Les premiers réfugiés syriens devraient
arriver à Toronto demain et à Montréal samedi. À tous ces réfugiés qui fuient
un pays engagé dans une guerre horrible, je dis : soyez les bienvenus au Canada
et au Québec. J'espère que vous trouverez ici un pays accueillant, pacifique et
humain qui saura vous aider à reprendre parmi nous une vie normale et, je vous
le souhaite, la plus heureuse possible.
Je suis convaincu que les représentants
consulaires canadiens qui vous ont rencontrés en Turquie, en Jordanie ou au
Liban vous ont fourni d'amples explications sur le pays où vous arrivez. Je ne veux pas ajouter à leurs descriptions. Quand vous
arriverez au Québec, samedi, j'aimerais vous dire un mot de nos médias. Notez
que ce ne sera pas mieux à Toronto, mais je parle ici de Montréal.
Vous allez voir ces médias électronique arriver
en groupes compacts, toutes lumières de caméras allumées. D'abord, sachez qu'ILS
NE SONT PAS DANGEREUX.
Ils ne vous
frapperont pas. Vous demeurez libre de ne pas leur répondre. Ces médias seront
là, à vous attendre avec caméras, lumières et micros. Ce sont les plus
dangereux, et en même temps, les plus inoffensifs. Dès qu'ils auront une chance
de s'approcher de vous, ils vont vous demander des questions très, très
profondes et très, très réfléchies.
Question profondes...
Première question profonde : « Comment vous
sentez-vous en arrivant ici ? »
Réponse suggérée : « Je suis content(e),
mais un peu fatigué(e). » (Vous serez déjà très apprécié(e).)
(Bien
sûr, à l'aéroport, vous n'avez encore rien vu du Canada, du Québec, de
Montréal, puisque vous serez encore à l'aéroport. Ou si peu.)
Réponse (suggérée) à la deuxième question
profonde : « Je suis très heureux (se) d'être enfin arrivé dans votre beau
pays. »
Ces « journalistes » seront alors enchantés,
hors d'eux-mêmes. Il se peut même que quelques vedettes de la télévision ne
pensent pas momentanément à leur coiffure et négligent une fraction de leur
apparence. C'est vous dire l'effet de vos mots, même s'ils sont peu nombreux.
N'oubliez pas, chers réfugiés, de répéter qu'après un vol de neuf heures, vous êtes (e) content(e), mais un peu
fatigué(e). Cela ajoutera une touche de « human interest » au reportage du journaliste de
la télé. Il risque d'y avoir une troisième question (de la part des plus
intellectuels de ces journalistes de la télé, ceux qui vivent sur le Plateau -
on vous expliquera cela plus tard, car ce n'est pas très important).
Troisième question profonde : «
Qu'allez-vous faire demain, et où allez-vous vous installer ? »
À cela, je vous conseille de répondre au
journaliste de poser sa question aux gens et aux organismes qui s'occupent de
votre accueil. IL NE VOUS EN VOUDRA PAS.
Il aura eu sa « clip sonore ». Ça lui suffit.
Si un journaliste de la presse écrite
souhaite échanger avec vous, n'hésitez pas : il veut faire de l'information,
pas donner un spectacle. Vous le reconnaîtrez à sa tenue vestimentaire
négligée, et au fait qu'il est seul, sans caméra de télévision.
Un dernier mot. Vous êtes arrivés dans un
pays de liberté, et cette liberté vous permet de ne pas parler à la presse si
vous n'en avez pas le goût ou l'envie. Rappelez-vous-en. J'espère que cette
petite leçon sur nos médias vous sera utile, si vous la lisez.
À nouveau, bienvenue dans ce havre de
liberté qu'est le Canada. Je vous souhaite le mieux pour la suite de votre vie et
celle de votre famille ici.
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