La course devait être facile pour
Alexandre Cloutier, presqu'un couronnement. Puis vînt Jean-François Lisée,
brouilleur de cartes professionnel. Et une seconde course a démarré, davantage
pour consommation médiatique que pour rejoindre un à un, comté par comté, les
membres votants du PQ. Cette seconde course en devient essoufflante, notamment
en raison des attaques pas toujours très… gentilles que les candidats se
lancent les uns aux autres. Elle devient aussi, en apparence du moins, une
course qu'on dit plus serrée entre les deux principaux candidats, ceux du
gradin supérieur, bien sûr.
Je ne connais personnellement aucun des
quatre candidats et je ne suis pas membre du PQ. Mais ma perception d'Alexandre
Cloutier est celle d'un jeune politique brillant dont le bref passage aux «
relations intergouvernementales canadiennes et à la gouvernance souverainiste »
n’a pas laissé de souvenirs ou de squelettes très particuliers. Bel homme
(comme l'autre, à Ottawa), Cloutier est sérieux, réfléchi, prudent et jusqu'à
un certain point prévisible. Mine de rien, même s'il n'a que 39 ans, cela fera
dix ans l'an prochain qu'il siège à l'Assemblée nationale comme député du Lac
St-Jean. On a dit et écrit qu'il est le favori de l'appareil du PQ. L'intéressé
le nie fermement, mais l'affirmation lui colle à la peau.
Jusqu'ici, il a mené une campagne qui
lui ressemble, une campagne positive et souriante sous le thème de «
Rassembler, construire, gagner ». Plus récemment, son sourire s'est un peu
crispé. Sa position référendaire lui a attiré quelques volées de bois vert,
surtout de la part de la pasionaria
de l'indépendance, Martine Ouellette. Les péquistes sont peut-être
indépendantistes, mais, en général, ils ne sont pas suicidaires au plan
politique. Avec Alexandre Cloutier à sa barre, le PQ continuerait
vraisemblablement son chemin sans trop dévier du sentier qui a été le sien
depuis une bonne quinzaine d'années.
Et puis, il y a Jean-François Lisée.
L'auteur prolifique de plusieurs bons bouquins, et de quelques-uns moins bons,
le blogueur permanent, la machine à idées, le tacticien par excellence, le
stratège même, écrivent certains chroniqueurs qui devraient savoir faire la
différence entre les deux mots, bref, Lisée le spectaculaire. Pour lui, la fin
justifie les moyens. Sa position référendaire ? On en fera un dans un second
mandat. Pour le reste, Lisée a fait les manchettes régulièrement en prenant une
position plus dure sur l'identité, jouant du même coup sur la peur de l'autre,
surtout si l'autre est musulman (« moins d'immigrants, mais de 'meilleurs' »).
Il a aussi réussi le tour de force de revenir à l'avant-plan du PQ après en
avoir été le paria pour avoir dit publiquement que PKP était une bombe à
retardement. Faut quand même le faire.
Lisée a des idées sur tout et à peu près
tout le temps : les sièges sociaux, l'éducation, l'économie et les
exportations, l'intégration des immigrants (les meilleurs, je le répète), une
concordance culturelle. En voulez-vous, en v'là ! Ça peut être amusant de le
voir aller, mais en même temps, on ne peut s'empêcher de penser à l'image du « loose canon on the deck » quand on
regarde aller ce candidat qui fait flèche de tout bois. Cette expression, pour
ceux qui ne la connaissent pas, désigne une personne ou une chose imprévisible,
apte à causer des dommages si elle n'est pas contenue par d'autres.
Lisée a de grandes qualités, mais il en
a aussi les défauts. Sa vanité est légendaire, et son arrogance naturelle,
temporairement contrôlée ces jours-ci, ne pourra que surgir à nouveau s'il est
élu chef le 7 octobre. D'ailleurs, est-ce que quelqu'un le croit vraiment quand
il dit qu'une fois élu chef, il se voudra « rassembleur » ? À mes yeux, il me
semble davantage du genre à faire le ménage chez ceux qui ne l'ont pas appuyé
ou qui l'ont hué quand il s'en prenait l'an dernier seulement à PKP. De plus,
sa capacité de travailler en équipe est loin d'être démontrée.
Un PQ sous la gouverne de Jean-François
Lisée serait, suivant certains, moins ennuyant et plus drôle, notamment en
Chambre. D'autres salivent à l'idée des joutes entre Lisée et Philippe
Couillard et croient que les talents oratoires de Lisée aideront le PQ à battre
les libéraux en 2018. C'est évidemment possible. De là à dire que c'est
probable, c'est un pas que je refuse de franchir pour le moment.
S'il est élu
chef, Lisée va brasser le PQ et oui, on aura plus de plaisir à regarder la
joute politique provinciale. Mais cela ne règle en rien les problèmes de fond
pour ce parti.
En définitive, la question fondamentale
qu'il faut se poser alors qu'on approche de la fin de cette course, c'est la
suivante : que ce soit Jean-François Lisée ou Alexandre Cloutier qui gagne la
chefferie le 7 octobre prochain et devient le nouveau chef, le PQ sera-t-il
davantage en mesure de renverser les tendances lourdes démontrant de plus en
plus qu'il est le parti d'une génération, essentiellement celle des baby
boomers, et que les jeunes s'y intéressent de moins en moins ?
On peut dire et promettre bien des
choses durant une course à la chefferie. Mais les chiffres, eux, sont là et ne
mentent pas. Pour le PQ, l'heure n'est peut-être pas à la rigolade.