Il ne faut pas que l'élection générale présentement en cours nous fasse oublier les bonnes nouvelles. Pour les Québécois, la plus récente bonne nouvelle a été celle de la Caisse de dépôt et placement du Québec. C'était le 26 février dernier, a.e.g. (avant l'élection générale). Ce jour-là, on apprenait que avait « généré un rendement moyen de 13,1 % en 2013, une preuve que la stratégie d'investissement de la Caisse « porte fruit », selon le président et chef de la direction, Michel Sabia. » (Citation extraite du Huffington Post Québec, 26 février 2014)
Bonne nouvelle pour nous tous, en effet. Mais comme la devise de ma province est "Je me souviens", j'ai décidé de me rappeler les vieux jugements de nos principaux nationaleux lorsque M. Sabia a été nommé à la tête de la Caisse.
À cet égard, il est très très instructif de relire un article du Devoir, notre organe nationaliste par excellence, publié le 14 mars 2009. Les surlignages sont les miens. Lisez plutôt:
« LE DEVOIR, SAMEDI 14 MARS 2009
Un choix qui suscite beaucoup de scepticisme
Les réactions étaient généralement
mitigées hier à la suite de la nomination de Michael Sabia à titre de président
et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec. On se dit
à la fois sceptique quant à sa capacité de faire face à la musique et étonné
par la rapidité de la désignation de ce dernier comme dirigeant du «bas de
laine» des Québécois.
L'ancien premier ministre Bernard Landry a été le premier à
décrier ce choix. «C'est plus qu'une erreur, c'est une faute qui s'approche de
la provocation», a-t-il lancé quelques minutes à peine après l'annonce. «Cet
homme-là, en dépit de ses mérites économiques, était le dernier profil à
choisir pour diriger cette institution. Je pense que le gouvernement commet une
sorte de provocation, et même dans les rangs des libéraux québécois, ça ne
devrait pas être bien accueilli», a ajouté celui qui a déjà été ministre des
Finances du Québec.
M. Landry a pris soin de souligner que sa critique n'avait «rien à voir avec le
lieu où est né M. Sabia», qui est originaire de l'Ontario. «C'est son parcours,
sa culture socioéconomique et sa culture nationale, qui est canadian. Il nous l'a d'ailleurs prouvé
encore dernièrement. Il était l'artisan du transfert à Toronto de BCE, qui est
un des fleurons de l'appareil décisionnel économique de Montréal, avec toutes
les conséquences que cela aurait pu avoir.»
Selon lui, il aurait plutôt fallu choisir «quelqu'un qui aurait passé sa vie
dans la culture socioéconomique québécoise, qui épouse le modèle québécois»
pour diriger «la plus grande institution financière du Québec, avec toute la symbolique
qu'elle représente».
«Offensant»,
dit Yves Michaud
Le fondateur du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires, Yves
Michaud, a quant à lui insisté sur le caractère «cavalier» et «offensant» de
cette nomination «à la limite de la légalité». «Je n'ai jamais vu ça qu'un
conseil d'administration amputé de la moitié de ses membres fasse une
recommandation au gouvernement qui, lui, passe un décret sans avoir nommé tous
les nouveaux membres du conseil d'administration», a-t-il insisté.
Il a du même coup réitéré sa suggestion selon laquelle le choix du dirigeant de
la Caisse devrait se faire aux deux tiers des députés de l'Assemblée nationale.
M. Michaud ne souhaite cependant pas juger M. Sabia avant de voir ce qu'il fera
à la tête de l'institution.
Ancien président-directeur général de la Caisse de dépôt et placement du Québec
de 1980 à 1990, Jean Campeau s'est pour sa part dit «sceptique» quant à la
nomination de M. Sabia. «Pour être dirigeant de la Caisse, il faut avoir la
passion du Québec, il faut avoir une attitude missionnaire dans le
développement régional, et je me demande si M. Sabia a ça en lui», a-t-il dit
au journal Les Affaires.
La performance de M. Sabia lorsqu'il était à la tête de BCE, de 2002 à 2008,
amène en outre M. Campeau à douter de ses qualités de gestionnaire. «On
rapporte qu'il est incapable de prendre des décisions, qu'il blâme les autres
pour ses échecs, est-ce que c'est vrai? Je ne le sais pas, mais j'espère que
non.»
De son côté, l'investisseurs Stephen Jarislowsky a surtout tenu à rappeler
l'ampleur de la tâche qui attend Michael Sabia, et ce, malgré sa grande
expérience en tant que gestionnaire. «S'il veut être cuit, je crois que c'est
un bon choix», a-t-il laissé tomber à un quotidien montréalais.
L'analyste Michel Nadeau, qui a déjà été le numéro deux de la Caisse, a rappelé
que M. Sabia n'a peut-être pas toutes les cordes à son arc pour diriger
l'institution. «Il a trois grandes carences. Il ne s'y connaît pas en
placements, sa performance dans la gestion n'a pas été très bonne et sa
connaissance du mandat [de contribution à l'essor économique du Québec] est
très, très faible.» Selon lui, «le gouvernement voulait arrêter l'offensive
péquiste» sur la gestion de la Caisse en procédant à cette nomination dès
maintenant. »
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Édifiant, n'est-ce pas ? Les procès d'intention de ces esprits tellement ouverts à l'Autre et aussi accueillants demeurent, cinq ans plus tard, très révélateurs d'une certaine attitude de nos milieux nationalistes au Québec.
Michael Sabia, si mon souvenir est exact, n'a pas répondu à ces attaques et à ces insinuations de bas étage. Il s'est mis au travail pour tenter de corriger les graves erreurs de gestion de son prédécesseur, Henri-Paul Rousseau (un vrai Québécois, sous la gouverne duquel la Caisse de dépôt a perdu, quoi, 40 milliards ?).
De fait, Michael Sabia, ce "Canadian", selon Bernard Landry, cet homme qui n'aurait pas "la passion du Québec", selon Jean Campeau, qui "ne s'y connaît pas en placements, [dont la] performance dans la gestion n'a pas été très bonne et [dont la] connaissance du mandat [de contribution à l'essor économique du Québec] est très, très faible" suivant Michel Nadeau, Michael Sabia, donc, a réussi à redresser la Caisse et à générer un rendement moyen de 13,1 % en 2013.
Les Québécois auraient intérêt à cesser d'écouter nos vieilles barbes nationalistes et à juger davantage sur les faits.
Monsieur Sabia, je vous remercie pour cette belle année 2013...
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Crédits images:
Caisse de dépôt et de placement: PC
Michael Sabia: TVA Nouvelles