vendredi 26 février 2016

Collège de Maisonneuve : L'INVISIBLE DG


Dans la triste saga du Collège de Maisonneuve, il y a un élément qui est troublant. L’an dernier, lors des démêlées qui ont mené à l’annulation du bail consenti à Adil Charkaoui, l’imam et prédicateur autoproclamé, jamais on n’a vu ou entendu le directeur général du Collège prendre la parole devant les caméras et les micros pour expliquer ce qui se passait, pour énoncer les positions de l’institution.  Le travail a été confié à une directrice des communications, excellente par ailleurs. Cette année, en 2016, la polémique reprend au Collège de Maisonneuve. Encore une fois, c’est la directrice des affaires corporatives qui affronte les médias et répond à leurs questions, de façon compétente.

Cependant, tous les professionnels de la communication vous le diront, en matière de gestion de crise, vient un moment où c’est le « patron » qui doit s’exprimer, exposer la position de la maison et ce, pour des raisons reliées tout autant aux besoins de la communication interne que de la communication externe.

L’engagement du grand patron donne, pour le public, y inclus pour les parents des étudiants et étudiantes, un visage à l’institution. L’image du patron est aussi un outil de ralliement interne pour les employés du Collège. Ces besoins en communication requièrent plus que le travail d’un ou d’une porte-parole, quelle que soit sa compétence par ailleurs.

Ce matin, le communiqué du Collège de Maisonneuve, repris par les médias, ne parlait que de la « direction » du collège (voir http://www.cmaisonneuve.qc.ca/la-direction-du-college-de-maisonneuve-retablit-les-faits/). Nulle part, le communiqué référait au directeur général de cette institution. Voilà qui est étrange. Plus encore, sur le site web du collège, il n’y a aucune information sur la direction.

Bref, ce Collège n’est dirigé par personne, et il s’exprime par l’entremise d’une porte-parole. Jeune reporter en 1973, j’ai eu à couvrir une contestation étudiante au Collège de Maisonneuve. C’est le directeur général, le regretté Roland Arpin, qui m’avait accueilli et répondu à mes questions. Bien sûr, o tempora o mores, comme disaient les Romains. Autre temps, autre mœurs.

L’anonymat persistant du principal responsable du Collège de Maisonneuve demeure troublant.

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 Image : Courrier du Sud

jeudi 18 février 2016

CLAUDE JUTRA : UNE AFFAIRE RÉVÉLATRICE

C'est un signe de notre époque un peu échevelée que le déroulement de l'affaire Jutra. En moins d'une semaine, le cinéaste décédé en 1986 est passé d'icône culturelle respectée à un déchet de l'histoire que plus personne, avec raison, ne veut plus ni toucher ni voir.

Les révélations sur le passé pédéraste du cinéaste sont apparues dans l'espace médiatique la fin de semaine dernière. Hier, mercredi, tout était fini. Le gala changera de nom, de même que le prix accordé aux meilleurs de nos cinéastes. Une petite mésentente subsiste sur la date du gala, que d'aucuns souhaiteraient reporter de quelques mois, mais tous s'entendent sur le sort réservé dans l'espace public à Claude Jutra. Les rues et place publiques qui portaient son nom seront rebaptisées, et on passera à autre chose.


L'éclair
Ce qui s'est passé, depuis quelques jours à peine, aurait été impensable il y a. Les outils pour influencer cette opinion étaient plus limités. Puis, le silence régnait encore beaucoup dans notre société à l'égard des autorités, certes, mais aussi des vedettes et des artistes. Leur vie réellement privée, on n'y touchait pas. Ça ne nous regardait pas, pensait-on.

Enfin, la médiatisation était limitée. Une révélation sur la préférence sexuelle de Jutra envers les jeunes garçons ne se serait pas rendue dans les médias. À l'époque, les nouvelles « artistiques » sur la vie des vedettes ou sur les spectacles n'étaient pas des nouvelles. On préférait laisser cela à Écho-vedettes.
Aujourd'hui, en 2016, rien de cela n'existe plus, heureusement. L'information est à la fois partout et instantanée. Les médias sont omniprésents et multiformes. L'information se répand à la vitesse de la lumière. Ce qui fait, en définitive, que le « procès » in absentia de Claude Jutra et son lynchage ont lieu à la vitesse de l'éclair.

Un réel progrès
À mon âge vénérable (71 ans), on pourrait croire que je regrette l'ancien temps de l'information. Il m'arrive certes de déplorer du travail journalistique bâclé, ou de regretter que des journalistes, manifestement, n'aient pas eu le temps de fouiller davantage leurs histoires. Qui bene amat, bene castigat… Qui aime bien châtie bien, disaient les anciens Romains.

Cela dit, je me réjouis grandement des progrès que l'affaire Jutra met en relief. D'abord, cette affaire nous dit que l'information est plus libre qu'il y a 40 ans, quand j'étais journaliste. Elle est plus libre et elle circule plus librement, grâce, notamment, à Internet et à la multiplication des plateformes de diffusion.
Deuxièmement, si nous avons connu une libéralisation des mœurs depuis 50 ans, il demeure que le comportement de Claude Jutra durant sa vie a fait l'objet d'une condamnation générale, au point que les hommes et femmes politiques n'ont pas procrastiné avant d'annoncer les changements que la situation exigeait. Le public ne l'aurait pas toléré.

Enfin, cet épisode démontre que dans notre société, nous sommes encore capables d'une forte indignation collective face à des comportements immoraux ou amoraux dont notamment les enfants sont les victimes.
Si on ajoute à cela l'émoi créé récemment par l'exploitation sexuelle des jeune fugueuses, on doit se réjouir de voir que notre société demeure saine. Voilà qui fait un bien immense.

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Image : Cinémathèque québécoise