Hier soir, pendant le téléjournal de 18h, j’ai éprouvé un immense sentiment d’angoisse. En effet, Patrice Roy, l’animateur plus ou moins quelconque de cette émission de divertissement, nous a annoncé que le président trump prendrait la parole à 18h30 et que son allocution serait télévisée en direct au téléjournal. Jusque-là, ça va.
Puis, vers 18h30, pas de trump, en retard comme à l’habitude.
Patrice Roy, qui avait prévu le coup, a sorti quelques analystes (la plupart du
temps, ce sont les mêmes) dont la grande qualité tient à leur inépuisable verbosité.
Patrice Roy leur a posé des questions fleuves où il livrait lui-même la réponse
et leur a laissé du temps, question d’attendre trump, aussi nommé Lyingdonald.
Puis, vers 18h45 ou 18h50, trump
est arrivé dans la salle de presse de la Maison blanche et a commencé son « allocution
». En moins de deux minutes, il divaguait sérieusement, dénonçait sans aucune
preuve la corruption qui a eu lieu (ô miracle) dans les seuls états où un
gouverneur démocrate est en fonction, a dit qu’il avait gagné grâce aux votes «
légaux », a dénoncé les votes « illégaux » (par la poste, etc.) Bref, du trump mensonger
ordinaire, mais animé par le désespoir de celui qui voit bien, malgré ses
mensonges et ses illusions de grandeur, que les chiffres ne lui sont pas
favorables.
Alors, dans un brouillon constant,
il a continué à avancer toutes sortes de chiffres prouvant… pas grand-chose.
Mais, me direz-vous, où se situe ton angoisse ?
Voici. À 19h à Radio-Canada, il y
a une série policière quotidienne intitulée « District 31 ». C’est un grand succès
de télévision, c’est brillamment écrit et brillamment interprété et environ un
million et demi de téléspectateurs sont accrocs à cette émission de 30 minutes
quatre soirs par semaine, du lundi au jeudi.
Hier soir, je regardais les
minutes défiler sur mon cellulaire et je me demandais si Patrice Roy, excité
sans bon sens, exigerait de Radio-Canada que la diffusion des âneries
mensongères de trump continuerait au-delà de la marque sacrée de 19h. Plus les
minutes avançaient, plus mon angoisse augmentait.
Mais finalement, à 18h59, Patrice
Roy, échappant ainsi à une vengeance populaire sérieuse, est apparu brièvement
en ondes pour nous dire que le discours du président trump continuerait d’être
diffusé à RDI et que la première chaîne, la télévision générale ordinaire de
Radio-Canada, poursuivait avec sa programmation normale, dont avec District 31
à 19h.
C’est dire : j’ai failli
presque pleurer tant mon soulagement fut profond. Un peu plus et je me mettais
à aimer Patrice Roy, mais un reste de convenance m’a ramené à la raison. Mon
angoisse avait été évacuée et, Dieu merci, Radio-Canada télé a fait comme plusieurs
réseaux américains : elle a coupé le sifflet à trump. C’était tout ce qu’il
méritait.
***
Un dernier mot : Radio-Canada
annonce toujours le bulletin de nouvelles de 18h comme étant le « téléjournal
avec Patrice Roy », même quand un autre journaliste le remplace à la
présentation de ces nouvelles à cette heure-là.
Faudrait rappeler à Radio-Canada
qu’elle est une société d’état financée à même nos impôts et que le bulletin de
nouvelles n’appartient pas à un journaliste qui prétend au statut de vedette.
Les bulletins de nouvelles appartiennent au public, point à la ligne.
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