Dans le Livre biblique de
Daniel, le dernier roi de Babylone, Balthazar, assiégé par Cyrus dans sa
capitale, se livre à une orgie avec ses courtisans ; dans une forfanterie
d'impiété, il fait servir sur les tables les vases sacrés que Nabuchodonosor
avait autrefois enlevés au Temple de Jérusalem. Cette profanation à peine
commise, le monarque voit avec épouvante une main qui trace sur la muraille, en
traits de flamme, ces mots mystérieux : « Mane, Thecel, Phares », soit « compté, pesé, divisé » que le prophète Daniel,
consulté, interprète ainsi : « Tes jours sont comptés ; tu as été trouvé trop léger dans la balance ; ton
royaume sera partagé ». Dans la même nuit, en effet, la ville est prise.
Balthazar est mis à mort et la Babylonie partagée entre les Perses et les
Mèdes.
Je ne veux pas écrire
ici, avec le confort et la vue a posteriori parfaite des entraîneurs sportifs du lundi matin, que la défaite amère du
Parti québécois à l'élection du 7 avril 2014, était écrite sur les murs du
Parlement de Québec.

Au plan historique
Le Parti québécois se
dirige, depuis près de vingt ans, vers un cul-de-sac électoral. Andrew Coyne,
ce commentateur politique que les nationalistes québécois aiment détester en se levant
le matin, a écrit avec justesse : «In the eight elections from 1970 to 1998, the PQ averaged almost 43%
of the vote. In the five
elections since then they have averaged barely 30%.[2]» Il n'est pas le
seul commentateur, loin de là, à avoir fait ce constat.
Le 7
avril dernier, le PQ a obtenu 25 % des voix exprimées. La tendance vers le bas
se maintient pour le parti.
Au plan sociologique
Il y a
plus grave. Les chiffres de l'élection du 7 avril montrent que les jeunes, les 18 - 34 ans, ont déserté le Parti Québécois. Les
enjeux liés à la souveraineté politique du Québec ne les intéressent pas, ne
les motivent pas. L'article Un du programme du Parti québécois les laisse de
glace. Ces jeunes sont maintenant ailleurs. Mais le PQ demeure le parti politique
favori des 55 - 64 ans, les baby-boomers.
Ce n'est pas très prometteur pour l'avenir.
Par ailleurs, l'ex-ministre Jean-François Lisée en fait lui-même le constat, «Le fait majeur de l'élection est donc le déplacement du vote
francophone, dans tout le territoire, du PQ vers le PLQ. Un signal extrêmement
fort.[3] »

Je ne parle pas des avancées de la CAQ et de Québec solidaire (en termes de nombre de comtés), qui démontrent encore une fois la poursuite de l'implosion de la coalition du parti fondé par René Lévesque il y a plus de 40 ans.
Enfin, le Parti québécois a perdu son
emprise sur le "450", c'est-à-dire sur les couronnes Nord et Sud de
Montréal, qui se sont réparties entre la CAQ et le Parti libéral.
Tout cela représente un changement social et politique majeur dans l'histoire de ce parti et du Québec.
Tout cela représente un changement social et politique majeur dans l'histoire de ce parti et du Québec.
Un gouvernement médiocre
Un
autre facteur doit être considéré dans cette analyse postélectorale. Pendant son séjour au pouvoir, le gouvernement du Parti québécois, entre septembre
2012 et juin 2013, a accumulé erreur par-dessus erreur, gaffe par-dessus gaffe.
Le
drame de Lac-Mégantic en juillet 2013 est venu en quelque sorte 'réchapper' le
gouvernement de Madame Marois. L'empathie bien réelle de la première ministre
dans ces circonstances éprouvantes et l'action énergique et, enfin, coordonnée
de ses ministres et ministères, tout cela est venu rassurer les Québécois : ils
avaient enfin un gouvernement sérieux à la barre du navire.

Ce
faisant, le Parti québécois s'aliénait non seulement les néo-Québécois et les Anglo-Québécois, mais aussi et surtout une bonne partie des Québécois francophones pure laine incapables d'accepter cette vision du Québec.
De plus, il jetait aux poubelles de l'histoire plus de trente années d'efforts sincères de rapprochements avec les minorités sur son territoire, efforts entrepris par Gérald Godin et Jacques Couture à la fin des années 1970. Pire encore, le gouvernement péquiste, sur ce projet de charte, refusait tous les compromis honorables qui lui étaient proposés. Minoritaire, il a adopté la ligne dure d'un gouvernement majoritaire.
De plus, il jetait aux poubelles de l'histoire plus de trente années d'efforts sincères de rapprochements avec les minorités sur son territoire, efforts entrepris par Gérald Godin et Jacques Couture à la fin des années 1970. Pire encore, le gouvernement péquiste, sur ce projet de charte, refusait tous les compromis honorables qui lui étaient proposés. Minoritaire, il a adopté la ligne dure d'un gouvernement majoritaire.
Au
total, malgré quelques très bons projets de loi rassembleurs, le gouvernement
du PQ n'a pas été un très bon gouvernement. Il ne méritait pas d'être réélu, et
c'est ce que les Québécois semblent bien avoir décidé, le 7 avril dernier.
Une campagne tactique
Un dernier mot sur la
campagne déclenchée le 5 mars dernier. Au moment d'écrire ces lignes, on ne
sait pas encore très bien pourquoi Madame Marois a décidé d'aller en élection.
Sa seule explication,
c'est qu'elle désirait avoir « tous les pouvoirs » pour faire adopter ses
projets de loi et faire progresser le Québec. C'est vrai que l'opposition a
bloqué quelques projets de loi, mais c'est tout aussi vrai qu'elle a voté en
faveur d'autres projets de loi. L'opposition à l'Assemblée nationale n'a pas
fait de blocage systématique envers les projets gouvernementaux. Bien sûr,
l'opposition avait annoncé son intention de voter contre le budget Marceau tel
que présenté. Mais il n'y a pas eu de vote. Madame Marois a plutôt choisi
d'aller en élection.
Ce faisant, elle
s'imposait un très lourd fardeau de la preuve: son gouvernement ne faisait face
à aucune motion de non-confiance; son gouvernement n'avait pas été renversé en
Chambre; de plus, en déclenchant les élections, elle violait sa propre loi sur
les élections à date fixe, pensant profiter de sondages favorables. Sa loi
devait prévenir précisément ce genre de comportement de la part d'un chef de gouvernement.

Est arrivé ensuite Monsieur Péladeau, le poing en l'air pour "le pays". Le reste de la campagne fut dédié au rattrapage sans succès d'un plan de match électoral sans dessein stratégique clair. On connaît la fin de l'exercice.
Et la suite…
Nous sommes maintenant
entrés dans la saison des examens de conscience chez les membres du Parti
québécois. Ce qu'on entend jusqu'ici à ce propos, sauf rarissimes exceptions, n'est guère
encourageant pour l'avenir de cette formation politique.
C'est "more of the same"... Personne n'ose vraiment remettre en question l'article Un du programme, alors qu'il constitue de façon de plus en plus évidente le cœur du problème fondamental du PQ. Mais cet article est aussi le ciment qui tient ensemble ce qui reste de ce parti politique. L'avenir s'annonce difficile.
C'est "more of the same"... Personne n'ose vraiment remettre en question l'article Un du programme, alors qu'il constitue de façon de plus en plus évidente le cœur du problème fondamental du PQ. Mais cet article est aussi le ciment qui tient ensemble ce qui reste de ce parti politique. L'avenir s'annonce difficile.
Le PQ va tenir une
course à sa chefferie, mais en regard de sa place dans l'évolution politique du
Québec et de son propre cheminement comme organisation, cette course risque d'être aussi anecdotique, ultimement, que celle qui a fait de
Gabriel Loubier le chef de l'Union nationale en 1971, ou de Daniel Paillé le chef du Bloc québécois plus récemment.
Le prochain chef du PQ risque
fort d'être le dernier leader significatif de cette formation politique.
____________________________
Images: Le Devoir, Radio-Canada, Internet