Puis, assez rapidement, les choses
dégénérèrent. Des rumeurs de corruption, des enquêtes, un chantier olympique soumis
aux diktats des syndicats, le saccage syndical à la Baie James, tout cela se
mit à pleuvoir sur le gouvernement de Robert Bourassa sans que les explications
gouvernementales ne renversent la méfiance grandissante à son endroit.
Pour ceux et celles qui n'ont pas vécu
cette période, il faut rappeler qu'en 1976, Robert Bourassa était, selon plusieurs,
l'homme le plus détesté du Québec. Face à lui, à Ottawa, régnait Pierre-Elliott
Trudeau, premier ministre majoritaire dont la popularité au Québec ne se démentait
pas : les libéraux fédéraux détenaient tous les comtés fédéraux sauf un,
au Québec.
Empêtré dans des difficultés croissantes,
escomptant profiter du succès des Jeux olympiques de 1976 et invoquant le danger
d'un rapatriement unilatéral de la constitution canadienne par Ottawa, Robert
Bourassa déclencha des élections hâtives pour le 15 novembre 1976. La campagne
serait brève : seulement quatre semaines. C'est le Parti québécois de René
Lévesque qui prit le pouvoir. On connaît la suite.
Curieuse
ressemblance
Bien sûr, 2016 n'est pas 1976. Toutefois,
l'état des choses sur la scène politique provinciale me fait vivre une étrange
réminiscence.
D'abord, la méfiance et de le cynisme.
Comme en 1976, projet olympique en moins, le degré de méfiance et de cynisme
envers la classe politique est devenu très élevé dans la population et chez les
commentateurs politiques, quelle que soit leur orientation partisane. Même La
Presse, que personne ne soupçonnerait d'avoir des atomes crochus avec le Parti
québécois, assène depuis quelques semaines des critiques d'une férocité
évidente à l'endroit du gouvernement de Philippe Couillard. Ces critiques, qui
viennent de partout, alimentent méfiance et cynisme dans la population, ce que
reflètent en bonne partie les sondages.
Ensuite, il y a eu des efforts inutiles de redressement
du côté du gouvernement. Comme pour le Robert Bourassa de 1976, le gouvernement Couillard fait
tout pour tenter de corriger le tir, mais sans succès. Remaniement miné la
maladie de Pierre Moreau, peut-être le ministre le plus politiquement solide de
ce gouvernement, et vite oublié, un budget éclipsé par les arrestations de Nathalie
Normandeau et de Marc-Yvan Côté, un projet de loi liberticide (le 59) sur le discours
haineux qu'il n'essaie même pas de définir, une fuite de courriels qui met en
évidence des accointances douteuses entre Marc-Yvan Côté, un pestiféré politique,
et Sam Hamad, qui se retire temporairement du conseil des ministres et qui, au
lieu de demeurer chez lui, va en Floride sans réaliser le genre de message
plutôt asocial que cela envoie dans la circonstance, bref, rien ne va plus pour ce gouvernement.
Son chef risque peut-être de devenir lui aussi, si rien ne change, l'homme le plus détesté du Québec.
Des
différences
Mais des différences existent avec 1976. D'abord,
le gouvernement Couillard a deux ans devant lui. Il a donc encore du temps. Ensuite,
ce gouvernement a la possibilité de proroger la session en cours en juin et de
tenter de repartir à neuf avec un discours inaugural et un programme législatif
renouvelé en septembre ou octobre prochain. Enfin, la pause estivale serait
l'occasion pour le premier ministre de changer la
composition de son cabinet politique personnel rapproché et d'envisager - oui, encore une fois - d'alléger son Conseil
des ministres de ses éléments les plus faibles. Le premier ministre pourrait aussi faire davantage appel et confiance à de jeunes députés pour remettre son gouvernement sur les rails. Enfin, il lui faut développer davantage d'empathie avec la population québécoise, être plus en symbiose avec les préoccupations des citoyens et des citoyennes. En un mot, le message actuel du gouvernement ne passe plus.
Est-ce que ce gouvernement est encore
capable de redresser les choses ? J'ignore s'il peut le faire,
mais je pense qu'il est condamné à le faire. Avec un peu plus de marge de manœuvre
financière, résultat de deux années d'austérité imposée, il est grand temps que le
gouvernement de Philippe Couillard sorte de sa bulle et redéfinisse ses objectifs pour le Québec.
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Images : Robert Bourassa : Internet
Philippe Couillard : Le Devoir (via Internet)
Philippe Couillard : Le Devoir (via Internet)
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