vendredi 6 novembre 2020

UN ÉPROUVANT SENTIMENT D’ANGOISSE…

 Hier soir, pendant le téléjournal de 18h, j’ai éprouvé un immense sentiment d’angoisse. En effet, Patrice Roy, l’animateur plus ou moins quelconque de cette émission de divertissement, nous a annoncé que le président trump prendrait la parole à 18h30 et que son allocution serait télévisée en direct au téléjournal. Jusque-là, ça va.

Puis, vers 18h30, pas de trump, en retard comme à l’habitude. Patrice Roy, qui avait prévu le coup, a sorti quelques analystes (la plupart du temps, ce sont les mêmes) dont la grande qualité tient à leur inépuisable verbosité. Patrice Roy leur a posé des questions fleuves où il livrait lui-même la réponse et leur a laissé du temps, question d’attendre trump, aussi nommé Lyingdonald.

Puis, vers 18h45 ou 18h50, trump est arrivé dans la salle de presse de la Maison blanche et a commencé son « allocution ». En moins de deux minutes, il divaguait sérieusement, dénonçait sans aucune preuve la corruption qui a eu lieu (ô miracle) dans les seuls états où un gouverneur démocrate est en fonction, a dit qu’il avait gagné grâce aux votes « légaux », a dénoncé les votes « illégaux » (par la poste, etc.) Bref, du trump mensonger ordinaire, mais animé par le désespoir de celui qui voit bien, malgré ses mensonges et ses illusions de grandeur, que les chiffres ne lui sont pas favorables.

Alors, dans un brouillon constant, il a continué à avancer toutes sortes de chiffres prouvant… pas grand-chose. Mais, me direz-vous, où se situe ton angoisse ?

Voici. À 19h à Radio-Canada, il y a une série policière quotidienne intitulée « District 31 ». C’est un grand succès de télévision, c’est brillamment écrit et brillamment interprété et environ un million et demi de téléspectateurs sont accrocs à cette émission de 30 minutes quatre soirs par semaine, du lundi au jeudi.

Hier soir, je regardais les minutes défiler sur mon cellulaire et je me demandais si Patrice Roy, excité sans bon sens, exigerait de Radio-Canada que la diffusion des âneries mensongères de trump continuerait au-delà de la marque sacrée de 19h. Plus les minutes avançaient, plus mon angoisse augmentait.

Mais finalement, à 18h59, Patrice Roy, échappant ainsi à une vengeance populaire sérieuse, est apparu brièvement en ondes pour nous dire que le discours du président trump continuerait d’être diffusé à RDI et que la première chaîne, la télévision générale ordinaire de Radio-Canada, poursuivait avec sa programmation normale, dont avec District 31 à 19h.

C’est dire : j’ai failli presque pleurer tant mon soulagement fut profond. Un peu plus et je me mettais à aimer Patrice Roy, mais un reste de convenance m’a ramené à la raison. Mon angoisse avait été évacuée et, Dieu merci, Radio-Canada télé a fait comme plusieurs réseaux américains : elle a coupé le sifflet à trump. C’était tout ce qu’il méritait.

***

Un dernier mot : Radio-Canada annonce toujours le bulletin de nouvelles de 18h comme étant le « téléjournal avec Patrice Roy », même quand un autre journaliste le remplace à la présentation de ces nouvelles à cette heure-là.

Faudrait rappeler à Radio-Canada qu’elle est une société d’état financée à même nos impôts et que le bulletin de nouvelles n’appartient pas à un journaliste qui prétend au statut de vedette. Les bulletins de nouvelles appartiennent au public, point à la ligne.

___________________________