Avant que l'impitoyable actualité ne
chasse l'ouragan Irma des écrans et donc de nos souvenir, il est peut-être bon
de revenir sur l'étrange épisode auquel on a assisté.
Ne parlons pas ici de
l'ouragan lui-même, mais des réactions qui n'ont pas manqué de voir le jour
pratiquement en même temps que cette tempête.
Au Québec, on a assisté dans les médias
et sur les réseaux sociaux à une recherche frénétique et immédiate des
responsables, de ces coupables qui ont laissé ces pauvres touristes abandonnés sur des îles des Caraïbes avant,
pendant et après l'ouragan Irma. Les doigts se sont vite pointés : qui est
responsable ? Les compagnies aériennes ? Les voyagistes ? Les gouvernements ?
Qui ?
Avec la vision parfaite du gérant d'estrade
après la partie, la ronde des « il aurait donc dû » a commencé. Il aurait fallu
évacuer les touristes avant l'ouragan. Il aurait fallu leur porter secours
pendant l'ouragan. Il aurait fallu les ramener au pays dès le lendemain du
passage de l'ouragan. Le gouvernement s'est traîné les pieds. Hé que c'est
facile après coup de régler le sort du monde…
Bien sûr, commentateurs et chroniqueurs
n'ont pas beaucoup insisté sur les faits tels qu'ils étaient au moment de
l'ouragan. Un avion, aussi gros soit il, ne peut atterrir sur un piste qui est
sous trois pieds d'eau ou encombrée de débris de toutes sortes. Avec des
installations aéroportuaires souvent élémentaires ou endommagées, envoyer des
avions immédiatement dans la suite de l'ouragan n'aurait pas été très
intelligent. L'évacuation par la mer est également déconseillée quand les
vagues atteignent dix ou vingt mètres…
De plus, bien des touristes auraient
refusé de quitter leur coin de paradis sous prétexte qu'une tempête approchait.
Parce que voyez-vous, le « fake news » popularisé par Trump a des effets ici
aussi. Contrairement à une opinion répandue, on n'est pas inoculé contre la
bêtise au Québec. « Voyons donc, ça va être moins pire que ce que les médias
racontent… Ils exagèrent toujours… »
Cette montée de lait un peu stupide ne
va pas durer. On va vite passer à autre chose, heureusement. Il y a cependant
un autre aspect de cet épisode qui devrait retenir l'attention. Les touristes
qui sont allés passer du temps dans le sud en septembre l'ont fait volontairement.
Personne ne les a forcés. Parmi ces touristes, combien ont pris la précaution
de s'inscrire auprès de l'ambassade ou du consulat canadien le plus près, ou du
ministère canadien des affaires étrangères avant de partir ? Il semble que bien
peu d'entre eux l'aient fait.
Voilà qu'un ouragan survient… en pleine
saison des ouragans. Quelle surprise ! « On ne pensait pas qu'il serait si fort
»… Pourtant, quelques jours avant qu'Irma s'abatte sur les Antilles, les
spécialistes prévenaient déjà qu'il s'agissait de la plus importante tempête à
avoir surgi de l'Atlantique et ce, depuis qu'on mesure ces phénomènes
météorologiques.
On peut comprendre qu'un touriste en vacances ne veuille pas
se distraire avec les nouvelles, surtout si ce touriste n'a pas déjà pris
l'habitude de les écouter quand il est au pays. Mais voilà. Tu es en vacances
dans le sud, là où l'eau est turquoise. On est en septembre, mois qui fait
partie de la saison des ouragans depuis toujours, il faut le répéter.
Le
touriste est allé dans ces paradis de plein gré. Il est le premier et seul
responsable de son sort et le gouvernement n'a rien à y voir. Il y a tout de
même des limites à toujours demander à
l’État, à la collectivité, d’assumer les conséquences de choix individuels
librement consentis.
Note : Avec la collaboration de mes vieux complices de Québec: Normand Chatigny, Denys Larose et Jean-Noël Tremblay.
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