Euh ?
Est-ce
illusoire de trouver, dans ces deux nouvelles récentes, une autre illustration
d'une certaine décadence de notre civilisation, d'une perte du sens des valeurs
? On ne sait pas combien gagne Kent Nagano avec l'Orchestre symphonique de
Montréal, mais on est sûrement loin des millions de ces joueurs de hockey. On
sait à peu près comment sont payés les recteurs et les professeurs
d'université, nos premiers ministres et les députés élus, tout comme les
enseignants du primaire et du secondaire à qui des centaines de milliers de
parents confient leurs enfants la majeure partie du temps entre septembre et
juin. On est loin des sommets vertigineux de rémunération de nos talentueux manipulateurs
de rondelles sur la glace.
Bien
sûr, il ne faut pas être naïf. C'est le capitalisme sauvage et la valse des
millions qui mènent les sports professionnels. Mais de là à admirer ces joueurs
et surtout à applaudir leur indécente rémunération, il y a une marge. Une
grande marge. Il semble qu'on pourrait se garder une petite gêne, oser même remettre
en question le niveau de ces salaires qui sont clairement hors du sens commun et de toute raison.
Lorsque
sont publiées les conditions de rémunération des dirigeants de grandes
entreprises ou des banques, il y a toujours un escadron de protestataires qui
dénoncer ces dirigeants qui « s'en mettent plein les poches ». Pourtant, ces
dirigeants fondent et/ou dirigent des entreprises qui sont créatrices de
richesses et d'emplois.
On a hurlé quand il fut appris que la présidente du
Mouvement Desjardins voyait son salaire approcher les 4 millions $ par année.
Mais Madame Leroux était ultimement responsable de la bonne marche et du
progrès du Mouvement Desjardins auquel des millions de Québécois confient leurs
épargnes et leurs économies en vue de leur retraite. Madame Leroux, tout comme
son successeur, jouent un rôle objectivement et collectivement pas mal plus
important que celui, tout talentueux soit-il, du gardien du Canadien. Il
en va de même pour tous les autres dirigeants de banques, de sociétés de
placements, d'entreprises, qu'elles soient grosses, moyennes ou petites.
Que
dire aussi des médecins, des policiers, des infirmières, des préposés, des
travailleurs de la construction ou des ouvriers d'usine ? Non seulement ces
personnes assument une responsabilité personnelle, mais ils jouent des rôles
essentiels dans la bonne marche quotidienne de la société. Non, ils ne gagnent
pas 8 ou 10 millions par année.
Il
n'est pas question ici de rabaisser le travail des joueurs de hockey, qui,
appelons un chat un chat, ne sont que des amuseurs publics. Parmi eux, certains
ont plus de talent que d'autres. On ne se scandalise pas que ces derniers
soient davantage payés. Mais de là à les ensevelir sous les billets verts, il y
a un pas qu'il ne faut pas franchir.
Des
salaires annuels de 8 ou de 10 millions pour des joueurs de hockey, c'est tout
simplement indécent, même si cela ne rejoint pas le sommet de la folie. La rémunération totale de la star du Real Madrid,
Cristiano Ronaldo, a été de 87,5 millions d’euros cumulés en 2016-2017. James LeBron, au
basketball, a gagné 73,2 millions de dollars US, alors que le boxeur Floyd Mayweather lui se «contentait» de 105 millions US. On
pourrait faire une liste interminable de ces salaires démentiels.
Tout cela est une gifle
monumentale pour tous et toutes, y compris pour leurs admirateurs les plus
enthousiastes, même si ceux-ci ne s'en rendent pas compte. C'est une
incongruité inacceptable et pourtant acceptée comme normale par l'ensemble des citoyens et citoyennes
dans une société comme la nôtre.
En
un mot comme en cent, c'est révoltant. À défaut de pouvoir faire réellement
quelque chose à cet égard, laissez-nous au moins le droit de dénoncer ce
scandale et de rappeler le sens des valeurs.
[1] Les auteurs sont des
retraités habitant Québec et Montréal. Denys Larose et Jean-Noël Tremblay ont
été directeurs généraux de collèges. Normand Chatigny fut maire de Cap rouge et
Michel Héroux a œuvré en information et en communication.