnes plus âgées éprouvant de la difficulté à manœuvrer avec les appareils technologiques quotidiens comme le cellulaire ou le guichet automatique. On traite ces gens de dinosaures. Mais ce faisant, les rieurs oublient que leur univers a les pieds bien fragiles, qu'il est à la merci d'une panne prolongée d'électricité, voir d'une éruption solaire un peu plus violente et apte à griller les milliards d'appareils de haute technologie sur le globe.
 
 
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Un autre aspect de cette question mérite d’être évoqué. L'évolution des nouvelles technologies va beaucoup plus loin que le seul fait de changer nos habitudes de vie : elles sont en soi des «systèmes de pensée» qui nous sont imposés. Pensez aux algorithmes et à l'évolution de l'intelligence artificielle. En fait, on pense à notre place, on prend des décisions à notre place sur des questions fondamentales : la finance, la consommation, la sécurité, la gestion, etc. Aujourd'hui, les analystes de Wall Street fondent leurs actions à partir de décisions prises par des algorithmes.
 
Or, l'évolution rapide des technologies de l'information, y compris le téléphone dit intelligent (Confusion: il n'est pas intelligent, il est multifonctions), conditionne nos vies. C’est donc dire que par leur convivialité, ces technologies développent dans nos rapports à la vie, à la santé, à la maladie, etc., une dépendance qui contient une part importante d'inadaptation. 
 
 
Par exemple, Alain Deneault dans «Gouvernance, le management totalitaire» souligne qu'il est possible aujourd'hui de «dialoguer» avec des fous et des criminels simplement avec son téléphone ou sur Facebook, etc. C’est donc à la portée de n'importe quelle entreprise (politique, commerciale) «d'anesthésier quiconque est sujet à la dissonance cognitive». Les nouvelles technologies contribuent fortement à la croissance observée en plusieurs sociétés de l’individualisme, de l’égocentrisme au détriment du collectif, de la solidarité et ultimement de la justice sociale.
 
On oublie trop facilement que le Titanic était réputé insubmersible. Pourtant, il a fallu d'un seul iceberg mal placé pour que l'orgueilleux navire, à l'époque à l'avant-garde de la technologie, se retrouve au fond de l'Atlantique. Notre esclavage bien réel face aux technologies de l'information et de la communication ne doit jamais nous faire oublier son inhérente fragilité.
 
 
(Ce texte a été rédigé avec la collaboration de mes vieux complices Normand Chatigny, Denys Larose et Jean-Noël Tremblay, tous trois de Québec).
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