Mon enfance s’est
déroulée, pour l'essentiel, entre 1950 et 1960. Né en 1944, j'ai eu 6 ans en
1950. Mes souvenirs ne sont pas très précis pour toute cette décennie, mais je
me rappelle surtout que l'été, c'était la fin des classes, la liberté de jouer
dans la cour de la maison ou au parc tout près, et un certain silence, un
certain calme. Après dix mois de discipline scolaire, de devoirs, de leçons, la
fête de la Saint-Jean représentait la liberté estivale, le farniente, même si on ne connaissait pas ce mot. Bien sûr, il
subsistait une certaine discipline à la maison, mais c'était davantage pour
notre bien et notre sécurité que pour nous opprimer.
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Au Parc Léonard,
niché entre le Boulevard Gouin et la Rivière des Prairies, on s'amusait pendant
que les plus grands jouaient dans un coin du parc à la balle molle ou au
baseball. On avait des balançoires, des carrés de sable pour les « bébés »,
comme on disait du haut de nos huit ou neuf ans… Une fois par été, si je ne
m'abuse, il y avait une tombola au parc. Des jeux, des kiosques étaient érigés
et une atmosphère festive, avec de la musique, des spectacles et des guirlandes
de lumière nous remplissait les yeux d'émerveillement. Si on avait quelques
sous, on se payait la traite : un petit sac de chips Maple Leaf et un Coke en
bouteille faisaient de notre journée un succès… La tombola durait, je ne sais
plus, quelques jours ou même une semaine. Puis, le parc retrouvait son calme
habituel. Mis à part les éclats de voix des enfants, le parc était plutôt
silencieux.
Moi, j'étais un « liseux
». J'aimais lire. Dès que j'ai eu neuf ou dix ans, on m'amena en tramway à une
bibliothèque municipale au coin de Lajeunesse et Gouin. La bibliothèque était
logée en haut d'un poste de pompier. Pour y accéder, il fallait grimper un long
escalier en métal qui résonnait sans bon sens. J'empruntais trois livres et je
revenais à la maison, toujours en tramway. Généralement, j'avais lu mes trois
romans en une journée. Le lendemain, je recommençais. J'ai dû faire cela un ou
deux étés à Montréal-Nord. Puis, mes parents ont déménagé à Rosemont. J'avais
quelques années de plus, et mon père m'avait acheté une bicyclette à un encan
de la police. La bécane avait deux barres et devait peser trente livres, mais
c'était ma bicyclette. Rapidement, l'été, j'ai poursuivi mon manège de lecteur
vorace en me rendant à bicyclette à la bibliothèque municipale au coin de
Bellechasse et de la 8e avenue. Le manège des trois livres lus en une journée
se poursuivait. Mais je ne faisais pas cela sept jours par semaine.
J'allais aussi au
parc où j'ai vu la Roulotte de Paul Buissonneau, et le comédien lui-même nous
présenter des comédies. On jouait aussi à différentes sortes de jeux sur le
gazon. D'autres jours, je devenais
explorateur de Montréal. Je partais en bicyclette sans but précis, pour connaître
la ville. Ma mère s'inquiétait un peu et me disait d'être prudent. Souvent je
revenais pour le repas du midi et je passais mon après-midi à lire en
grignotant des carottes… L’été, c’était tranquille.
Aujourd’hui, pareil
régime de calme et de tranquillité est impensable. L’été, maintenant, rime avec
party. Les festivals de n’importe quoi se succèdent les uns aux autres. On
ferme les rues. Les haut-parleurs sont omniprésents. On a des feux d’artifices
pour avoir des feux d’artifices. On s’invente des anniversaires pour fêter
bruyamment encore plus, même si ces anniversaires sont plus ou moins bidons,
comme le 375e de Montréal ou le 150e du Canada, pourtant
découvert en 1534 par Jacques Cartier. J’ai entendu dire que le maire Coderre voulait
préparer activement les fêtes du 380e de Montréal… Disons que le 400e
de la fondation de Québec en 2008, c’était un réel anniversaire.
Cette pléthore de
fêtes n’est pas l’apanage de Montréal, de Québec ou du Québec. C’est partout.
Les entreprises créatrices d’événements – oui, oui, ça existe et on les
subventionne grassement – se multiplient et font preuve d’une imagination sans
limites pour distraire les citoyens et ça, du plus petit hameau à la plus
grande ville.
Dites, est-ce que les gens s’ennuient tant que cela ? Je pense qu’en général, oui, les gens s’ennuient. Sinon, comment expliquer les foules qui se bousculent au moindre événement festif, au moindre festival de l’épingle à linge? Peut-être que c’est la platitude sidérante de la télévision en été qui explique un peu cela. Après tout, à quoi serviraient les étés si on n’en profitait pas pour s’envoyer en l’air.
Dites, est-ce que les gens s’ennuient tant que cela ? Je pense qu’en général, oui, les gens s’ennuient. Sinon, comment expliquer les foules qui se bousculent au moindre événement festif, au moindre festival de l’épingle à linge? Peut-être que c’est la platitude sidérante de la télévision en été qui explique un peu cela. Après tout, à quoi serviraient les étés si on n’en profitait pas pour s’envoyer en l’air.
Ah… le monde moderne. Je vais aller faire une sieste...