Les acteurs
politiques ont tenu leurs propos habituels en pareille circonstances. Devant
les parlementaires, le Président de la République française a été
particulièrement agressif face aux actes de l'ÉI, énonçant des phrases qu'on pourrait qualifier,
si on ose créer ce néologisme, de « bushiennes ». M. Hollande a parlé de «
l'armée de terroristes » qu'il faut non pas défaire, mais bien éradiquer. Ce
n'est pas rien. Joignant le geste aux paroles, la France a déjà intensifié ses
attaques aériennes contre des cibles en territoire contrôlé par l'ÉI.
Par delà
l'horreur compréhensible suscitée par les assassinats gratuits de vendredi
soir, il ne faut jamais oublier que le président français est aussi en campagne
électorale pour les élections régionales du 6 et 13 décembre et qu'il doit
décider s'il sera candidat à un second mandat à la présidence de l'État
français. Cela aussi fait partie de la réalité.
Pour notre
part, notre jeune premier ministre a refusé de tomber dans l'enflure verbale
ambiante. Il a eu raison. Bien sûr, les chroniqueurs le lui reprochent
sévèrement. Un premier ministre canadien qui se retient de lancer des
déclarations enflammées, ce n'est pas très excitant… On lui reproche même de
vouloir s'en tenir à ses engagements électoraux (retrait des six F 18 au
Moyen-Orient, accueil de 25 000 réfugiés syriens au Canada d'ici la fin de
l'année) et on lui conseille d'un côté, d'être plus guerrier et de l'autre, moins
accueillant. Certes, il va de soi que les mêmes chroniqueurs et commentateurs
sont fins prêts à le crucifier s'il ne respecte pas ses promesses électorales…
Tout cela est
de la politique. Nos politiques reflètent aussi une inquiétude profonde chez
les citoyens en France, certes, mais aussi ailleurs dans le monde, incluant le
monde musulman qui est le monde ayant le plus souffert jusqu'à maintenant de
ces gestes barbares. En passant, de ce côté-ci de l'Atlantique, qui s'était vraiment
soucié du double attentat à la bombe, la semaine
dernière, dans un quartier du sud de Beyrouth, qui a fait au moins 43 morts et
239 blessés, selon le dernier bilan officiel ?* Poser la question, c'est y
répondre.
Les actes
terroristes sont conçus justement pour créer un sentiment permanent de terreur
au sein des sociétés. Ce sentiment est corrosif, et s'attaque à la cohésion sociale
sans laquelle vivre de façon civilisée n'est pas possible. Cette terreur mène
aussi au désespoir et au découragement. Ce sont ces sentiments que les terroristes
veulent créer, et c'est à cela qu'il ne faut surtout pas succomber.
Toutes les
communautés qui, d'Oklahoma City à New-York, de Mumbai à Madrid, de Beyrouth à
Paris et en combien d'autres endroits, toutes les communautés qui se sont
reprises en main, ont nettoyé les lieux, pleuré leurs morts et blessés et repris
le travail quotidien, toutes ces communautés nous ont donné une leçon non
seulement de courage, mais aussi de civilité et de civilisation. Reprenant une
vie normale malgré la douleur, ces communautés ont fait mentir et continuent de
faire mentir les terroristes qui ont cherché à les paralyser. Elle continuent
également de faire mentir les nombreux prophètes de malheur qui s'agitent dans
trop de médias complaisants. C'est ce que Paris fait ces jours-ci.
Notre monde n'est
pas parfait, certes, mais il démontre à tous les jours que la civilisation
l'emportera toujours sur la barbarie, la force de caractère sur la terreur, les
plaisirs simples de tous les jours sur les idéologies totalitaires,
théologiques ou non.
Image : The Guardian (via Internet)
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