vendredi 24 avril 2015

LA FISSURE


Cette fin de semaine, la FEUQ risque de rendre l'âme. La FEUQ, c'est la Fédération étudiante universitaire du Québec.


Si cette disparition se matérialise, ce sera certes dans la foulée du retentissant échec de la mobilisation étudiante du printemps 2015. Car ne nous y trompons pas. Par delà les folies à l'UQAM et les gestes de l'ASSE, qui vont en diminuant, le mouvement étudiant de 2015 se prépare à disparaître dans sa forme actuelle.
FIN  D'UN CYCLE

Les grandes fédérations étudiantes existent, comme on les connaît, depuis quelques décennies. Mais la naissance de l'ASSE il y a quelques années est venue bousculer l'équilibre existant. L'ASSE se veut un mouvement étudiant issu de la base, avec une démocratie participative. Cette démocratie de la base fait qu'il n'y a pas de président ou de présidente de l'ASSE : cette association n'a que des porte-parole.

Dans les faits, l'ASSE est un mouvement un peu anarchiste et facilement dictateur pour faire respecter ses positions dites "démocratiques". Ce fut amplement démontré dans les divers et tristes épisodes vécus récemment à l'UQAM.
La naissance et la persistance de l'ASSE ont miné le fonctionnement établi des grandes fédérations étudiantes. Celles-ci, davantage portées au dialogue qu'à l'affrontement, se sont retrouvées comme déclassées face au militantisme plus radical et agressif des camarades de l'ASSE. Les structures convenues de la représentation étudiante éclatent donc un peu plus tous les jours. La fissure s'élargit sans cesse. Mais il y a plus.

CONTEXTE NOUVEAU, GESTES NOUVEAUX

De fait, en plus de cette fissure croissante, un  nouvel élément est apparu dans le paysage de la représentation étudiante. Lors du printemps 2012, peut-être pour la première fois de façon aussi large, des étudiants ont non seulement refusé de déserter leurs salles de cours, mais ils ont aussi entrepris des démarches juridiques pour faire respecter leur "droit à recevoir l'enseignement" pour lequel ils ont défrayé des droits de scolarité.

Ces étudiants et d'autres en ont eu tellement assez de la "démocratie étudiante" et des votes à mains levées pris par une poignée d'activistes au bout de 6 ou 8 heures d'assemblée qu'ils ont créé la Fondation 1625.
Comme l'explique le site web de cette Fondation, «La Fondation 1625 est un organisme à but non lucratif créé le 4 juillet 2012 afin d’amasser des fonds dans le but de supporter les étudiants et étudiantes qui ont été victimes de la grève. Petit à petit, elle a élargi son action à la défense des droits des étudiants et étudiantes et supporte aujourd’hui l’action en outrage au tribunal contre Gabriel Nadeau-Dubois, la requête en nullité visant la Loi sur l’accréditation et le financement des associations étudiantes ainsi que les étudiants désirant obtenir une injonction pour avoir accès à leur cours.»

Nous vivons certes une époque différente de celle du début des années 1980. Au "nous" de cette époque s'oppose ouvertement aujourd'hui le "je" du 21e siècle. Plusieurs le déploreront, mais aussi, plusieurs vont s'en réjouir.

FACE À UN MUR
Le mouvement étudiant québécois est donc face à un mur, au bord de l'éclatement. D'un côté, il est dépassé par les étudiants membres de l'ASSE, et de l'autre, la revendication du "droit à l'enseignement" même en période de "grève" ou de "boycottage" des cours par les associations étudiantes.

Ceux ou celles qui réclament une intervention législative de l'État pour "encadrer" le droit de "grève" des étudiants auraient dû noter l'absence de respect par beaucoup d'étudiants membres de l'ASSE des injonctions obtenues par les institutions. Encadré ou non, la "grève" ou le boycott des cours se tiendra si les étudiants le décident. Vote secret ou non, les assemblées épuisantes de plusieurs heures ne seront quand même pas interdites.

Ceux ou celles qui réclament une intervention législative de l'État, au fond, mettent sans le savoir la charrue devant les bœufs. Car avec les fissures et les éclatements déjà en marche, il faudra bien déterminer ce qu'est cette représentation étudiante avant de légiférer sur le présumé "droit de grève".
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