Hier, alors que je laissais aller librement ma plume pour écrire un peu n’importe quoi, j’ai complètement oublié qu’à l’origine, je voulais traiter du sens de cette fête qu’est l’Action de grâces. Ça m’est sorti de la tête, tout simplement. Puis, hier soir ou ce matin, j’ai eu cette révélation : je n'ai pas écrit un mot là-dessus.
Je ne culpabilise pas,
mais je me demande pourquoi mon intention de départ est disparue ainsi. J’ose une
réponse.
Dans l’Encyclopédie
canadienne[1],
je lis ceci : « L’Action de grâce est célébrée pour
la première fois de façon annuelle et officielle au Canada le 6 novembre 1879,
bien que les peuples
autochtones au Canada célébraient la récolte automnale bien avant
l’arrivée des colons européens. Sir
Martin Frobisher et son équipage sont les premiers Européens à
célébrer l’Action de grâce en Amérique du Nord, en 1578. La tradition est
rapidement imitée par les habitants de la Nouvelle-France sous
l’autorité de Samuel
de Champlain en 1606. Les célébrations s’accompagnent de la dinde, qui
ne se trouve qu’en Amérique du Nord à l’époque. La courge et la citrouille,
elles, sont introduites en Nouvelle-Écosse dans
les années 1750. Il faudra attendre les années 1870 avant qu’elles soient mieux
connues ailleurs sur le territoire canadien. En 1957, on décrète que l’Action
de grâce devra être célébrée tous les deuxièmes lundis du mois d’octobre.
L’Action de grâce est un jour férié officiel partout au Canada, sauf à l’Île-du-Prince-Édouard,
au Nouveau-Brunswick,
et en Nouvelle-Écosse. »
Bon, c’est évident que l’Action de grâces est une fête des récoltes, une fête de la reconnaissance envers Dieu pour des récoltes réussies et engrangées pour passer l’hiver. Disons que cela était vrai il y a 75 ou 125 ans, même avant cela. Mais aujourd’hui, en 2020, fêter l’Action de grâces dans nos milieux urbanisés où 90% de la population réside, ça fait un peu curieux.
Je sais, vous allez me dire que plein de gens,
aujourd’hui, en raison notamment de la pandémie reliée à la Covid-19, ont
développé de petits lopins agricoles un peu partout : sur leur toit, sur
leur balcon, dans leur cour, dans les jardins communautaires installés ici et
là, et c’est très bien. Ces gens-là ont raison de fêter leurs récoltes. Ils et
elles ont travaillé dur et fort et ce n’est que juste qu’ils et elles profitent
du résultat de leurs efforts assidus avec les fruits et légumes ainsi produits.
Cependant, ces agriculteurs urbains demeurent
une minorité. La majorité « fait ses récoltes » au supermarché, parce que les
habitudes de vie ont changé du tout au tout depuis un siècle et plus. On ne
parle plus d’agriculture, mais plutôt « d’industries agro-alimentaires » ;
les fermes familiales ont laissé la place à des exploitations agricoles de
taille quasi-industrielle. Un réseau tissé serré assure la cueillette, la transformation
et la livraison dans les épiceries des produits nécessaires à l’alimentation.
La grande majorité des gens habitant les
sociétés occidentales n’a plus aucun motif de célébrer l’Action de grâces.
Cette fête ne rime plus à rien, sauf à une fin de semaine de trois jours. Mais
comme dans le cas de l’Halloween (fête totalement vide s’il en est une), on
continue à profiter du lundi de congé et surtout, hélas, on ne se demande même plus
pourquoi cette « fête » existe.
À bien y penser, tout ça, c’est quand même
bizarre, non ?
Image : La Presse canadienne, Matthew Meade